Les structures des urgences constituent des services d’établissements de santé, qu’ils soient publics ou privés, chargés d’assurer, sans interruption, la prise en charge de toute personne nécessitant des soins urgents, y compris psychiatriques. La médecine d’urgence se caractérise, quant à elle, par la fourniture de soins dans la limite des 24 premières heures suivant l’arrivée d’un patient. Elle n’a pas vocation à garder les patients au-delà de cette période.
La Cour des comptes a été sollicitée par la présidente de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale afin de réaliser une enquête sur les services des urgences hospitalières, en mettant l’accent sur l’efficacité des mesures mises en œuvre dans le cadre du programme « Ma santé 2022 », adopté en juin 2018.
Ce programme a été enrichi, en décembre 2019, par un plan d’action spécifique pour la médecine d’urgence, le « Pacte de refondation des urgences ». Ce dernier, élaboré en réponse aux difficultés pressantes rencontrées par les établissements de santé, regroupe 12 mesures issues d’un rapport commandé par le Gouvernement en juin 2019.
Une solution de secours sollicitée au-delà de sa vocation
La médecine d’urgence associe trois fonctions exercées par cinq types de services : l’accueil des appels et d’orientation des patients dans le système de soins que sont les « services d’aide médicale urgente » (Samu, dit aussi « Centre 15 », et les tout récents « services d’accès aux soins » (SAS) ; les interventions sur le terrain accomplies par les « structures mobiles d’urgence et de réanimation » (Smur), et la prise en charge des personnes par les « structures de médecine d’urgence » dans les hôpitaux, appelées plus simplement « les urgences » (complétées, bientôt, par des « antennes de médecine d’urgence »). Le présent rapport est centré sur cette dernière composante, à savoir l’accueil et le traitement des urgences à l’hôpital.
En 2022, la médecine d’urgence était assurée par 694 structures en France, dont 75 % publiques. Le coût total pour 2023 a été estimé à 5 597 M€, dont 5 312 M€ à la charge de l’assurance maladie, représentant 5,17 % des dépenses hospitalières prévues par l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam).
Les urgences à l’hôpital sont mises en difficulté par un afflux croissant de patients lié au manque de médecins de ville et au vieillissement de la population. De nombreuses mesures ont été prises par les pouvoirs publics depuis 2022 pour faire face à cet engorgement, tant à l’entrée des urgences qu’à la sortie mais elles sont loin d’avoir produit tous leurs effets et certaines doivent être complétées.
Il en va ainsi de la coordination de la régulation des urgences avec l’organisation de la permanence des soins en ville, du développement des compétences des infirmiers, des sages-femmes, des pharmaciens permettant de libérer du temps médical des médecins ou de maintenir un suivi des personnes à la santé précaire malgré l’absence de médecin traitant, de la simplification de l’accès direct à l’hospitalisation pour les patients âgés, en leur évitant de passer par les urgences. Le développement des centres de soins programmés qui peuvent contribuer à alléger la pression sur les urgences mais qui captent une partie de la ressource en médecins urgentistes et ne contribuent pas toujours à la permanence des soins en ville, doit être encadré.
Des tensions internes aux structures de médecine d’urgence à réduire
Au-delà de l’afflux croissant de patients, les urgences hospitalières font face à une pénurie de médecins, à des locaux parfois mal adaptés et à des capacités d’accueil à la sortie (notamment par manque de lits d’hospitalisation dans les services spécialisés). Ces constats conduisent à une dégradation du service rendu aux patients qui se traduit par un allongement des délais de prise en charge, par la régulation de l’accueil, par des fermetures partielles ou totales sur certaines périodes, voire par des conséquences sanitaires pouvant être graves (« évènements indésirables graves »).
Pour faire face à ces difficultés, la Cour recommande de mutualiser les équipes d’urgentistes à l’échelle de plusieurs établissements et de mettre en place un ordonnancement des lits pour exploiter au mieux les lits disponibles, au sein de chaque établissement et entre établissements situés à proximité. Des progrès sont aussi possibles et nécessaires dans l’anticipation des besoins en médecins urgentistes et dans le suivi de l’effectif de cette spécialité.
Améliorer la connaissance de l’activité et renforcer le pilotage des capacités des urgences
Il est essentiel que les dispositifs de recueil et d’exploitation des données de régulation, de passages aux urgences, de financement à l’activité, de disponibilité en lits et en personnel médical soient modernisés et unifiés. Le potentiel disponible et celui mobilisé doivent être connus à tout instant par les pouvoirs publics, du niveau local au niveau national, de manière à permettre d’anticiper les tensions prévisibles et d’adapter les moyens aux besoins de la population.
Le financement de l’activité des urgences a fait l’objet d’une réforme importante mise en œuvre à partir de 2021, associant dotation en fonction de la population à desservir, financement de l’activité réalisée et reconnaissance de la qualité du service rendu. Cette réforme positive dans ses principes n’est cependant appliquée que très timidement, le souci de continuité l’ayant jusqu’à présent emporté. Les contrôles sur la facturation de l’activité sont par ailleurs quasi inexistants.
Les causes des événements indésirables graves survenus dans les structures des urgences, que les établissements ont l’obligation de déclarer, constituent un élément d’appréciation de cette qualité du service rendu. Leurs causes et les correctifs apportés doivent être régulièrement publiés.
Le public, auquel le service des urgences s’adresse, sera d’autant plus enclin à en user de manière strictement utile qu’il sera informé de manière transparente des paramètres d’activité, de disponibilité, de sécurité des structures des urgences, parallèlement à la possibilité de régulation. Il convient donc qu’il ait accès facilement à ces informations.
CONTACTS PRESSE
Julie Poissier ■ Directrice de la communication ■ julie.poissier@ccomptes.fr
Sarah Gay ■ Chargée des relations presse ■ sarah.gay@ccomptes.fr