Les maladies cardiovasculaires sont la première cause de morbidité et de mortalité chez les sujets âgés de 75 ans et plus, en raison des altérations structurelles et fonctionnelles du coeur et des vaisseaux liées à l’âge, ainsi que de l’exposition cumulative aux facteurs de risque cardiovasculaire.
Cette population présente une très forte croissance démographique ainsi qu’une hétérogénéité importante au niveau de l’état de santé et des capacités fonctionnelles : c’est à partir de cet âge qu’un pourcentage important de sujets présentent une fragilité croissante avec un déclin important des capacités physiques et mentales, et de plus en plus de maladies chroniques.
Les sujets âgés les plus fragiles sont souvent à très haut risque de complications cardiovasculaires graves, et nécessitent donc des traitements médicamenteux préventifs et curatifs ; cependant, cette même population étant la plus vulnérable aux effets indésirables des traitements, cela peut conduire à des stratégies médicamenteuses moins agressives.
L’objectif de ce rapport est de contribuer à une prise en charge personnalisée, coordonnée et holistique des facteurs de risque cardiovasculaire chez les sujets âgés de 75 ans et plus en fonction de leur niveau de fragilité et de leur état fonctionnel, et non de leur âge chronologique, afin d’éviter un surtraitement des plus fragiles, ou un sous-traitement des plus robustes.
Le groupe de travail de l’Académie, créé en Mars 2024 et composé de 14 membres, a rédigé ce rapport après avoir auditionné 14 experts.
Ce rapport souligne l’importance du dépistage systématique de la fragilité et des capacités fonctionnelles des personnes âgées pour l’évaluation du rapport bénéfice/risque des différentes stratégies de prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaire (FdR CV). La généralisation de cette approche innovante nécessite une formation de tous les professionnels de santé en contact avec des patients âgés aux notions gériatriques de base, et en particulier aux méthodes de dépistage des capacités fonctionnelles et de la fragilité.
Le rapport insiste également sur l’intérêt de la décroissance thérapeutique chez les plus fragiles, chez qui les effets indésirables des traitements sont les plus fréquents et les plus graves. L’intervention de professionnels de santé et l’utilisation de nouvelles technologies peuvent aider au suivi du contrôle des FdR CV et à la diminution des erreurs de la prise médicamenteuse.
Ce rapport met également l’accent sur la nécessité d’améliorer la prise en charge des résidents d’EHPAD à haut risque CV en proposant l’intervention d’équipes mobiles externes qui pourront suivre de façon régulière l’évolution de leur état clinique. Enfin, il est urgent de promouvoir des études cliniques de qualité en y incluant les patients âgés fragiles qui en sont actuellement le plus souvent exclus.
Les recommandations proposées s’adressent aux autorités politiques, aux universités, aux médecins et autres professionnels de santé, ainsi qu’aux patients et leurs aidants. Une action commune de tous ces acteurs est nécessaire afin de faire rentrer la sensibilisation et les pratiques gériatriques dans la vie quotidienne.
Recommandations pour la prise en charge des FdR CV chez les sujets >75 ans
Evaluation du niveau de fragilité
– Utiliser en première intention des échelles de fragilité rapides (<10 minutes), validées et faciles à réaliser par tous les professionnels de santé (exemple : ICOPE/OMS, Score de Fragilité Clinique, Critères de Fried).
– Ces dépistages doivent être réalisés préférentiellement en dehors du milieu hospitalier, avec une fréquence annuelle.
– Adapter la prise en charge des FdR CV en fonction des résultats obtenus chez les :
- Patients robustes : stratégie assez proche de celle des sujets plus jeunes,
- Patients modérément fragiles mais indépendants : stratégies plus conservatrices, cibles thérapeutiques moins strictes, surveillance clinico-biologique étroite.
- Patients dépendants : individualisation des stratégies car risque iatrogène majeur, lutte contre la polymédication, décroissance thérapeutique le cas échéant.
Interventions d’équipes mobiles dans les EHPAD
- Equipes déployées par les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS) avec le soutien des Autorités Régionales de Santé (ARS) dans le cadre de conventions tripartites (ARS-EHPAD- Equipes Mobiles).
- Ces équipes doivent assurer le suivi des FdR CV chez les patients à haut risque, dès leur entrée en EHPAD par tous les moyens possibles (visites sur place, extraction de données à partir du dossier médical informatique, organisation de téléconsultations).
Déprescription : un outil thérapeutique majeur
- Pas de reconduite automatique des ordonnances médicamenteuses
- Le médecin traitant doit être la personne pivot dans la gestion de l’ensemble des traitements, et la coordination avec les spécialistes doit être systématique.
- Formation des médecins à la déprescription dès le 2ème cycle des études médicales.
Prévention de la iatrogénie
- Utilisation systématique d’un pilulier ;
- Passage d’IDE pour les plus fragiles et/ou isolés ;
- Surveillance clinique à domicile par des outils connectés adaptés aux capacités fonctionnelles et l’environnement des patients.
Promotion d’une recherche clinique qui n’exclut pas les plus fragiles
• Considérer l’inclusion des sujets fragiles comme un critère majeur de qualité dans les appels d’offre publiques (PHRC, ANR etc.).
• Obliger les industriels du médicament à tester leurs molécules sur les sujets très âgés et fragiles si ces médicaments leur sont destinés.
`CONTACT PRESSE : Virginie Gustin – virginie.gustin@academie-medecine.fr