Santé publique France a publié le BEH n°24-25 mardi 12 décembre.
Ce numéro comprend 1 éditorial et 5 articles :
- Éditorial : Le VIH et les IST au centre de la Stratégie nationale de santé sexuelle, Pr François Dabis (Université de Bordeaux (Isped) et CHU de Bordeaux (CoreVIH Nouvelle-Aquitaine))
- Diagnostics d’infection à VIH chez des hommes nés à l’étranger, contaminés par rapports sexuels entre hommes, France, 2012-2021, Françoise Cazein et coll.(Santé publique France, Saint-Maurice)
Les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) nés à l’étranger constituent une population particulièrement vulnérable vis-à-vis du VIH. L’objectif de cet article est de décrire les nouveaux diagnostics d’infection à VIH dans cette population en France, à partir de la déclaration obligatoire du VIH. Matériel et méthode – L’analyse a porté sur les diagnostics d’infection à VIH en 2021 chez des HSH nés à l’étranger, déclarés au 30 juin 2022, et les tendances observées sur la période 2012 à 2021 ont été décrites.
En 2021, le nombre d’HSH nés à l’étranger découvrant leur séropositivité a été estimé à 582 (intervalle de confiance à 95%, IC95%: [496-668]), soit 12% de l’ensemble des découvertes. Le nombre de découvertes dans cette population a augmenté régulièrement entre 2012 et 2019, alors qu’il a diminué chez les HSH nés en France et s’est stabilisé chez les hétérosexuel(le)s. L’âge médian des HSH nés à l’étranger ayant découvert leur séropositivité en 2021 était de 31 ans au moment du diagnostic. Ils étaient nés principalement en Afrique subsaharienne (33%, part en augmentation depuis 2012), en Amérique ou aux Caraïbes (24%, part en diminution), en Afrique du Nord (18%) ou en Europe (15%). Cette répartition par région de naissance est différente de celle observée chez les hétérosexuel(le)s né(e)s à l’étranger, qui étaient très majoritairement né(e)s en Afrique subsaharienne (76%). Le délai médian entre arrivée en France et diagnostic des HSH nés à l’étranger était de 3 ans. La part des diagnostics précoces était de 28% et celle des diagnostics tardifs, de 40%. Lors de la découverte de séropositivité VIH, 37% des HSH nés à l’étranger étaient co-infectés par une infection sexuellement transmissible (IST) bactérienne, proportion en augmentation depuis 2012.
Ces données soulignent la diversité des origines géographiques de la population des HSH nés à l’étranger diagnostiqués pour le VIH en France, et l’intérêt de la promotion du dépistage et de la PrEP en direction de cette population.
- Surveillance des infections sexuellement transmissibles bactériennes en médecine générale, France métropolitaine, 2020-2022, Daouda Niaré et coll. (Sorbonne Université, Inserm, Institut Pierre Louis d’Épidémiologie et de Santé publique, Paris)
Une augmentation des cas d’infections sexuellement transmissibles (IST) est observée en France depuis plusieurs années. Cet article quantifie et décrit trois IST bactériennes (infections à Chlamydia trachomatis – Ct, gonococcies et syphilis) prises en charge en médecine générale en France métropolitaine.
Les médecins généralistes du réseau Sentinelles déclarent et décrivent chaque semaine le nombre de cas de ces trois IST, confirmées biologiquement et vues en consultation. Les analyses ont porté sur les cas déclarés entre 2020 et 2022. Une estimation des taux d’incidence et une description des cas sont présentées.
En 2022, le taux d’incidence des cas d’infections à Ct était de 102 cas pour 100 000 habitants (intervalle de confiance à 95%, IC95%: [89-114]), soit +16% par rapport à 2020. Celui des gonococcies était de 44/100 000 [36-52], soit +91% par rapport à 2020, et celui de la syphilis de 21/100 000 [15-27], soit +110% par rapport à 2020. La part des dépistages par rapport aux diagnostics de cas symptomatiques a augmenté entre 2020 et 2022 (32,0% vs 50,0% pour la syphilis, 18,4% vs 35,3% pour la gonococcie et 47,0% vs 57,2% pour les infections à Ct). Les cas ayant une gonococcie ou une syphilis avaient, par rapport à ceux ayant une infection à Ct, plus de multipartenaires, plus d’antécédents d’IST, plus de co-infections par le VIH et plus de prises d’une prophylaxie pré-exposition (PrEP).
Les diagnostics d’IST bactériennes sont en progression en médecine générale depuis 2020. Le dépistage combiné des IST (VIH, IST bactériennes, hépatites B et C) chez les patients et leurs partenaires doit être proposé largement
- Prévalence des infections à Chlamydia trachomatis, Trichomonas vaginalis, Neisseria gonorrhoeae et à VIH à Mayotte : enquête de santé en population générale « Unono Wa Maore », 2019, Ndeindo Ndeikoundam Ngangro et coll. (Santé publique France, Saint-Maurice)
À Mayotte, le taux de découvertes de séropositivité du VIH était de 184/1 000 000 habitants en 2018, et 2,1% des femmes enceintes présentaient une syphilis en 2007-2008. Cette enquête a pour objectif d’estimer pour la première fois les prévalences de l’infection à VIH et des infections sexuellement transmissibles (IST) à Mayotte.
L’enquête a été conduite du 21 novembre 2018 au 14 juin 2019 auprès d’un échantillon représentatif des 15-69 ans selon un plan de sondage à 3 degrés (logements, ménages, individus). Les données démographiques, socio-économiques et comportementales ont été recueillies lors d’entretiens en face-à-face. Des prélèvements sanguins (sérologies VIH et syphilis) et un auto-prélèvement vaginal chez les femmes ou urinaire chez les hommes (PCR : Trichomonas vaginalis (Tv), Chlamydia trachomatis (Ct) et Neisseria gonorrhoeae (Ng)) ont été proposés. Des analyses pondérées univariées et multivariées ont été réalisées.
Parmi les 4 643 personnes ayant répondu au questionnaire, 3 042 (65,5%) ont été testées pour une IST. La prévalence des infections à Ct est de 9,2% (intervalle de confiance à 95%, IC95%: [7,9-10,4]). Les facteurs de risques sont le sexe féminin (odds ratio ajusté – ORa =1,35 [1,04-1,74]), un âge compris entre 20 et 29 ans (2,99 [1,85-4,84]) ou 30 et 49 ans (1,91 [1,20-3,04]), l’absence de diplôme (1,65 [1,02-2,66]) et un niveau d’instruction inférieur au bac (1,81 [1,06-3,08]). L’infection à Tv est fréquente (8,1% [7,01-9,2]). Elle est associée au sexe féminin (5,7 [3,7-8,8]), au chômage (2,2 [1,5-3,2]), et à l’inactivité professionnelle (2,2 [1,5-3,2]). La gonococcie (0,8% [0,3-1,2]) et la syphilis (0,4% [0,2-0,6]) sont moins fréquentes. Aucune estimation n’a été réalisée pour le VIH (3 séropositivités).
Ces prévalences très élevées mettent en évidence le poids particulièrement important des infections à Ct et Tv à Mayotte. L’utilisation du préservatif et un dépistage régulier restent incontournables dans la prévention des IST.
- Utilisation d’un dispositif de marketing social auprès des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes en temps de crise : le cas de l’épidémie de Mpox en France, Anna Mercier et coll. (Santé publique France, Saint-Maurice)
Début mai 2022, des cas de Mpox ont été signalés en Europe et dans le monde, sans lien direct avec un voyage en Afrique Centrale ou de l’Ouest, où le virus est présent, ou avec des personnes de retour de voyage. Ceux-ci concernaient majoritairement des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH). Dès les premiers jours, Santé publique France a mobilisé son dispositif Sexosafe pour alerter la population HSH et diffuser des messages de prévention ciblés à son attention. Dans le cadre d’un plan de communication gradué, deux campagnes portant sur le repérage des symptômes et la promotion de la vaccination ont été diffusées du 9 juin 2022 au 30 septembre 2022, générant 884 071 visites sur le site sexosafe.fr. Dans le cadre des urgences sanitaires, le travail de prévention auprès de populations vulnérables aux épidémies est largement facilité par l’existence de dispositifs de marketing social pérennes s’appuyant sur des données d’enquêtes, d’un réseau de partenaires associatifs et de professionnels de santé.
- Prophylaxie pré-exposition (PrEP) de l’infection au VIH parmi les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes répondant à l’enquête Rapport au Sexe 2023 : qui sont les éligibles ? Qui sont les usagers ? Annie Velter et coll. (Santé publique France, Saint-Maurice)
La prophylaxie pré-exposition (PrEP) est un outil de prévention de l’infection au VIH pour les populations à haut risque d’exposition, dont les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH). Depuis 2021, la primo-prescription peut être délivrée en médecine de ville en plus des centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) ou de l’hôpital. L’objectif de cet article est de décrire les profils des HSH éligibles à la PrEP, qu’ils l’utilisent ou non au cours des six derniers mois, et de déterminer les facteurs associés à sa non-utilisation.
Les données mobilisées sont issues de l’enquête Rapport au sexe (Eras) réalisée au premier semestre 2023, une enquête en ligne transversale et anonyme, auto-administrée et basée sur le volontariat auprès des HSH. Nous avons considéré qu’étaient éligibles à la PrEP les répondants multipartenaires non séropositifs pour le VIH, ayant déclaré le non-usage systématique du préservatif avec des partenaires occasionnels dans les 6 derniers mois lors de pénétrations anales.
Sur les 19 307 répondants rapportant être des HSH, cisgenres, résider en France et ne pas vivre avec le VIH, 6 439 répondants (33,4%) répondaient aux critères d’éligibilité à la PrEP. Parmi ces derniers, 3 278 (50,9%) l’avaient utilisé au cours des 6 derniers mois et 3 161 (49,1%) ne l’avaient pas utilisé. Par rapport aux usagers, les non-usagers étaient plus jeunes, moins souvent urbains, moins éduqués, avec une situation financière moins privilégiée, socialement moins connectés à la communauté gay et à ses modes de vie et également plus éloignés du système de soin et de l’offre médicale en santé sexuelle.
Nos résultats soulignent la persistance de freins individuels et structurels à l’utilisation de la PrEP au sein d’une population de HSH ayant des comportements sexuels à haut risque d’exposition au VIH. Pour l’instant, l’ouverture de la primo-prescription de la PrEP en médecine de ville n’atteint pas les objectifs attendus dont la diversification des caractéristiques sociodémographiques des usagers éligibles.