Le 7 juillet derniers sont parus au Journal officiel le décret et l’arrêté ministériels relatifs « aux conditions de détermination des territoires au sein desquels l’accès au médicament pour la population n’est pas assuré de manière satisfaisante ». Ces textes essaient de donner une définition compréhensible et acceptable des fameux « territoires fragiles ». Hélas, à la lecture de ces deux documents, force est de constater que nous n’en avons eu ni la compréhension, et encore moins l’acceptation !
En effet, si l’objectif de ce projet part d’une intention parfaitement louable, à savoir permettre à tous les patients, quel que soit leur lieu de résidence, de pouvoir accéder à une officine dans un périmètre raisonnable, le résultat final manque à la fois de clarté, d’équité et d’efficacité.
En matière de clarté, l’arrêté du 7 juillet indique pour chaque région de France et des territoires ultra-marins un pourcentage maximum d’habitants résidant dans ce type de territoire, et considérés comme mal desservis en matière d’accès aux médicaments. Il s’agit de plafonds qui varient de 3 % de la population de la région PACA jusqu’à 18 % en Corse, en passant par 6 % en Ile-de-France, 13 % en Normandie et même 100% à Mayotte !
Lors de la phase de consultation avec le Ministère de la santé, nous avions demandé comment ces seuils de population résidant dans un territoire au sein duquel l’accès au médicament pour la population n’est pas assuré de manière satisfaisante avaient été calculés, mais nous n’avons pas obtenu de réponse.
Il appartiendra à chaque Directeur d’une agence régionale de santé (ARS) de définir, par voie d’arrêté, les territoires considérés comme fragiles, après concertation avec les acteurs de terrain, comme le Conseil régional de l’Ordre des pharmaciens, les syndicats représentatifs de la profession et les conseils territoriaux de santé. Cette liberté d’appréciation pourrait poser de vrais problèmes en matière d’égalité de traitement entre les territoires.
Parmi les quatre critères non cumulatifs retenus pour caractériser un territoire comme fragile figure notamment un critère d’âge, avec une limite d’âge fixé à 65 ans pour le pharmacien titulaire, sachant que de très nombreux pharmaciens ne partiront pas en retraite avant 67 ans afin d’avoir tous leurs trimestres de cotisation pour toucher une retraite à taux plein.
En conséquence, avec ce texte, il sera désormais possible d’autoriser l’ouverture d’une officine près d’une autre officine dont le titulaire serait proche de la retraite. On voudrait démonétiser la valeur marchande et financière de ces pharmacies déjà en proie à de nombreuses difficultés que l’on ne s’y prendrait pas autrement !
La règle actuelle qui prévaut, à savoir une officine pour 2 500 habitants, a permis jusqu’à présent de disposer de l’un des réseaux officinaux les plus denses et les plus efficaces d’Europe, voire du monde entier ! Le maillage territorial officinal a certes besoin d’être mieux soutenu et accompagné par les pouvoirs publics, mais il n’a surtout pas besoin de faire l’objet d’une remise en cause de ses fondements et de ses acquis.
Après concertation de ses instances statutaires et avis de ses avocats, l’USPO a donc décidé d’intenter un recours contentieux auprès du Conseil d’Etat contre ces deux textes afin de mieux protéger les pharmaciens d’officine directement impactés par ces dispositions réglementaires.
Contact presse – Jérôme Koenig – koenig@uspo-paris.fr