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Rapport de la Cour des Comptes sur le financement de la Sécurité sociale

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La Cour des comptes a rendu public, le 17 septembre 2013, un rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale. Ce rapport s’inscrit dans le cadre de sa mission constitutionnelle d’assistance au Parlement et au Gouvernement.

Dans le cadre de sa mission constitutionnelle d’assistance au Parlement et au Gouvernement, la Cour des comptes rend public son rapport annuel sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale.

La France se situe à un moment crucial dans la conduite du redressement de ses comptes publics. Après les déficits historiques des années 2009 et 2010, elle s’est engagée depuis 2011 dans une trajectoire de retour à l’équilibre. De premiers résultats ont été obtenus dans la résorption du déficit de la sécurité sociale.

Pour autant, ce déficit demeure massif, à un niveau deux fois supérieur à ceux de la période 2006-2008. En 2012, sa réduction s’est en effet sensiblement ralentie. Et, en 2013, contrairement à la prévision de la loi de financement de la sécurité sociale votée fin 2012, le redressement des comptes sociaux connaît un coup d’arrêt du fait de l’atonie de la croissance.

Enrayer la spirale de la dette sociale par un effort nettement accru de maîtrise des dépenses

La dette sociale, de plus en plus élevée et financée pour des montants croissants par des emprunts à court terme, pose la question de l’équité entre les générations. Cette situation particulièrement anormale,dangereuse en cas de remontée des taux d’intérêt, rend indispensable la reprise sans tarder par la CADESdes déficits accumulés.

Des mesures ont été annoncées pour rétablir la situation des régimes de retraite. Mais selon les projections de la Cour, du seul fait des déficits des branches maladie et famille, près de 72 Md€ de dettes supplémentaires s’accumuleraient à l’horizon 2018 en l’absence de nouvelles mesures. Enrayer la spirale de la dette sociale est donc indispensable.

Le rééquilibrage des comptes sociaux est passé ces dernières années par la mobilisation de recettes supplémentaires d’un montant très important. Mais cette voie de redressement atteint ses limites. Des élargissements ciblés de l’assiette de la CSG demeurent envisageables, mais des contraintes d’ordre constitutionnel tendent à limiter désormais les possibilités d’augmentation générale de ses taux. Par ailleurs, si,en dépit des mesures prises ces dernières années, l’ampleur des « niches sociales » demeure considérable,leur évaluation systématique n’a pas été engagée. En tout état de cause, toute hausse de prélèvements devrait être consacrée de façon prioritaire au financement de la dette sociale.

C’est prioritairement en pesant sur les dépenses pour ralentir leur progression que le redressement des comptes sociaux doit s’accélérer. La stricte exécution de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) est indispensable à cet égard. Pour la troisième année consécutive, cet objectif, resserré pour 2012 à + 2,5 %, n’a pas été dépassé. Pour autant, il a continué de progresser nettement plus rapidement que le PIB.Il convient donc de mettre en œuvre des réformes structurelles, seules à même d’infléchir durablement les dépenses.

Or, sans dégrader la qualité des soins, les marges d’efficience et d’économies apparaissent considérables.

Réorganiser le système hospitalier

La Cour consacre une attention toute particulière aux établissements de santé, dont les dépensesreprésentent à elles seules 44 % de l’ONDAM. En effet, les modalités de fixation de l’enveloppe des dépenses hospitalières (près de 75 Md€ en 2012) aboutissent à atténuer très sensiblement l’effort d’économies réellement demandé aux établissements. Malgré ce traitement favorable, le retour à l’équilibre des hôpitaux publics en 2012, après plusieurs années de déficit, apparaît fragile. Les efforts de meilleure gestion et de réorganisation doivent être amplifiés.

À cet égard, le retard considérable de la chirurgie ambulatoire dans notre pays est préjudiciable : quatre interventions seulement sur dix sont pratiquées en ambulatoire, contre jusqu’à huit sur dix dans certains pays comparables. Malgré la progression du nombre de places en chirurgie ambulatoire, la diminution des lits de chirurgie conventionnelle a été interrompue ces dernières années, avec pour conséquence un taux d’occupation très insuffisant. La pleine utilisation des capacités de chirurgie ambulatoire existantes,parallèlement à la fermeture de lits conventionnels, permettrait de l’ordre de 5 Md€ d’économies. La part del’hospitalisation à domicile reste elle aussi très inférieure à celle constatée dans d’autres pays.

L’ensemble des établissements hospitaliers doit s’engager dans des mutations indispensables. C’est le casnotamment des établissements de santé privés à but non lucratif, dits d’intérêt collectif, fragilisés par la tarification à l’activité. C’est aussi celui des anciens hôpitaux locaux, qui représentent le tiers des établissements publics, mais n’assurent qu’une très faible part de l’activité hospitalière. Ils peuvent toutefois,dans certaines zones en risque de désertification, en lien avec des maisons pluridisciplinaires de santé, éviter certains passages aux urgences et faciliter le maintien d’une présence de professionnels libéraux, ce qui suppose un financement adapté.

Réaliser les économies possibles dans certaines dépenses de soins

Longtemps assurée par un tour de garde des médecins libéraux relevant d’une obligation déontologique, lapermanence des soins la nuit, les week-ends et les jours fériés est désormais fondée sur un dispositif de volontariat rémunéré et de régulation téléphonique médicale. Ce système a abouti à une explosion de la dépense, qui a triplé en dix ans et atteint désormais près de 700 M€, sans avoir pour autant réussi à désengorger les urgences hospitalières ni éviter que 40 % des patients continuent d’appeler directement leur médecin. La concurrence entre les « centre 15 » et les associations de médecins libéraux (du type SOS) apparaît source de dépenses supplémentaires.

Les dépenses d’analyses médicales ont pour leur part connu une très vive croissance au cours de la décennie écoulée et représentent globalement une charge de près de 6 Md€ pour l’assurance maladie, dont 2,9 Md€ pour le régime général au titre des seules analyses effectuées en laboratoires de ville. Les considérables gains de productivité de ce secteur n’ont que très partiellement bénéficié à l’assurance maladie.Au total, la Cour estime possible de dégager rapidement 500 M€ d’économies dans ce domaine.

La Cour a également examiné les modalités de prise en charge de l’optique correctrice, qui représente à elle seule une dépense totale de 5,3 Md€, ainsi que des audioprothèses. L’assurance maladie obligatoire ne rembourse que 200 M€ au titre des dépenses d’optique, soit une prise en charge dérisoire(moins de 2 % en moyenne pour les adultes) ; elle a même diminué son taux de remboursement en 2011. Cedésengagement signe un grave échec qui compromet l’égal accès de tous aux soins. Les institutions d’assurance maladie complémentaire ont pris le relais, à hauteur de 3,7 Md€ en 2011, mais dans des conditions inégales. Le marché de l’optique doit être plus transparent et concurrentiel. Les organismes complémentaires doivent quant à eux faire jouer plus activement la concurrence entre les distributeurs, et les pouvoirs publics redéfinir plus strictement les « contrats responsables », pour peser beaucoup plus fortementsur les prix.

Accentuer les efforts de certains régimes de retraite

Les régimes de retraite des exploitants agricoles comptent moins de 500 000 cotisants pour 1,6 million de bénéficiaires : les cotisations couvrent moins de 13 % des charges du régime de base. Malgré des pensions servies de montant modeste et un apport de 6,7 Md€ de financements complémentaires en provenance des autres régimes et de l’État, le déficit, financé par emprunt bancaire, devrait approcher 1 Md€ en 2013. Une remise en cause de certains mécanismes aboutissant à diminuer les cotisations est nécessaire.

Les régimes de retraite des professions libérales ne connaissent pas encore, pour la plupart, de difficultés d’ordre démographique : ils reposent sur 800 000 cotisants pour un peu plus de 200 000 pensionnés. Mais ils ont connu des réformes trop limitées pour assurer à terme leur soutenabilité financière.Une plus grande solidarité interprofessionnelle est souhaitable pour leur permettre de surmonter les difficultésdes années à venir.

Unifier la gestion de la branche maladie du régime général

Pour 7,7 millions de fonctionnaires et d’étudiants, ainsi que leurs familles, des mutuelles assurent le remboursement des prestations au titre de l’assurance maladie obligatoire. Elles sont rémunérées, à ce titre, àhauteur de 365 M€ en 2011.

 

 

La Cour constate que la qualité de service des mutuelles de fonctionnaires demeure inégale et globalement insuffisante, pour des coûts élevés. Ce mode de gestion déléguée est à bout de souffle ; comme la Cour l’avait déjà recommandé en 2006, il doit être reconsidéré au bénéfice d’une reprise en gestion directe par le réseau de l’assurance maladie obligatoire.

Les onze mutuelles étudiantes, qui couvrent 1,7 million d’affiliés, ont remboursé 800 M€ de dépenses de soins et perçu à ce titre 93 M€ de remises de gestion. Leur qualité de service est, pour certaines d’entre elles,très insuffisante, qu’il s’agisse du règlement des prestations ou des relations avec les étudiants, dont l’insatisfaction est très prononcée, notamment à l’encontre de la mutuelle des étudiants (LMDE). Leur rémunération, fondée sur des bases particulièrement avantageuses et dénuées de toute transparence, a pourtant sensiblement augmenté. La reprise de la gestion de la population étudiante par les caisses d’assurance maladie permettrait une économie de près de 70 M€.

 

Principales recommandations du rapport

 

La Cour formule 82 recommandations, parmi lesquelles :

LES COMPTES ET LE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

·          Organiser la reprise par la CADES des déficits 2012 et 2013 des branches maladie et famille du régime général et augmenter en conséquence le taux de la CRDS ;

·          Abaisser au minimum de 0,2 point chaque année l’objectif de progression de l’ONDAM prévu pour 2014, 2015 et 2016 ;

·          Préférer la remise en cause de « niches sociales » plutôt qu’une augmentation générale de taux de la CSG ;

·          Unifier progressivement, dans cette perspective, les taux de CSG applicables aux revenus d’activité et aux revenus de remplacement au-delà d’un certain plafond, en particulier dans le cas des pensions de retraite ;

·          Réserver prioritairement tout prélèvement supplémentaire au financement de la dette sociale et, de façon subsidiaire, au retour à l’équilibre du FSV ;

·          Intégrer dans le barème des cotisations sociales patronales les allègements généraux de charges (recommandation réitérée).

LA MAÎTRISE DES DÉPENSES HOSPITALIÈRES

·          Améliorer la construction de l’« ONDAM hospitalier » en utilisant une méthode rigoureuse et stable ;

·          Augmenter les possibilités de régulations tarifaires pour mieux maîtriser les dépenses financées à l’activité ;

·          Conditionner l’attribution d’aides exceptionnelles à l’exploitation à la réalisation d’efforts structurels ;

·          Aligner la tarification de la chirurgie en hospitalisation complète sur les coûts ambulatoires des établissements les plus efficients, pour l’activité qui peut être réalisée en ambulatoire ;

·          Supprimer les surcapacités en chirurgie conventionnelle pour amplifier la conversion à la pratique ambulatoire ;

·          Mener à bien l’étude nationale des coûts et réformer la tarification de l’hospitalisation à domicile ;

·          Accélérer les restructurations en cours des établissements privés à but non lucratif ;

·          Mettre en œuvre pour les hôpitaux locaux un financement mixte articulant, à titre principal, une tarification à l’activité pour les soins de court séjour, de suite et de réadaptation, et un financement forfaitaire destiné à reconnaître leur rôle spécifique dans des zones médicalement fragiles.

L’EFFICIENCE DU SYSTÈME DE SOINS

·          Confier aux agences régionales de santé la responsabilité générale de l’organisation des gardes de tous les professionnels de santé et de leur financement ;

·          Au sein des établissements hospitaliers, définir un objectif de réduction de 10 à 15 % du volume d’actes de biologie à champ constant ;

·          Dénoncer la convention entre l’assurance maladie et les directeurs de laboratoires privés, et négocier sur des bases actualisées une nouvelle convention permettant de maîtriser rigoureusement la dépense ;

·          Rendre les contrats responsables plus exigeants et plus sélectifs, notamment en fixant des plafonds aux dépenses prises en charge de l’optique correctrice et des audioprothèses ;

·          Encadrer plus strictement les réseaux de soins correspondants par un cahier des charges commun à tous ;

·          Encourager de nouveaux modes de distribution de l’optique correctrice et des audioprothèses, et ouvrir le marché à plus de concurrence.

LA SOUTENABILITE DE CERTAINS REGIMES DE RETRAITE

·          Soumettre les revenus des associés non-exploitants agricoles à une contribution sociale spécifique ;

·          Majorer l’assiette sociale des exploitants agricoles n’adhérant pas à un organisme agréé, comme pour l’impôt sur le revenu ;

·          Renforcer le rôle de la Caisse nationale des professions libérales et mettre en place une convention d’objectif et de gestion entre cette dernière et l’État ;

·          Mettre à l’étude des mécanismes de solidarité entre les régimes complémentaires des professions libérales pour surmonter les déséquilibres à venir ;

LA GESTION DE L’ASSURANCE MALADIE DÉLÉGUÉE A DES TIERS

·          Reconsidérer le maintien de la gestion déléguée à des mutuelles de l’assurance maladie des agents publics ;

·          Reconsidérer le maintien de la gestion déléguée de l’assurance maladie des étudiants.

 

 

> Consulter la synthèse de la Cour des comptes

> Consulter le rapport dans son intégralité

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