Dans cet article, afin de déterminer l’ampleur de l’épidémie, de mieux comprendre la propagation de la maladie et de définir ce qu’il faut faire pour renverser la tendance, des épidémiologistes et des statisticiens spécialistes de la santé publique se penchent sur des données dont les plus anciennes concernent le début de la flambée en décembre 2013.
Ampleur de l’épidémie
Bien que la flambée ait été notifiée pour la première fois à l’OMS le 23 mars 2014, les enquêtes rétrospectives ont montré qu’elle avait débuté en décembre 2013. Entre le 30 décembre 2013 et le 14 décembre 2014, 4507 cas au total ont été notifiés à l’OMS.
Les données étudiées permettent de déterminer plus précisément qui sont les personnes les plus touchées par cette flambée. Ainsi, on a pu lire des informations diverses sur la question de savoir si ce seraient les femmes, car elles s’occupent plus souvent des malades, ou les hommes, car ils se chargent plus fréquemment d’inhumer les cadavres très infectieux.
« Cette étude nous a donné des informations précieuses sur les mécanismes de cette flambée. Par exemple, nous avons appris qu’il n’y a pas de différence fondamentale entre les pays en ce qui concerne le nombre total de patients masculins et de patients féminins», dit le Dr Christopher Dye, Directeur chargé de la Stratégie à l’OMS et co-auteur de l’étude. Et d’ajouter : « Il peut y avoir des différences dans certaines communautés mais lorsque nous avons examiné l’ensemble des données, nous avons constaté qu’il y avait presque autant d’hommes que de femmes».
L’étude approfondie des données a également permis d’examiner de plus près le taux de létalité
« Il est compliqué d’évaluer le taux de létalité pour cette épidémie car on ne dispose pas d’informations complètes sur l’issue clinique de nombreux cas, qu’ils aient été détectés ou non », explique le Dr Dye. Et d’ajouter : « Il ressort de cette analyse qu’au 14 septembre, 70,8 % des patients pour qui l’issue avait été établie de façon définitive étaient décédés. Ce taux était cohérent en Guinée, au Libéria et en Sierra Leone ».
Mais le taux de létalité était plus faible lorsqu’on tenait compte seulement des patients hospitalisés, ce qui tend à prouver l’importance de prodiguer rapidement aux patients des soins de soutien de qualité.
Propagation de l’infection
L’examen des données a fait aussi apparaître plus clairement la propagation. Fin décembre, les premiers cas ont été rapportés dans les zones forestières de la Guinée. En mars, lorsque le Gouvernement a alerté l’OMS, la maladie s’était déjà propagée des zones forestières à la capitale, Conakry. En mai, la flambée s’est étendue avec force à la Sierra Leone et en juin, elle s’est vraiment installée au Libéria. À partir du mois de juillet, le nombre de cas a fortement augmenté dans les trois pays.
Projections
Bien que l’épidémie qui touche actuellement l’Afrique de l’Ouest soit d’une ampleur sans précédent, l’évolution clinique de l’infection et la transmissibilité du virus sont similaires à celles constatées lors des précédentes flambées de maladie à virus Ebola.
« Nous pensons que l’ampleur exceptionnelle de l’épidémie actuelle ne s’explique pas principalement par les caractéristiques biologiques du virus mais, en partie, par les caractéristiques des populations touchées, l’état des systèmes de santé et le fait que les efforts de lutte soient insuffisants pour enrayer la propagation de l’infection », dit le Dr Dye.
Cette région est confrontée à des problèmes qui rendent plus difficile un endiguement rapide du virus. En premier lieu, les systèmes de santé des trois pays ont été mis à mal par des années de conflit et la pénurie d’agents de santé est importante, ce qui fait que le système est plus fragile que dans d’autres pays touchés par des flambées de maladie à virus Ebola. En outre, certaines caractéristiques de la population ont pu entraîner une propagation rapide de la maladie. Ainsi, les populations de la Guinée, du Libéria et de la Sierra Leone entretiennent des liens très étroits, la circulation transfrontalière est très importante à l’épicentre et il est assez facile de voyager par la route entre les petites villes et les villages des zones rurales et les capitales densément peuplées.
« L’important brassage de populations a facilité la propagation de l’infection mais une flambée de grande ampleur n’était pas inévitable », dit Christl Donnelly, Professeur d’épidémiologie statistique à l’Imperial College et au MRC Centre for Outbreak Analysis and Modelling. « Au Nigéria, par exemple, où les systèmes de santé sont plus solides, le nombre de cas est jusqu’à présent limité malgré l’arrivée de l’infection dans les grandes villes de Lagos and Port Harcourt ».
Il semble que la vitesse à laquelle des mesures de lutte rigoureuses sont appliquées soit déterminante dans l’ampleur de la flambée.
« Les projections semblent indiquer que si les mesures de lutte – y compris une meilleure recherche des contacts, un isolement approprié des cas, une amélioration de la qualité des soins et des capacités de prise en charge clinique, une plus grande participation des communautés et un soutien des partenaires internationaux – ne sont pas rapidement améliorées, ces trois pays notifieront bientôt des milliers de cas et de décès chaque semaine », dit le Dr Dye.
Des traitements et des vaccins expérimentaux offrent des perspectives prometteuses mais, même s’ils se révèlent sûrs et efficaces, il faudra sans doute attendre plusieurs mois encore avant qu’ils soient disponibles en quantités suffisantes pour changer la donne.
Le risque que la flambée de maladie à virus Ebola continue à s’étendre est réel. Cette étude fournit les données nécessaires pour donner l’alerte. Une alerte à laquelle auquel il faudra répondre par une intensification des mesures de lutte tout en s’attelant à mettre au point et à distribuer rapidement de nouveaux médicaments et de nouveaux vaccins.
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Toutes les informations publiées par l’OMS au sujet de la maladie à virus Ebola sont disponibles à l’adresse suivante : http://who.int/csr/disease/ebola/fr/