Une équipe coordonnée par Alain Chédotal, directeur de recherche Inserm, au sein de l’Institut de la vision (Inserm/UPMC/CNRS) et Paolo Giacobini au centre de recherche Jean Pierre Aubert (Inserm/Université de Lille) vient de réaliser une série d’observations inédites de l’anatomie d’embryons humains âgés de 6 à 14 semaines. Une prouesse devenue possible grâce à la combinaison de deux techniques récentes d’immuno-marquage, de microscopie en 3D et une technique permettant de rendre les tissus transparents. Ces découvertes font l’objet d’une publication dans la revue Cell datée du 23 mars 2017.
Plonger au cœur du vivant. Passer du dessin à la réalité. Voilà ce qu’ont réalisé Alain Chédotalet ses collaborateurs grâce à leur nouvelle technique d’exploration de l’anatomie des embryons. Ils dévoilent dans la revue Cell, des photos inédites ainsi que des films en trois dimensions de plusieurs tissus et organes d’embryons et fœtus humains âgés de 6 à 14 semaines jusque-là inaccessibles.
Les livres de médecine ne manquent pas d’images d’embryons mais le constat est toujours le même : pour représenter leurs organes, on s’appuie uniquement sur des dessins. Quant aux moulages d’embryons détenus dans les facultés, ils sont en cire. Il faut dire que les modèles étaient basés jusqu’à ce jour sur l’analyse de fines coupes observées au microscope, nécessitant aux illustrateurs d’assembler et d’interpréter l’ensemble des données pour représenter un organe entier. Un procédé qui appartient au passé grâce à l’avènement de nouvelles méthodes d’imagerie en trois dimensions. En pratique, les auteurs de ces travaux ont réussi combiner trois techniques, immunofluorescence, clarification des tissus et observation microscopique pour pouvoir diffuser les premières images 3D réelles des tissus et organes d’embryons.
Ils ont d’abord eu recours à l’immunofluorescence pour marquer les organes intacts. Cette technique consiste à utiliser des anticorps fluorescents qui se fixent spécifiquement sur des protéines exprimées par certaines cellules permettant ainsi de les localiser. Ensuite, pour visualiser le signal fluorescent, ils ont rendu les tissus embryonnaires transparents grâce à une technique mise au point chez la souris en 2011. Pour cela, ils ont plongé les tissus dans plusieurs solvants qui ont permis de débarrasser les cellules de leurs lipides membranaires pour ne conserver que leur architecture/squelette protéique et permettre à la lumière de passer. Enfin, une fois ce travail accompli, ils ont utilisé un microscope spécial à feuillet de lumière. Un laser épais de deux micromètres scanne les échantillons transparents permettant de prendre une photo de chaque plan puis l’image 3D de l’organe est restituée par informatique
Des observations inédites à la disposition de tous
Le marquage par les anticorps des embryons a permis de révéler la présence des cellules recherchées et d’obtenir des images du système nerveux périphérique, du système vasculaire, des poumons, des muscles ou encore du système urogénital. « Ce que nous avons observé a confirmé les données connues en embryologie mais c’est la première fois que nous obtenons des images réelles de l’organisation des tissus avec autant de détails. Nous avons notamment découvert des choses qu’il n’était pas possible de voir sans marquage spécifique. Nous avons par exemple réussi à distinguer les nerfs sensitifs (qui transmettent des signaux sensoriels vers le cerveau) des nerfs moteurs (qui sont reliés aux muscles), ce qui était alors impossible », explique Alain Chédotal. Autre découverte : la variabilité de l’arborescence nerveuse au niveau des mains. Le développement des nerfs principaux est conservé dans toutes les mains mais celui des petites innervations périphériques est beaucoup plus aléatoire entre les mains gauche et droite et entre les individus. Enfin, dernier avantage souligné par les chercheurs : « nous pouvons avoir une idée du rythme de prolifération cellulaire pour chaque organe en comptant les cellules fluorescentes aux différents âges embryonnaires ».
Pour mettre ces données à la disposition du plus large public, l’équipe a créé un site internet dédié subventionné par la Fondation Voir & Entendre*. « Nous y proposons nos films libres d’accès et allons l’enrichir au fur et à mesure que nous en produirons de nouveaux. Nous aimerions également que d’autres laboratoires puissent le compléter avec leurs propres travaux. L’objectif est d’en faire une banque internationale d’images pour disposer d’un véritable atlas en 3D de l’embryon humain au cours du premier trimestre de développement, avec une recherche possible organe par organe. Il y a à la fois un but didactique mais aussi une utilité clinique notamment pour les chirurgiens qui opèrent in utero et disposeront ainsi d’images précises des tissus de l’embryon ou encore de leur système nerveux et vasculaire », concluent les chercheurs.
Sources
“Tridimensional visualization and analysis of early human development”.
Morgane Belle1, David Godefroy1, Gérard Couly1, Samuel A. Malone2, 3, Francis Collier4,5, Paolo Giacobini2,3,4 and Alain Chédotal1
1 Sorbonne Universités, UPMC Univ Paris 06, Inserm, CNRS, Institut de la Vision, 17 Rue Moreau, 75012 Paris, France.
2 University of Lille, UMR-S 1172 – JPArc – Centre de Recherche Jean-Pierre AUBERT Neurosciences et Cancer, Lille 59000, France.
3 Inserm, UMR-S 1172, Laboratory of Development and Plasticity of the Neuroendocrine Brain, Lille 59000, France.
4 FHU 1,000 Days for Health, University of Lille, School of Medicine, Lille 5900, France.
5 CHU Lille, Gynaecology Service – Hospital Jeanne de Flandres, Lille 59000, France.
Cell, 23 March 2017 DOI: 10.1016/j.cell.2017.03.008
Contact chercheur
Alain Chédotal – Directeur de recherche Inserm – Institut de la vision (Inserm/CNRS/UPMC)
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