Après deux années de pause dans le recueil d’indicateurs de qualité et de sécurité des soins (IQSS) auprès des établissements de santé en raison de la pandémie de Covid-19, la Haute Autorité de santé publie leurs résultats pour l’année 2022[1]. Restitués en premier lieu aux équipes concernées dans le but d’optimiser leurs pr atiques, ces résultats sont mis en ligne aujourd’hui pour chaque établissement de santé sur QualiScope, service d’information accessible au grand public.
Si les résultats nationaux des indicateurs montrent pour la première fois quelques signaux faibles de dégradation, ils reflètent cependant les efforts engagés par les professionnels pour maintenir, malgré le contexte de tension à l’hôpital, un bon niveau de qualité des soins.
La médecine est une activité complexe, qui comporte des risques liés à l’état de santé des malades, aux interactions entre de très nombreux professionnels ou encore à la mobilisation de différents plateaux techniques. La mesure externe de la qualité des soins est essentielle pour les équipes, y compris quand elles font face à une activité sous tension : elle les enrichit d’un regard extérieur leur permettant de faire un « pas de côté » et d’améliorer ainsi leurs pratiques. Elle offre également aux professionnels l’opportunité d’objectiver leurs difficultés et besoins.
Cette mesure permet plus globalement aux pouvoirs publics de bénéficier d’un suivi de la qualité au sein des établissements – voire de repérer des signaux d’alerte. Elle constitue enfin une information utile pour les usagers de l’hôpital et leu r entourage, les professionnels de ville qui y adressent leurs patients et plus largement tous ceux qui s’intéressent à la qualité des hôpitaux et cliniques (élus, acteurs locaux, citoyens…).
Investie pour l’accompagnement des équipes et des établissements dans leur démarche d’amélioration de la qualité, la HAS est pleinement consciente des tensions qui s’exercent depuis plusieurs années sur le système de santé. En mars dernier, le collège de la HAS publiait ainsi une lettre ouverte à destination de toutes celles et ceux qui œuvrent pour la qualité des soins et des accompagnements.
La HAS y exprimait notamment son inquiétude quant à la capacité du système à proposer des soins de qualité dans l’ensemble du territoire, et soulignait les éléments nécessaires au maintien et à l’amélioration de cette qualité due à chaque patient. Les professionnels multiplient en effet depuis plusieurs mois les alertes sur leur incapacité à délivrer des soins de qualité, ce qui constitue pourtant le sens premier de leur métier et un levier majeur de leur accomplissement.
Une adaptation continue des dispositifs de mesure de la qualité des soins
Certification des établissements de santé, mesure d’indicateurs de qualité et de sécurité des soins (IQSS), recommandations de bonnes pratiques, analyse des événements associés aux soins, accréditation des médecins et des équipes médicales pour les spécialités à risques : ces différents dispositifs mis en œuvre par la HAS ont pour point commun la recherche d’amélioration continue de la qualité. L’objectif est de soutenir les professionnels dans leur aspiration à « bien soigner » et de les accompagner dans les évolutions attendues de leurs pratiques. En d’autres termes, il s’agit d’évaluer pour améliorer et non pour sanctionner.
La HAS adapte ses dispositifs en fonction de l’évolution des enjeux qualité. A titre d’exemple, la démarche de certification des établissements de santé est profondément transformée depuis 2020 : elle est désormais simplifiée, centrée sur les pratiques des soignants et sur les résultats de la prise en charge pour le patient. La HAS adapte également en permanence ses dispositifs à la situation des établissements et cherche à préserver au maximum le temps soignant consacré aux patients.
Dans cette logique, elle a, tout au long de la pandémie, suspendu le recueil obligatoire des indicateurs issus des dossiers patients et réalisé les premières visites 2021 de la nouvelle certification sur la base du volontariat. Plus récemment elle a initié un pilotage de la mise en œuvre des visites de certification en lien direct avec les établissements de santé, tenant compte de leur situation particulière.
L’année 2022 ayant marqué la reprise du recueil des indicateurs, la HAS en publie les résultats en ce début d’année 2023, à la fois sous formes de rapports nationaux et sur QualiScope, le service d’information de référence sur le niveau de qualité des soins, où ils viennent compléter le résultat de certification de chaque établissement de santé.
Des indicateurs publiés sur QualiScope pour encourager l’amélioration des pratiques
Dans le cadre de cette campagne 2022, la HAS présente les résultats de 30 indicateurs de qualité et de sécurité des soins au niveau national, dont 23 sont disponibles également par établissement et sont publiés sur QualiScope. Ces indicateurs concernent quatre secteurs : médecine, chirurgie, obstétrique (MCO), soins de suite et de réadaptation (SSR), hospitalisation à domicile (HAD) et, pour la première fois, psychiatrie générale (PSY).
Développés avec les professionnels de santé et les patients et régulièrement actualisés, ces indicateurs permettent de mesurer la satisfaction et l’expérience du patient, et d’évaluer la qualité sur des points particuliers de la prise en charge clinique, de la coordination entre professionnels et de la prévention des infections associée aux soins, pour permettre à chaque établissement de santé de définir les actions d’amélioration nécessaires. Ces indicateurs, qui ne cernent pas aujourd’hui les problématiques d’accès aux soins, n’ont donc pas vocation à dresser un état des lieux exhaustif de la qualité du système hospitalier.
La reconnaissance des patients toujours très forte envers les professionnels
Malgré le contexte particulièrement délicat dans lequel s’inscrit le fonctionnement des établissements de santé, la perception globale des patients reste très positive quant à la qualité de la prise en charge, dès lors qu’elle est engagée. Les résultats 2022 de l’enquête en ligne e-Satis menée auprès des patients après hospitalisation en MCO plus de 48h, chirurgie ambulatoire et SSR traduisent en effet la constance voire l’amélioration de leur satisfaction et expérience. Ainsi, 8 patients sur 10 estiment que leur prise en charge est « bonne » voir « excellente » dans les secteurs MCO et SSR, ce chiffre atteignant 9 patients sur 10 en chirurgie ambulatoire.
D’autres indicateurs mesurés depuis plusieurs années enregistrent également des résultats tout à fait positifs. Ainsi, concernant l’évaluation et la prise en charge de la douleur en MCO, plus de 9 établissements sur 10 atteignent désormais un niveau satisfaisant.
Des points de fragilité et des signaux faibles qui alertent sur un possible début de dégradation de la qualité des soins
De façon générale, et malgré l’engagement de chacun, certains résultats n’augmentent pas suffisamment, et pour certains se tassent depuis leur dernière mesure, effectuée pour la plupart d’entre eux il y a plus de deux ans. Recueillis sur un très grand nombre de dossiers, les indicateurs sont peu sensibles aux variations. Des régressions de faible ampleur peuvent donc être le signe de réelles évolutions, et ce d’autant que c’est la première fois qu’on en observe.
Ainsi la qualité de l’évaluation et de la prise en charge de la douleur régresse pour la première fois en SSR (même si elle reste à haut niveau) . De même, en MCO, on compte une proportion légèrement plus grande d’établissements pour lesquels la survenue d’infections du site opératoire à la suite de la pose d’une prothèse totale de hanche ou de genou est plus importante qu’attendue compte-tenu du profil de risque des patients pris en charge. Et en HAD, l’indicateur mesurant la bonne évaluation du risque d’escarres chez les patients est lui aussi en baisse, tout en restant à haut niveau.
Elément central de la coordination ville/hôpital, la transmission et la qualité de la lettre de liaison à la sortie de l’établissement s’améliorent. Néanmoins, les résultats restent très en deçà des objectifs dans tous les secteurs où l’indicateur est mesuré ; et en particulier en MCO, où seuls 31% des établissements atteignent un niveau satisfaisant, avec une faiblesse notable de la mention des traitements médicamenteux de sortie.
Concernant la prévention des infections associées aux soins, la maîtrise de la diffusion des bactéries multi-résistantes aux antibiotiques et des microorganismes à haut potentiel de transmission croisée représente un véritable enjeu de santé publique. Pourtant, seuls 19 % des établissements atteignent un niveau satisfaisant pour l’indicateur « bonnes pratiques de précautions complémentaires contact » dans le secteur MCO, résultat principalement lié à un manque d’information des patients concernés.
Pour la première fois, des indicateurs ont été mesurés en psychiatrie (hospitalisation temps plein). Ils ciblent la prise en charge somatique des patients, essentielle mais trop souvent laissée de côté au profit de la seule prise en charge des troubles psychiatriques. Les résultats sont insuffisants dans ce secteur. Ils permettent aux équipes de disposer d’un point de repère pour situer leurs pratiques et identifier les marges d’amélioration, par exemple sur le repérage et la proposition d’aide à l’arrêt des addictions chez l’adulte, ou sur l’évaluation cardio-vasculaire et métabolique.
Dans l’ensemble, les résultats de la campagne 2022 des IQSS traduisent la mobilisation des équipes dès lors qu’un patient est hospitalisé et leur capacité à s’inscrire dans une dynamique d’amélioration continue des prises en charge. Néanmoins, des signaux faibles existent, qui doivent être pris en considération et surveillés.
La HAS souligne que, à l’exception de la satisfaction et l’expérience patients mesurées en continu par l’enquête e-Satis, les indicateurs actuels ne permettent pas de mesurer la qualité en temps réel. Elle s’inquiète que les signaux faibles, issus de données 2021, puissent témoigner d’une certaine détérioration de la qualité des soins pour les patients, peut-être aggravée par les difficultés actuelles qui touchent le système de santé et l’accès aux soins. La HAS souhaite donc engager une réflexion avec ses partenaires institutionnels, sur de nouveaux outils de mesure permettant notamment d’évaluer le niveau de l’accès aux soins sur le territoire et d’accompagner la prise de décision des décideurs publics.
QualiScope, le service d’information grand public de référence sur le niveau de qualité des hôpitaux et cliniques
Les résultats des IQSS 2022 viennent alimenter QualiScope, le service HAS d’information de référence sur le niveau de qualité des établissements de santé. Ces données mises à jour complètent les résultats de certification pour présenter un panorama complet et actuel du niveau de qualité des soins de tous les hôpitaux et cliniques, où qu’ils soient sur le territoire. Chaque usager, professionnel et plus largement tout citoyen peut utiliser le moteur de recherche ou le panorama interactif pour trouver un établissement en fonction de sa localisation, de ses activités, de son niveau de certification ou encore de ses résultats d’indicateurs par secteur d’activité. A travers des données fiables, comparables entre établissements et accessibles au plus grand nombre grâce à la datavisualisation, QualiScope donne des clés pour s’ orienter au moment d’une hospitalisation et permet aux professionnels hospitaliers de situer les résultats de leur établissement par rapport aux autres. |
[1] Recueil en 2022 de résultats portant sur l’année 2021, à l’exception des résultats issus de l’enquête en continu e-Satis portant sur l’année 2022.
Pour en savoir plus :
Lire le communiqué de presse en ligne