La goutte possède malheureusement l’image d’une maladie auto-infligée, sans gravité et méritant peu d’attention. Cette image doit être corrigée, car cette maladie à composante génétique devient sévère, avec une possible surmortalité précoce lorsqu’elle n’est pas traitée au long cours, alors même qu’elle bénéficie de traitements très efficaces. L’attention portée aux crises de goutte fait souvent oublier que la goutte est aussi une maladie chronique.
La mobilisation internationale se renforce actuellement, afin que l’enjeu de santé publique que constitue la goutte soit mieux considéré (1), que les facteurs de risques soient mieux maîtrisés, que le diagnostic soit précoce et l’adhérence au traitement renforcée (2).
La goutte touche en France 0,9 % de la population, soit plus de 500 000 personnes adultes, avec une sur-représentation masculine. Elle représente l’arthrite la plus fréquente.
Le surpoids, la consommation d’alcool et d’aliments riches en purines, et une prédisposition génétique sont les facteurs principaux de l’élévation, prolongée pendant des années, du taux d’acide urique dans le sang (hyperuricémie), puis du dépôt de microcristaux d’urate de sodium dans les articulations. Si les crises sont résolutives spontanément en une à trois semaines, ou plus rapidement sous traitement, laisser les dépôts s’accumuler conduit à une infiltration et une destruction des articulations, causant une invalidité permanente.
Au cours ou au décours des crises, un infarctus du myocarde ou un accident vasculaire cérébral survient dans 3 à 4 % des cas, sans doute lié à l’inflammation aigüe. La goutte s’associe également à l’obésité, à l’hypertension artérielle, au diabète de type 2 et aux dyslipidémies, qui aggravent encore le risque cardiovasculaire et le risque de mortalité précoce
L’excès d’acide urique dans le sang est réversible. Sa réduction à moins de 50 mg (300 mmol) /L est obtenue par les médicaments hypo-uricémiants avec prescription précoce et maintien au long cours pour une uricémie contrôlée, avec un régime alimentaire limitant l’alcool et les aliments déconseillés et luttant contre le surpoids (3, 4).
Malgré l’efficacité du traitement hypo-uricémiant, la persistance des crises de goutte est fréquente et résulte d’une conduite imparfaite du traitement en raison : d’une prescription insuffisante, notamment en rapport avec la crainte d’accidents cutanés graves liés à l’allopurinol, lesquels sont cependant rares et largement prévenus par une introduction posologique progressive (3) ; de l’absence d’uricémie cible (5) ; et surtout d’une mauvaise adhésion au traitement, la goutte étant la maladie chronique dans laquelle l’adhésion au traitement est la plus faible (6), ce qui souligne l’importance de l’information et de l’éducation thérapeutique du patient, nécessaires pour la bonne compréhension de sa maladie et de son traitement (7), et de l’application des recommandations internationales (8).
Considérant la forte prévalence, les conséquences sanitaires et sociales et les complications de la goutte, l’Académie nationale de médecine souligne qu’un traitement adapté de la goutte reste un important défi de santé publique. Elle rappelle que l’affronter avec succès demande le respect des règles suivantes :
– Un traitement hypo-uricémiant dès le diagnostic certain et visant une uricémie en dessous de 50 mg/L (300 mmol/L) avec de petites doses de colchicine pendant les 6 premiers mois du traitement et l’allopurinol introduit progressivement et augmenté par paliers selon le niveau de la fonction rénale ;
– Une surveillance de l’uricémie cible pour adapter la posologie du traitement, et poursuivie même après disparition des signes de goutte, du fait du risque de récidive des signes et d’apparition de complications en cas d’arrêt ;
– Des conseils alimentaires et de réduction drastique de la consommation d’alcool ;
– La mise en place d’un programme d’information et d’éducation thérapeutique du patient, indispensables pour l’adhésion au long cours du patient au traitement et pour la réussite de ce traitement.
CONTACT PRESSE : Virginie Gustin, virginie.gustin@academie-medecine.fr