Une équipe de recherche internationale impliquant l’Inserm et les National Institutes of Heath (NIH) vient de publier les résultats de l’étude Prévail portant sur le traitement contre le virus Ebola. Bien qu’ils ne soient pas définitifs, les résultats montrent que le traitement par ZMapp pourrait être bénéfique pour les patients atteints de maladie à virus Ebola.
Ces travaux sont publiés dans le New England Journal of Medicine.
Dans cet essai conduit dans le contexte de l’épidémie d’Ebola d’Afrique de l’ouest, l’efficacité du produit expérimental ZMapp[if !supportFootnotes][1][endif] a été comparée à celle des soins standards[if !supportFootnotes][2][endif] les plus bénéfiques délivrés dans les centres de traitement. Le ZMapp, conjointement administré aux soins courants, s’est avéré bien toléré et entraine un taux de survie supérieur au seul standard de soin. Toutefois, le déclin amorcé de l’épidémie en Afrique de l’Ouest au moment de la mise en place de l’essai, n’a pas permis le recrutement d’un nombre suffisant de participants pour réaliser la démonstration définitive de cette observation.
Le ZMapp est une combinaison de trois anticorps monoclonaux ciblant une protéine présente à la surface du virus Ebola. En se fixant au virus présent dans l’organisme des patients infectés, ils empêchent l’infection de nouvelles cellules. Les chercheurs supposent que ces anticorps apportés par le produit et administrés au plus vite diminuent l’expansion de l’agent infectieux et permettent au système immunitaire du patient de produire une réponse efficace avec un délai suffisant.
L’étude a commencé en mars 2015. Tous les patients (sauf le 1er) ont été recrutés en Afrique de l’Ouest, là où l’épidémie sévissait encore : 5 au Liberia, 12 en Guinée et 54 en Sierra Leone. Les patients éligibles étaient des patients de tous âges atteints d’infection par le virus Ebola. L’âge moyen des participants était de 24 ans ; un peu plus de la moitié des sujets étaient des femmes. Bien que l’équipe ait initialement prévu de recruter jusqu’à 200 patients, un terme a été mis à l’étude fin janvier 2016 lorsqu’il est apparu évident que l’épidémie était endiguée dans cette région.
L’essai était un essai randomisé et contrôlé. Chaque patient a été placé par tirage au sort dans deux groupes avec des stratégies de traitement différentes. Ceux du premier groupe recevaient uniquement les soins standards disponibles dans le centre de traitement. En Guinée, le support de soins comprenait également le Favipiravir[if !supportFootnotes][3][endif], un médicament antiviral dont l’Inserm avait antérieurement démontré le potentiel bénéfice dans la maladie Ebola[if !supportFootnotes][4][endif]. Les patients du second groupe recevaient quant à eux, en plus des soins standards, trois perfusions consécutives de ZMapp au cours d’une semaine incluant le cas échéant le Favipiravir.
Près d’un tiers des patients, soit 21 personnes, sont décédés pendant l’étude. Pour déterminer l’efficacité du ZMapp, l’équipe de recherche a comparé le nombre de décès dans chaque groupe après 28 jours.
Dans le groupe des patients traités par ZMapp, 8 patients sur 36 sont décédés (22 %), contre 13 patients sur 35 (37%) dans l’autre groupe. Ces chiffres se traduisent par un risque de décès diminué de 40 % parmi les patients ayant reçu le produit. Compte tenu d’un manque de puissance inhérent aux aléas de recrutement et d’effectif insuffisant, cette différence n’a pas atteint le niveau de significativité statistique nécessaire pour conclure avec fermeté. Toutefois, sur la base de ces résultats, l’administration de ZMapp a été autorisée, dans le cas où de nouveaux cas de maladie à virus Ebola devraient apparaître dans ces 3 pays. Cette autorisation a été délivrée dans le cadre règlementaire d’un protocole d’accès étendu[if !supportFootnotes][5][endif] (EAP, expanded access protocol).
Pour Denis Malvy, chercheur à l’Inserm et co-investigateur de cet essai pour la Guinée : » Les résultats de cet essai marquent un pas notable dans la prise en charge de la maladie à virus Ebola. Je suis par ailleurs ravi qu’ils aient pu être obtenus grâce à un partenariat inédit entre chercheurs, autorités guinéennes et ONGs. Je n’ai aucun doute sur le fait que ces collaborations continueront à porter leurs fruits dans les mois à venir ».
L’implication de l’Inserm dans cet essai clinique a été rendu possible grâce au réseau REACTING (REsearch and ACTion targeting emerging infectious diseases) conçu pour :
[if !supportLists]· [endif]améliorer la préparation de la recherche en période d’inter-crise : gouvernance, préparation des outils de recherche, identification des priorités de recherche, recherche de financements, aspects éthiques et juridiques ;
[if !supportLists]· [endif]financer et mettre en place des projets de recherche en période de crise épidémique : coordination, priorités stratégiques, aide méthodologique, information des autorités et du grand public.
Ce réseau s’organise autour d’un comité de pilotage d’une quinzaine de spécialistes de santé humaine et de santé animale et s’appuie sur un comité scientifique de 8 membres et de centres méthodologiques localisés au Nord (F. Mentré, CHU Bichat) et au Sud (A. Fontanet, Institut Pasteur). REACTing ne cible aucune maladie en particulier, et peut intervenir sur toutes les émergences infectieuses. Son domaine d’action est large, de la recherche fondamentale aux sciences humaines et sociales, en privilégiant une approche transversale.
La conduite de la partie guinéenne (encore appelé JIKIMapp) de l’essai PREVAIL a été conduit par l’équipe JIKI et au sein du centre de traitement de Forécariah, Guinée côtière, dirigé par la Croix Rouge Française. Cette étude s’inscrit dans le continuum de la réalisation de l’essai pionnier d’évaluation de l’antiviral favipiravir en Guinée forestière entre décembre 2014 et avril 2015.
Le NIAID/NIH, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), les forces armées de la République de Sierra Leone, les Ministères de la santé et le personnel de l’Ambassade américaine au Liberia, en Sierra Leone et en Guinée, Les CDC (Centers for Disease Control and Prevention) et la fondation CDC des États-Unis, l’autorité américaine pour la recherche et le développement biomédicaux avancés et l’agence de réduction des menaces (Defense Threat Agency) américaine ont apporté leur aide financière et logistique à cet essai. L’essai a été mené en partenariat avec d’autres agences universitaires, gouvernementales et non gouvernementales, dont pour la partie franco-guinéen, le CHU de Bordeaux.
Sources
PREVAIL II: A Multicenter RCT of ZMapp in Ebola Virus Infection
The PREVAIL II (Partnership for Research on Ebola Virus in Liberia II) Writing Group* on behalf of the Multi-National PREVAIL II Study Team**
* Writing Group members: Richard T. Davey, Jr., M.D.1, Lori Dodd, Ph.D.1, Michael A. Proschan, Ph.D.1, James Neaton, Ph.D.2, Jacquie Neuhaus Nordwall, M.S.2, Joseph S. Koopmeiners, Ph.D.2, John Beigel, M.D.3, John Tierney, M.P.M.1, H. Clifford Lane, M.D.1, Anthony S. Fauci, M.D.1, Moses B.F. Massaquoi, M.D.4, Col. Foday Sahr, M.D.5, and Denis Malvy, M.D.6.
** A complete list of the PREVAIL II Study Team members is provided in a Supplementary Appendix
New England journal of medicine http://dx.doi.org/10.1056/NEJMoa1604330
Contact chercheur :
Denis Malvy
Unité Inserm 1219
Équipe » Maladies infectieuses dans les pays à ressources limitées »
Email : denis.malvy@chu-bordeaux.fr
Téléphone : 05 57 82 22 20 // 05 57 57 15 31 ou 06 85 94 57 72
Contact presse