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Crise sanitaire : « la Maison brûle et Santé Publique France regarde ailleurs » (Communiqué)

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En 2002, Jacques Chirac avait frappé l’opinion en déclarant à l’occasion de la conférence de Johannesburg sur le changement climatique : « La Maison brûle et nous regardons ailleurs ». A l’époque, malgré le constat fait par les scientifiques regroupés dans le GIEC, peu de gouvernement s’engageaient véritablement et beaucoup même en contestaient le diagnostic. Le succès de la conférence de Paris en 2015 a témoigné de la prise de conscience de la crise climatique, même si des reculs sont toujours possibles.

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) dès 2006 en Europe et en 2008 au plan mondial a qualifié d’épidémie la croissance des maladies chroniques. L’Assemblée Générale de l’ONU a adopté à l’unanimité une déclaration en septembre 2011 à New York parlant de la croissance des maladies chroniques comme un « défi mondial d’ampleur épidémique… principal défi pour le développement durable en ce début de 21ème siècle ». L’OMS a confirmé ce diagnostic en juillet 2014 appelant chaque pays à fixer des objectifs de réduction des maladies chroniques (au minimum diminution de la mortalité de 25 % d’ici 2025), et notamment l’arrêt de la croissance de l’obésité et du diabète.

Pourtant aucune de ces références n’apparaît dans le rapport de Santé Publique France « L’état de santé de la population en France » publié le 11 mai. A rebours de ces analyses, ce rapport titre : « Un état de santé qui continue de s’améliorer mais à un rythme moins soutenu ». Pour arriver à cette conclusion, l’agence fait référence à l’espérance de vie qui progresse. Raisonnement curieux, car l’espérance de vie est calculée à partir de la mortalité, donc essentiellement à partir des générations nées avant-guerre, ce qui ne peut refléter, par principe, l’état de santé des vivants, qui sont pour une très grande majorité les générations nées après-guerre !

D’où l’agence peut-elle tirer une telle conclusion alors que les chiffres disent le contraire ? Le meilleur indicateur en France est celui de la croissance des Affections de Longue Durée (ALD) fourni par le Régime général de l’Assurance maladie. Entre 2004 et 2015, la population couverte a augmenté de 11,7%, mais l’incidence a progressé dans le même temps de 46% (4 fois plus vite). Pour certaines ALD, la progression est encore plus spectaculaire : + 126 % pour l’AVC invalidant, + 161% pour l’insuffisance cardiaque, + 64% pour le diabète, + 39 % pour les affections psychiatriques, +27% pour le cancer…. Ce rapport reconnaît par une curieuse formule que « la morbidité par maladies chroniques ne régresse pas » … Terme bien faible alors que, comme chacun peut le vérifier, la réalité des chiffres montre qu’en fait elle explose…!

Comment peut-on continuer de mettre le vieillissement et le dépistage comme explication principale, alors que les maladies chroniques touchent des populations de plus en plus jeunes non concernées par les politiques de dépistage organisé : pour le cancer du sein, + 65 % depuis 1980 pour les femmes de 30 à 39 ans et + 58 % pour celles entre 40 et 49 ans ; + 4 % par an pour l’AVC chez les hommes de 25-34 ans….

Les troubles du comportement comme l’autisme ou le TDAH (Trouble du Déficit d’Attention et Hyperactivité) ne sont même pas mentionnés alors que les estimations sont de l’ordre respectivement de 1 % et 3 à 4 % des enfants. Aux Etats-Unis, le taux d’autisme selon l’agence fédérale des CDC est passé de 1 cas sur 5000 en 1975 à 1 cas sur 45 en 2015 et la France serait indemne de cette épidémie ? Le chapitre « santé bucco-dentaire » ne mentionne pas non plus le MIH, ce défaut de formation de l’émail des dents qui touche de 15 à 18 % des enfants de 6 à 9 ans.

Les maladies de l’hypersensibilité (hypersensibilité chimique, électrohypersensibilité, fibromyalgie, fatigue chronique…) qui affectent aujourd’hui plusieurs pourcents de la population ne sont même pas évoquées.

L’infertilité n’est évoquée qu’au détour des maladies sexuellement transmissibles. Comment peut-on faire l’impasse sur la hausse de l’infertilité qui touche aujourd’hui 1 couple sur 5 et sur la baisse de 30 % de la qualité du sperme, qui en est une des causes, chiffre émanant pourtant d’une étude de l’agence elle-même ? L’analyse par régions réussit le tour de force de ne s’intéresser qu’à la mortalité, ce qui passe à côté d’évolutions spectaculaires en termes de morbidité.

Quelques exemples :

    – Alsace, de 2004 à 2015 : + 200% pour l’AVC (de 862 à 2520 cas) ; + 190 % pour l’insuffisance cardiaque (de 1934 à 5880 cas), + 70 % pour le diabète (de 4749 à 7890 cas) ….
    – Ile-de-France, 5ème pays au monde pour le cancer du sein, avec Paris, 2ème pays au monde (en données standardisées sur la population mondiale)
    – Martinique, 1er pays au monde pour l’incidence du cancer de la prostate et une mortalité 3 fois plus forte qu’en métropole.

L’analyse par facteurs de risque repose toujours principalement sur le comportement individuel et la responsabilité du couple tabac et alcool. Les perturbateurs endocriniens ne sont mentionnés que très marginalement… en région Auvergne-Rhône-Alpes ! Le chapitre obésité diabète ne les mentionne même pas comme cause alors que plusieurs conférences de consensus ont acté que c’est le 3ème facteur déterminant au même titre qu’alimentation et sédentarité. Le concept plus large de l’origine développementale de la santé et de la maladie (DOHAD) n’est même pas évoqué. Comme si les données accumulées depuis les travaux de Barker en 1989 et la déclaration de Wingspread en 1991 n’avaient pas largement validé le changement de paradigme qui doit conduire à faire de la protection de la grossesse et de la petite enfance le cœur d’une politique moderne de santé publique.

    – La pollution de l’air intérieur est évoquée de façon marginale uniquement en lien avec l’asthme.
    – La pollution électromagnétique et les nanoparticules ne sont pas mentionnées.

Santé Publique France ne peut pas continuer à analyser les problèmes de santé publique avec un logiciel suranné, qui consiste à se référer aux données de mortalité, en faisant quasiment l’impasse sur la morbidité, en mettant en avant l’espérance de vie des générations d’avant-guerre sans s’intéresser à l’espérance de vie en bonne santé qui commence à régresser à partir des générations nées après-guerre, en ne prenant pas en compte la révolution scientifique survenue au cours des 3 dernières décennies avec les perturbateurs endocriniens et la DOHAD, ce qui devrait conduire à mettre la priorité sur la protection de la grossesse et de la petite enfance au lieu de continuer l’ancien schéma ciblé sur le comportement de l’adulte en bonne santé.

La France doit construire sa politique de santé publique sur les concepts scientifiques d’aujourd’hui et non sur ceux du passé. Elle doit s’inscrire dans la démarche proposée par l’OMS.

Le RES attend du nouveau gouvernement :

– Une politique de santé environnementale ambitieuse qui rompe avec les vieux schémas de pensée qui ne prennent pas en compte les avancées scientifiques des dernières décennies comme les Perturbateurs endocriniens et l’origine développementale de la santé

– Un engagement sur les objectifs définis par l’OMS en 2011 et 2014

Le RES propose :

– Une grande loi de Santé environnementale en 16 mesures pour réussir la révolution de la santé et faire face à l’épidémie de maladies chronique

– Un Grenelle de la Santé environnementale pour mobiliser toutes les composantes de la société pour atteindre cet objectif

Contact presse :

André Cicolella – 06.35.57.16.82.

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