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Discours du Président de la République, Emmanuel Macron, lors du congrès de la Mutualité Française à Montpellier (Transcription)

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Montpellier – Mercredi 13 juin 2018

Merci Monsieur le président, merci à vous pour ce discours et votre accueil, Monsieur le Président, Madame la Ministre, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, Madame la Présidente de région, Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs.

Merci Monsieur le Maire de nous accueillir dans cette belle ville de Montpellier, j’ai cru comprendre qu’une fois par siècle, cette ville accueillait la Mutualité, et que c’est le moment – ça n’est pas le seul – où les présidents viennent au devant s’exprimer, et il y a un tout petit peu plus d’un siècle, c’est le président POINCARE qui, dans cette même ville, vous retrouvait, preuve s’il en était, que votre mouvement est enraciné dans l’histoire de la République et a toujours eu ce lien si particulier, président, que vous venez de rappeler.

Justice sociale, solidarité, dignité, ce sont les engagements républicains, et vous venez à l’instant de retracer, dans quelques secteurs fondamentaux, sur quelques enjeux essentiels de notre société, l’importance de ces engagements et de ces valeurs, bien sûr, nous continuons à promettre à chaque Française et à chaque Français leurs droits fondamentaux, bien sûr, nous continuons à faire fonctionner un système de protection sociale qui donne à la solidarité une dimension universelle. Mais dans les faits, ce que nous constatons, c’est que tous les jours l’effectivité de ces droits est remis en cause, tous les jours, nombre de nos concitoyens constatent que l’universalité est mitée d’exceptions, de disparités, d’impasses, que les situations ou les droits promis ne sont pas des droits réels, et ils le découvrent trop tard, lorsque l’urgence est là, lorsque la détresse est là, au moment où ils auraient besoin d’un socle de solidarité nationale solide, ils le sentent parfois, trop souvent, se dérober sous leurs pieds.

Nous vivons dans un pays où la promesse républicaine est ainsi trop souvent déçue, parce que nous avons maintenu les droits formels sans nous soucier assez de faire qu’ils soient des droits réels pour chacun, à l’école, dans le monde du travail, dans le monde de la santé, les Français sont viscéralement attachés à des droits, mais ils constatent trop souvent que pour beaucoup, ils n’existent que sur le papier et plus dans les faits ; c’est ça l’indignation française contemporaine. Pourtant, et c’est un vrai paradoxe, nous consacrons une part toujours plus grande de notre richesse nationale à la protection sociale. Alors, oui, nous pouvons être fiers de notre système de protection sociale, il nous honore, et il a, à travers les décennies, répondu à ces indignations, les mêmes dont je me fais à l’instant l’écho, mais il nous aurait, en quelque sorte, dispensé d’un effort plus exigeant encore, celui de regarder la réalité de notre société en face, l’effectivité de chacun des droits, les plis de la société, les parts obscures, maudites où ces droits promis sont perdus, où ces droits formels ne sont plus réalité. Une société qui sécrète toujours plus d’inégalités de destin, de parcours, d’opportunités, une société qui exclut sans possibilité de recours des pans entiers de notre population, une société qui ne peut pas uniquement racheter cette faillite politique et morale par de la redistribution monétaire, forcément toujours insuffisante. Et c’est le malentendu que je voudrais commencer par lever ce matin avec vous, j’entendais beaucoup de commentateurs dire « il va aller devant les mutuelles et il va faire un grand tournant social ».

Mais moi, je vais vous dire, je n’ai pas le sentiment que lorsqu’on redresse l’économie, lorsqu’on permet à des gens d’y produire davantage, on ne soit contre le modèle social, vous en êtes un exemple vivant, mais c’est produire pour pouvoir redistribuer, je n’ai pas le sentiment que quand on fait les réformes de l’école, du collège, du lycée, de l’université faites depuis un peu plus d’un an, on soit l’ennemi de la justice, mais on s’attaque à la racine du mal. Le fait que nous nous sommes, depuis des décennies, contentés des droits formels, de la redistribution strictement monétaire, oubliant les inégalités de destin, notre système aujourd’hui est plus inégal qu’il y a 30 ans sur le plan scolaire, sur le plan de l’accès aux emplois les plus qualifiés, qu’il s’agisse de l’entreprise ou de la haute Fonction publique, notre système est plus déterministe qu’il y a 30 ans, c’est une réalité. Et donc s’attaquer aux inégalités, c’est s’attaquer à leurs racines, c’est vouloir bousculer une société devenue société de statut, c’est vouloir reconnaître que tous ces défis ne sont pas simplement monétaires, c’est vouloir, en quelque sorte, réinventer – mais vous me sifflerez à la fin si vous le souhaitez, mais laissez-moi terminer, d’autant que je ne vous aperçois pas – et c’est savoir réinventer notre Etat providence, celui-ci n’offre trop souvent que le dernier filet de protection indispensable, et que nous maintiendrons, mais il ne garantit pas suffisamment les conditions d’une vie digne. C’est cela le combat que je veux pour ce quinquennat, une vie digne ! Et une vie digne, ça ne veut pas dire promettre de rester là où on est né, ça ne veut pas dire promettre de rester là où on est tombé, ça veut dire pouvoir choisir à chaque instant où on le peut sa vie, et ça veut dire avoir une société qui vous donne les conditions de cette dignité.

Nous avons hérité du 20ème siècle un Etat providence de l’assurance, et nous devons le conforter, mais nous devons bâtir pour le 21ème siècle un Etat providence de la dignité et de l’émancipation, et il nous faut une organisation collective de fraternité, qui assure la dignité de chacun, c’est là mon objectif principal, c’est celui de l’Etat, mais vous avez parfaitement raison, il ne le peut pas seul, c’est celui des collectivités territoriales, qui, toutes, sont engagées dans cette action, régions, départements, métropoles, communes c’est le travail des partenaires sociaux au contact du réel, du social chaque jour. Et c’est celui de l’ensemble des acteurs sociaux et de ces acteurs un peu particuliers dont vous avez rappelé l’histoire et la force que sont en effet les mutualistes, acteurs de la solidarité nationale, engagés de cette cause qui, vous l’avez rappelé, tout à la fois protègent et agissent, ont construit à travers les siècles cette capacité à apporter des réponses en termes de protection, mais aussi à agir sur le terrain, à offrir du soin, de l’attention, et je n’oublierai pas, dans des temps autres, les heures passées non loin de Lorient, à Kerpape, voyant ce travail qui avait été fait et l’excellence justement de celui-ci. Mais c’est aussi l’engagement, le temps donné bénévolement dans des conseils et dans l’action de terrain pour changer. C’est la participation de votre mouvement au projet républicain qui permettra, avec l’ensemble des acteurs que j’ai cités, cette refondation radicale dont nous avons aujourd’hui besoin. Notre choix est simple, c’est le choix entre, en quelque sorte, deux fidélités, soit, nous restons fidèles à un système qui n’atteint plus les objectifs de justice sociale qu’il s’était originellement assigné, et qui n’est, de surcroît, plus conforme aux attentes de nos concitoyens ni des acteurs qui le font. Soit nous choisissons ensemble d’être fidèles aux valeurs qui nous unissent, pour réinventer un système qui rende les droits effectifs et concrets pour tous nos concitoyens. C’est cette deuxième voie avec vous que je vais choisir, elle est plus difficultueuse, elle prend sans doute plus de temps, elle ne se règle pas simplement par des promesses budgétaires ou des engagements qui seront tard tenus.Elle implique notre action immédiate et elle nous invite collectivement à ne céder ni au cynisme, ni à l’hypocrisie. La part la plus précieuse de notre système social, c’est l’esprit qui la fait naître. C’est cette solidarité visionnaire des membres du Conseil national de la Résistance qui ont inventé le système convenant parfaitement à un peuple meurtri et à une nation en reconstruction. Notre mission, c’est de renouer avec cet esprit, de ne pas avoir peur du changement, car la société a changé, et non de nous faire les vestales d’un ordonnancement social que, depuis 25 ans, l’évolution du monde, des mœurs, de la société est venue ébranler sur ses bases et dont il est venu saper l’efficacité. Nous pourrions, nous aussi, après tant d’autres, céder à l’adoration des totems, mais je préférerais toujours la justice sociale effective aux incantations, et l’efficacité au fétichisme. C’est pourquoi, ce que nous devons faire en matière de solidarité nationale, c’est une révolution profonde qui rende aux Français leurs droits, leur dignité, leur espérance, et je la résumerai autour de trois principes : la prévention, qui attaque les inégalités avant qu’il ne soit trop tard, car c’est tout à la fois plus efficace et plus juste, l’universalité, qui donne les mêmes droits à chacun, de manière transparente, parce que c’est le seul moyen de rebâtir la confiance dans notre système, la dignité par l’aide, l’accompagnement, la présence, le travail comme clef de l’émancipation pour toutes celles et ceux qui peuvent y avoir accès, car c’est ce qui permet à chacun de véritablement construire sa vie. La solution n’est pas de dépenser toujours plus d’argent ou de considérer qu’il y aurait, d’un côté, ceux qui croient dans la transformation sociale et qui aligneraient les lignes de crédit, et ceux qui n’y croient pas et qui seraient forcément pour en réduire les dépenses. D’abord, une mauvaise nouvelle, les dépenses sociales, vous les payez, nous les payons, et trop souvent, dans notre pays, nous considérons que lorsque c’est l’Etat, ce serait l’autre, c’est nous, pire encore, il se peut que ce soit nos enfants, lorsque c’est du déficit accumulé qui devient de la dette.

La question est de regarder en face trois grands défis sur lesquels je voudrais revenir, m’inscrivant en quelque sorte dans vos pas, et essayer à l’aune des trois principes, que je viens d’évoquer, d’apporter quelques réponses, la santé, l’âge et l’exclusion. Sur la santé, les choses ont été profondément bouleversées durant les décennies qui viennent de s’écouler, notre système est en crise, mais il ne l’est pas d’hier, l’impatience est là, et elle est légitime, la souffrance est au quotidien pour des femmes et des hommes qui chaque jour s’occupent de ceux qui ne peuvent attendre, de ceux qui souffrent et de ceux qui appellent une réponse immédiate. Et si nous regardons en face notre système de santé, il soigne bien, et nous devons en être fiers, il est efficace quand on le compare aux autres grands systèmes, mais il prévient mal, beaucoup moins bien que les autres, c’est sans doute sa première caractéristique, or, si nous prévenons mal, nous laissons nos concitoyens aller vers des pathologies plus lourdes et donc plus coûteuses, parfois s’exclure de la société. Avoir un système qui prévient mieux est tout à la fois préférable sur le plan de la santé collective et de l’efficacité de notre système. C’est ce que la politique, menée depuis plusieurs années par nos prédécesseurs, poursuivie et intensifiée par le gouvernement, par exemple, en matière de tabac, est en train de permettre de faire, avec des premiers résultats qui, progressivement, donneront dans le temps leur efficacité ; politique de prévention est une des clés pour répondre à ce défi contemporain. Si nous regardons la deuxième caractéristique de notre système, je ne veux pas être exhaustif, mais essayer par touches d’en souligner les imperfections, vous l’avez parfaitement décrite, c’est la trop grande renonciation aux soins, pour des raisons géographiques, pour des raisons monétaires ou de complexité ou pour des raisons sociales liées à la stigmatisation. Je ne détaillerai pas ce point, vous l’avez parfaitement décrit, et je me retrouve pleinement dans le constat que vous avez pu en faire. Le troisième élément, c’est sans doute, et c’est, en quelque sorte, le symptôme jumeau du manque de prévention, le trop grand nombre d’actes inutiles, la surmédicalisation parce que, lorsqu’on arrive trop tard ou dans un système qui est parfois devenu trop aveugle, on fait trop d’actes, et lorsqu’on est dans un système dont les incitations ne sont pas les bonnes, parce qu’il tarifie à l’activité ou à l’acte de manière trop systématique, eh bien, si nous nous comparons, nous avons un système en effet de santé où il y a plus d’actes inutiles ou de sur-médications que chez nombre de nos voisins. Est-ce que c’est mieux pour nos concitoyens ? Est-ce qu’on protège mieux ? Est-ce qu’on soigne mieux avec cela ? Non. Est-ce que c’est plus coûteux ? Oui. Et vous voyez, là, que, essayer de faire des économies n’est pas forcément réduire la qualité de la réponse apportée, parce que nous avons trop souvent et longtemps répondu à des problématiques de qualité par de la quantité d’actes, ce n’était pas la bonne réponse. Quatrième constat que nous pourrions faire, c’est que les pathologies ont changé, notre système de santé était formidablement adapté à des systèmes où il fallait très bien soigner des maladies aigues, complexes, et il a été fait pour ça, et l’excellence d’ailleurs de notre système, en particulier du système hospitalier, la qualité de notre médecine, et en particulier, notre médecine spécialisée, s’est tout entier dirigé en ce sens, et ça a été l’excellence, et c’est toujours l’excellence de la clinique, de la recherche et du soin français. Mais de plus en plus, notre système de soins a à traiter de maladies chroniques, de pathologies liées en effet à la fois au vieillissement et aux transformations sociétales de santé collective. Or, la réponse est différente, et c’est un parcours, un accompagnement dans la durée, et pas simplement une série d’actes isolés, enfin, les professionnels ont changé, et les choix collectifs ne sont plus les mêmes, ce qui a créé en effet une organisation différente sur le territoire. Aujourd’hui, les jeunes Françaises et Français qui embrassent la carrière de médecin n’ont plus envie d’avoir la vie de leurs parents, les systèmes de garde ne sont plus les mêmes, la continuité des soins sur le territoire n’est plus assurée de la même façon, parce que c’est aussi un choix qui est fait, parce que la société a changé, et il nous faut savoir répondre à ces aspirations collectivement, en organisant différemment les soins, en tout cas, en répondant aux problématiques que nous posent ces transformations. Notre système est un système d’excellence, mais il a été bousculé par ces transformations, ces défis que je viens d’évoquer, et il est aujourd’hui tiraillé, des déserts médicaux à des pathologies mal couvertes, à une dépense qui ne répond plus toujours à la qualité requise, et à un système hospitalier qui souffre, parce qu’il devient, en particulier, les urgences, celui qui prend en quelque sorte sur lui toutes les tensions existantes du système, comme vous l’avez décrit en parlant de l’accès aux urgences.

Le deuxième défi qui est le nôtre, c’est celui de l’âge, vous avez – et je n’y reviendrai pas – parfaitement décrit l’une de nos réussites collectives, la réussite de nos économies et sociétés développées, nous vivons plus vieux, et nous vivons aussi plus vieux en bonne santé. Cela pose évidemment plusieurs questions à notre organisation collective qu’il ne faut pas méconnaître, le système de retraite peut-il être totalement inchangé dans une société qui continue ainsi à vieillir et où donc l’espérance de vie – et nous devons nous en réjouir – dans le temps d’après la vie active, tel que nous l’avons pensé jusque-là, s’allonge, où le temps aussi des études s’est allongé avant la vie active. La chronologie de nos vies n’est plus celle d’il y a 20 ou 30 ans, le temps des études s’est allongé, le temps du réapprentissage tout au long de la vie est en train de s’installer, et la durée de la retraite s’allonge aussi. Or, nous dépensons beaucoup pour notre système de retraite, souvent plus que nos voisins, mais nous n’avons, malgré toutes les réformes de nos prédécesseurs, pas réussi à installer totalement la viabilité de ce système dans la durée, et surtout, pas réussi à reconstruire la confiance de nos concitoyens dans la durée. Une très large majorité des plus jeunes qui rentrent dans la vie active pensent qu’ils n’auront pas de retraite, que leur retraite ne sera pas assurée par un système de solidarité intergénérationnelle, ce système de redistribution auquel je tiens, et qui sera maintenu, parce que la défiance s’est installée, la défiance s’est aussi installée parce que nous avons 42 régimes, qui, par sédimentation, ont construit les petites différences, et avec elles, les petites inégalités qui ont pu avoir leur justification, mais l’ont-elles encore ? La plupart du temps, non. Parce qu’elles ont répondu à une société de statut, mais elles ne correspondent plus aux défis contemporains. Or, vous l’avez dit, il y a encore des vraies inégalités devant le grand âge, mais bien souvent, elles ne vont pas avec les statuts ou les régimes de retraite, parce qu’elles correspondent à des situations assez particulières, individuelles, liées aux accidents de la vie, à l’exposition à certains risques que chacun a connus, et non pas au statut qu’il a épousé à un moment de sa vie et dont il changera pour la génération qui advient aujourd’hui à la vie active. Et donc ce système, qui s’est progressivement conçu dans le temps et qui répondait aux défis d’une société d’après-guerre, industrielle, de cycle long, n’est plus adapté à une société qui vieillit, où les parcours sont de plus en plus heurtés, où les parcours sont de plus en plus individualisés, et où les inégalités sont devenues statutaires. Et notre capacité à y répondre sera la condition de la confiance collective dans le système.

Mais le vieillissement de notre population soulève un deuxième défi, vous l’avez parfaitement évoqué, celui du grand âge, de la dépendance, sujet qui, tout à la fois, nous bouleverse, et que beaucoup d’entre nous voudraient tenir à l’écart, notre société ne veut plus voir à la fois la grande vulnérabilité, mais aussi la place de la mort qui, à un moment de ce chemin, arrive. Cela dit beaucoup de nous, et je ne m’étendrai pas sur ce point aujourd’hui, je serais sinon trop long, mais la dépendance est la, et ce nouvel âge vulnérable de la vie est en train de s’installer. Ne pas le voir ou considérer que ce serait l’affaire de quelques-uns, c’est ne pas nous traiter dignement nous-mêmes, c’est ne pas traiter dignement les femmes et les hommes qui, une fois encore, ont la charge au quotidien de femmes et d’hommes qui vivent parfois leurs dernières heures, leurs dernières semaines, et dont ils sont, celles et ceux qui les soignent, bien souvent, la dernière famille. Notre incapacité aujourd’hui à répondre à ce défi a construit de la souffrance sociale dans les EHPAD, chez les personnes dépendantes ou pour leur famille, nous devons regarder cela en face, c’est un échec collectif, et je le porte de là où je suis avec la solennité qui doit être la mienne. Nous ne le résoudrons pas du jour au lendemain, mais nous devons en face regarder cette société qui change, l’appréhender et considérer que notre réponse n’est pas à la bonne hauteur en termes de solidarité collective et que, parce que nos concitoyens les plus âgés rentrent de plus en plus tard dans les EHPAD ou dans les établissements, ils ont aussi de plus en plus tôt besoin de soins, et que ces établissements qu’on avait créés pour accompagner un moment de la vie, où ou ne pouvait plus rester dans la famille, sont en train de se transformer et de devenir des lieux où on a aussi besoin d’un soin à porter, d’une médicalisation qui n’existe pas partout ou pas suffisamment, et donc pour lesquels notre réponse doit être différente et sur lesquels il nous faut penser une réorganisation collective.

Le troisième défi qui nous est porté, c’est celui de l’exclusion, si nous ne regardons pas nos concitoyens les plus pauvres, si nous ne regardons pas cette part de la société quelle nation sommes-nous ? On m’a souvent reproché de n’être que pour les métropoles, pardon pour Montpellier, que pour cette France qui réussit, que pour les gens formidables, etc., oui, je veux les encourager parce que si eux n’y arrivent pas, il n’y a pas de chance que le reste de la société puisse s’en sortir, je vous le confirme. Et donc je veux que celles et ceux qui peuvent produire, réussir embaucher, le fassent encore davantage, parce que je regarde partout autour de nous, et le fait de mettre un plafond à la réussite n’a jamais réglé le problème de l’exclusion. Mais je le dis, je le répète et je continuerai inlassablement à le faire, quand ceux qui réussissent ne veulent pas regarder ceux qui sont laissés au bord du chemin, dans quelle société veulent-ils vivre ? Qu’ils regardent autour d’eux les extrêmes monter, les discours de haine embraser os démocraties. C’est le fruit de ces égoïsmes et de cet aveuglement. Et donc nous devons, tout en faisant de notre économie une économie plus forte, plus productive, tout en étant les promoteurs assumés d’une innovation, d’une force économique revitalisée, vouloir aussi répondre à la problématique de la pauvreté et de l’exclusion dans notre société. Et là aussi, regardons la réalité en face. Nous avons ces dernières décennies, dépensé de plus en plus sur ce sujet. Et avons-nous réglé le problème ? Non. L’avons-nous mieux prévenu ? Non. Avons-nous changé les trajectoires, permis aux gens de s’en sortir davantage ? Non. Avons-nous mieux accompagné ? Rarement. Quand je regarde aujourd’hui les chiffres, la réalité, nous avons des dispositifs qui sont là, nombreux, mais les enfants qui naissent dans la pauvreté y restent encore trop souvent et le déterminisme s’est installé. Aujourd’hui le visage de la pauvreté, quel est-il ? Un enfant sur cinq, une famille monoparentale sur trois. C’est ça le visage de la pauvreté, il est pluriel, il est divers, ça n’est pas un grand tout dans lequel on pourrait en quelque sorte inclure une part statique de la société qui est la nôtre. Nous avons créé un système qui s’est progressivement, pour ce qui est de l’Etat déshumanisé. On a pensé que la réponse à l’exclusion et la pauvreté c’était de l’argent. Nous avons, ces dix dernières années, augmenté le RSA de 80 %, mais nous avons baissé de l’accompagnement de 40 % en termes de dépenses. Ce chiffre dit tout. Nous avons aujourd’hui 50 % de celles et ceux qui sont au RSA, qui, après quatre 4 années sont toujours au RSA. Nous avons 30 % de femmes et d’hommes qui n’ont pas, qui ne vont pas vers les prestations qui leur sont promises, parce qu’elles sont trop complexes ou stigmatisantes, et donc nous avons un système qui prévient mal, qui stigmatise encore et est trop complexe, qui est peu humain et qui ne permet pas à celles et ceux qui y tombent, qui tombent dans ces situations d’exclusion ou de pauvreté, de s’en sortir au plus vite, de retrouver toute leur place dans la société. Et là aussi nous devons, avec toute la dureté du constat que je fais, et je le fais au premier chef pour moi, ce constat je le fais pour nous, je ne le fais pas pour celles et ceux qui sont dans ces situations, parce qu’ils en sont les premières victimes, parce qu’on ne choisit pas sa situation, mais si nous, nous ne regardons pas en face la réalité qui est la nôtre, et les échecs de notre action, comment il y apporter une réponse ?

Sur ces trois grands défis : la santé, le vieillissement et l’exclusion, nous en sommes là. Alors, la solution est de s’attaquer à mes yeux au problème à la racine, aux dysfonctionnements d’un système social trop centré sur les acteurs et pas assez sur nos compatriotes, à avoir plus de prévention, plus d’accompagnement, plus de responsabilités collectives de chacun d’entre nous, et d’essayer d’apporter, par une transformation profonde qui prendra du temps, qui est peut-être moins sidérante ce que de l’argent mis sur la table, mais j’en suis sûr beaucoup plus efficace, parce qu’elle ira avec de l’investissement dans certaines politiques publiques, et en effet de la dépense que nous allons assumer, mais aussi de la transformation et des économies qu’il faudra savoir faire sur les parts inutiles des dépenses que je viens de décrire.

Cette transformation collective, je veux que nous la menions ensemble sur les trois défis que je viens d’évoquer. Sur la santé avant tout, nous affichons un reste à charge total sur les dépenses de santé d’environ 8,5 %. Mais quelle est la réalité de ce système pour ceux qui ont un peu moins d’argent, un peu moins d’accès aux praticiens, un peu moins d’habitudes aussi de consulter régulièrement ? Et sur des prestations de base qui font la vie du quotidien, quelle est la réalité du système ? Si on veut qu’il prévienne mieux et qu’il soigne mieux au plus près du terrain, et au plus tôt des réalités. C’est le reste à charge pour les prothèses dentaires, est aujourd’hui en moyenne de 43 %, ce qui veut dire en moyenne 200 € pour une couronne, il est de 22 % sur l’optique, ce qui est en moyenne, même si les différences sont très importantes dans son secteur, de 65 € pour la correction d’une myopie. Il est de 53 % sur les audioprothèses, c’est-à-dire 1 700 € en moyenne, pour être équipé. Je parle là du reste à charge. Cela veut dire que nombre de nos concitoyens, présentant des pathologies simples, doivent renoncer à se soigner ? Mais qu’est-ce que cela veut dire très concrètement ?Parce que nous mettons nos mots qui sont parfois un peu techniques. Ça veut dire que la possibilité de sourire, de voir, d’entendre, de manger parfois normalement, nos concitoyens, qui à cause du reste à charge n’on pas accès à ces prothèses, en sont privés. Cela veut dire que derrière, ce sont des enfants qui n’arrivent pas à lire à l’école comme il se doit, puisqu’en effet la capacité à être équipé de lunettes est l’une des premières causes du mauvais apprentissage et de l’illettrisme en fin de primaire. Cela veut dire que certains de nos concitoyens, qui sont exclus du travail, n’arrivent pas à y revenir, parce qu’ils n’ont pas les moyens de soigner leurs dents ou parce qu’ils n’ont pas les moyens de corriger une audition devenu défectueuse, ça veut dire que nos concitoyens les plus âgés, lorsqu’ils commencent à perdre l’audition et qu’ils n’ont pas les moyens de le corriger, tomberont plus rapidement dans la grande dépendance. Pardon d’être concret, mais c’est cela. Et derrière ce que je décris de situations concrètes, qui sont plus prosaïques que nos mots qui parfois protègent de la réalité, ce sont à chaque fois des drames individuels, c’est cette inégalité de trajectoire dont je vous parlais. Ça ne paraît rien, mais au bout de quelques temps, cela devient irrattrapable.Donc oui, nous devons intervenir plus tôt, plus vite, plus massivement, c’est la meilleure façon de lutter contre les inégalités, et c’est ce que nous avons réussi, avec le reste à charge zéro ou le 100 % santé. La transformation profonde que nous avons entreprise, sera certainement présentée d’abord sous son aspect financier, il est réel et il est évident que permettre à tous ceux qui jusqu’ici ne pouvaient, pour des raisons monétaires, bénéficier des soins auditifs, dentaires ou optiques, c’est une conquête sociale essentielle, et c’est un investissement que j’assume, un investissement que nous allons partager ensemble, et qui va permettre de réduire ce reste à charge à zéro.

[Interpellations de la salle sur la baisse des taxes]

LE PRESIDENT : Donc, pour tout le monde soit au clair, je crois que les deux interpellations sont convergentes, c’est la proposition de revenir sur la fiscalité du secteur, pour lui permettre d’investir davantage. Je vais être parfaitement clair : l’accord construit grâce à l’implication de tous, et je veux vraiment vous en remercier et par le travail et l’engagement de la ministre, est indépendant de ces mesures.Donc, si nous allions dans ce sens, je vous demanderais davantage, mais je suis prêt à ouvrir cette discussion.Mais, je ne voudrais pas qu’entre nous il y ait un malentendu, c’est que l’accord obtenu n’est pas sujet à une réforme de la fiscalité du secteur. Maintenant je suis tout-à-fait prêt à ouvrir une discussion sur la fiscalité du secteur, pour qu’ensemble nous puissions faire davantage et être plus efficaces dans l’engagement de celui-ci. Et ça, vous n’aurez toujours à vos côtés s’il faut aller dans un système de bon sens sur lequel vous m’interpellez. Je reviens, mais je ne voudrais pas que par ce dialogue improvisé, nous tombions dans les travers que je dénonçais, où l’Etat discuterait avec le secteur mutualiste en oubliant que derrière, ce sont nos concitoyens et leurs intérêts.

Revenons donc à nos prothèses dentaires, optiques et auditives et à leur remboursement. La logique qui est derrière cette avancée fondamentale, elle a, je le disais, un caractère monétaire, mais elle repose d’abord sur un recours accru aux soins. Il s’agit ainsi de prévenir que les pathologies concernées ne deviennent plus grave, plus handicapantes, et pour cela, il s’agit de renforcer considérablement la prévention, notamment chez les plus jeunes, avec des dépistages systématiques, et c’est ça pour moi, ce que vous avez collectivement réussi à négocier ces derniers mois et qui est essentiel. Nous mettrons en place un dépistage des troubles visuels et auditifs, renforcé au plus jeune âge, avec trois nouvelles consultations du médecin traitant ou scolaire. Pour diminuer le recours aux soins prothétiques dentaires, nous instaurerons un examen pour les enfants de 3 ans, mais aussi pour les jeunes de 24 ans. C’est ça la prévention, c’est de s’assurer qu’au plus tôt, pour nos concitoyens, il y a l’accès à la consultation qui permet de voir s’il y a un besoin de soins, ou s’il y a des comportements à changer. Et cela fait partie de l’accord, et cela aussi est intéressant pour les mutuelles, pour les professionnels, pour l’Etat, parce qu’en instaurant ces consultations au plus tôt, nous prévenons mieux et donc nous dépenserons moins. Cette prévention, elle va aussi avec une responsabilisation de l’ensemble des professionnels, et la revalorisation de certains actes. C’est ça la cohérence sur laquelle je veux ici insister, de l’accord qui a été obtenu. Par exemple pour les dentistes, le fait de revaloriser fortement les soins conservateurs, parce que, aujourd’hui les professionnels n’étaient pas dignement payés sur ces soins, là où ils faisaient essentiellement leurs revenus, ce qui était légitime, sur des actes plus tardifs et plus coûteux pour nos concitoyens, comme pour la collectivité. Mais il faut aussi être responsable, nous voulons des dentistes qui puissent bien vivre de leur métier, qui puissent continuer à s’installer et donc le choix collectivement qui est fait de mieux rembourser les soins conservateurs, va dans ce sens, et permet aussi d’avoir une approche sur le curatif beaucoup plus cohérente.

L’autre part de la révolution de la prévention reposera sur un accès facilité aux professionnels de santé, car le remboursement intégral des lunettes, essentiel, ne sert à rien si l’on met 12 mois à avoir un rendez-vous avec un ophtalmologiste. Et donc pour cela, nous irons plus loin dans l’organisation des coopérations professionnelles. La profession d’assistant dentaire sera étendue, nous irons plus loin dans la formation des opticiens et augmenterons le nombre d’audioprothésistes. C’est un ensemble de l’organisation des professions vers lequel nous devons aller. Mais ce que je veux ici vous faire toucher du doigt, à travers cette réforme, c’est que nous allons, par l’engagement collectif, par l’illustration de ce que vous appeliez de vos vœux Monsieur le Président, c’est-à-dire l’engagement de l’Etat, l’engagement des mutuelles, des assureurs, de l’ensemble des professionnels de santé et de ceux qui en assurent justement la protection, l’engagement des partenaires sociaux et de l’assurance maladie, nous avons trouvé une solution intelligente qui permet d’une part d’avoir une réponse en termes de pouvoir d’achat, on va passer 1 700 € à zéro, de 200 € à zéro, de 65 € à zéro ! Donc c’est du pouvoir d’achat pour nos concitoyens. On va permettre une meilleure prévention et on va permettre une organisation sur ces trois professions du système de soin, beaucoup plus intelligente et qui répond aux défis que ça vient de décrire. Et donc, vous avez sur ces trois sujets, collectivement, su apporter une réponse aux défis, à l’impasse dans laquelle nous étions jusqu’à lors. Pouvoir d’achat, prévention, meilleurs services car meilleure organisation collective du soin. Nous avons pour cela, comme je le disais, et c’est pour cela que je souhaitais aussi vous en remercier, besoin de l’engagement et de la responsabilité de tous. Et vous êtes l’exemple, mesdames et messieurs, sur le 100 % santé de cet engagement. L’Assurance maladie obligatoire participera au financement de la réforme, en doublant sa prise en charge sur les aides auditives pour les adultes d’ici 2022, mais aux côtés de l’assurance maladie obligatoire, les organismes complémentaires que vous représentez, se sont aussi engagés à prendre leur part dans la couverture de ce panier 100 % santé. Les contrats complémentaires santé responsables, qui assurent plus de 90 % des Français, devront obligatoirement couvrir ce panier. Et bien sûr, cette réforme ne saurait engendrer d’augmentation spécifique du coût d’acquisition d’une complémentaire santé pour les assurés, c’est l’engagement collectif que nous avons pris et il n’y a pas dans cette affaire, de marché de dupes. Et j’ai vu les polémiques naissantes, pas sur cet accord mais sur le passé, l’augmentation de certaines complémentaire, c’est l’engagement de la responsabilité collective des acteurs qui permet de maîtriser les coûts, ce que vous avez su faire dans plusieurs secteurs. C’est aussi la transparence complète, la concurrence sainement organisée qui permet d’éviter les pratiques dont les premières victimes sont nos concitoyens. C’est votre engagement celui ici, et je vous en remercie et je compte sur vous pour réussir ce défi pour être au rendez-vous que les Français attendront concrètement pour une pleine mise en œuvre, sur les trois années qui viennent, puisque cette réforme sera finalisée d’ici 2021. Donc oui, nous devons intervenir plus tôt, plus vite, plus massivement, en nous mobilisant tous. C’est la meilleure de façon de lutter contre les inégalités en matière de santé, que j’ai rappelées s tout à l’heure. Et nous avons également investi considérablement, en la matière, nous sommes comme je le disais, légitimement fiers de notre système de santé, de la performance de nos hôpitaux, mais il y a aussi des situations d’échec sur lesquelles je revenais.

Pour répondre à ces défis, nous devons aussi, à la fois pour l’hôpital, pour l’ensemble des professionnels de santé et pour nos concitoyens, qui ont recours à notre système de santé, réussir à apporter une réponse plus adaptée et à transformer notre modèle historique. Nous sommes face à des disparités considérables, à une inadaptation de ce modèle, orienté vers une approche individuelle et curative de soins aigus, comme je le disais, alors que de nouveaux besoins de prévention et soins au long cours émergent, avec les maladies chroniques, avec le vieillissement. Si nous voulons privilégier la qualité et la prévention, nous devons aussi, au-delà de ce premier accord obtenu, mener une réorientation de l’organisation du dispositif de soins, afin de traiter les pathologies très en amont, afin de repenser notre organisation collective. Il nous faut passer progressivement d’une logique, de gestion de l’offre de soins, de cartographie trop rigide, d’une approche trop numérique et budgétaire, à une logique de demandes fondée sur les services à rendre à la population sur le territoire, sur leur bassin de vie, et une logique plus individualisée, c’est-à-dire tournée vers le patient.Pour répondre à ces besoins de soins de proximité, les acteurs doivent s’organiser en réseaux, décloisonner la médecine de ville et l’hôpital, garantissant aussi l’accès à cinq services au minimum, accès à un médecin traitant. Permanence des soins et accès aux soins non-programmés, continuité des soins, gradation des soins, dépistage et vaccination. Et au-delà de ces cinq services minimums, il nous faut construire cette médecine, qui sera tournée vers le patient et qui lui permettra, qui permettra, pardon, de construire son parcours dans le système de santé, et à chaque instant de le protéger au mieux. Je ne veux pas ici m’exprimer sur des travaux qui ne sont pas totalement aboutis, la ministre poursuit d’ailleurs les concertations, et nous aurons l’occasion d’y revenir à l’été, et je m’exprimerai à l’été, à l’issue de l’ensemble de ces concertations. Vous aurez aussi votre part de responsabilité à prendre, mesdames et messieurs, dans la transformation du système de santé. Le rôle des assurances complémentaires ne se limite pas toujours au remboursement des soins, vous êtes vous-mêmes des offreurs de santé, pas seulement des payeurs et donc vous connaissez l’intimité, si je puis dire, de la complexité que je viens de rappeler, des services de soins, aux centres de santé, en passant par les EHPAD. Et l’esprit mutualiste c’est aussi d’aider à construire des parcours de soins sur les territoires parfois les plus isolés, au profit des patients les plus vulnérables, d’investir dans la prévention, de coopérer avec les professionnels. Au fond, vous avez dans vos gènes une part des réponses que nous souhaitons apporter à ce défi contemporain. Et donc, vous le voyez bien, sur ce sujet, nous aurons à l’été, à prendre position là aussi sur une transformation en profondeur, qui n’est pas simplement un sujet monétaire, mais qui impliquera une réorganisation profonde, et qui impliquera aussi de revoir l’ensemble des structures auxquelles nous nous sommes habitués depuis 10 ans, de la tarification à l’acte, à la tarification à l’activité, de la sacro-sainte summa divisio, entre une médecine de ville et médecine hospitalière, et il faudra là aussi revenir sur des habitudes, pour que l’ensemble de celles et ceux qui apportent le soin, puissent prendre toutes leurs responsabilités.

La réponse au deuxième défi qu’est le vieillissement, et ce serai sur ce point, plus rapide, elle est là aussi indispensable. Vous l’avez évoqué pour le premier point qui m’importe, celui de prévenir. Nous devons, et ce sera au cœur du système de retraite qui est en train d’être construit, sous l’autorité de la ministre et dont la concertation est en cours, nous devons mieux prévenir, et donc tout au long de la vie, inciter les employeurs, inciter l’ensemble de la collectivité, là aussi, à prévenir pour que chacun puisse mieux vieillir et que les inégalités soient progressivement lissées, devant le grand âge. Et il nous faut prendre en compte l’ensemble des disparités dans le système de retraite, tel que nous sommes en train de le construire. Il faut ensuite apporter les réponses de solidarité, non négociables, c’est d’ailleurs ce qui avait fait l’objet de mon engagement pour le minimum vieillesse, qui a augmenté de 30 € par mois au 1er avril dernier et qui augmentera au 1er janvier prochain de 30 €. Et j’entends murmurer dans la salle, rares sont les personnes au minimum vieillesse qui paient la CSG à taux plein. Donc ce sont des gens qui n’ont fait que gagner du pouvoir d’achat. Non mais c’est une réalité. Mais c’est une réalité, c’est important de ne pas laisser s’installer des malentendus. Toute personne au minimum vieillesse ou qui a une retraite modeste, paie une CSG, ce qui est tout à fait normal, et le choix a été de ne pas la bouger, qui est une CSG au taux réduit, je ne voudrais pas laisser penser que les gens dont on a augmenté le minimum vieillesse, auraient une CSG qui aurait augmenté. Sur le grand âge, la réponse, et donc sur la retraite, la réponse c’est évidemment la refonte d’ensemble de notre système de retraites, avec des principes que je veux là aussi clairs et simples. Je veux que nous puissions maintenir notre système de retraite par répartition, et la solidarité entre les générations.C’est le choix qui a été fait, c’est le choix qui a été fait, sur lequel je me suis engagé et c’est le solidarisme qui est au cœur de notre République. Simplement, ce solidarisme complet, il va aussi avec la fin d’une société de statut, et donc il va vers un système que nous sommes en train de construire, de négocier, de concerter, qui permettra qu’un euro cotisé donne le même montant de droits. Et donc que nous fassions progressivement converger l’ensemble des régimes existants, qui s’étaient construits dans des différences aujourd’hui devenues inexplicables. C’est la clé pour établir quoi ? D’une part, la justice du système dans la durée, en ayant une période de transition que nous assumons et de permettre aussi la confiance dans le système, pour que chacun puisse de manière lisible, immédiate, connaitre ses droits et pour qu’ils sachent que ses droits à un 1€ cotisé, sont les mêmes que celui du voisin. C’est la clé pour répondre à la défiance collective dans laquelle nous nous sommes installés, et aussi pour répondre aux défis du vieillissement, que je rappelais il y a un instant. Sur ce sujet, une loi sera présentée au début de l’année 2019 et sera votée dans le premier semestre de l’année 2019. Les décisions seront prises, elles seront claires, un temps de transition sera ensuite accordé, et nous avons choisi, au fond, de ne pas faire une énième réforme budgétaire privilégiant le court-terme, pour enfin faire la réforme qui permet de remettre à plat l’édifice, recréer la confiance et la justice, en acceptant une tradition longue.

Intervenant : (Inaudible)

LE PRESIDENT : Mais vous avez parfaitement raison, nous sommes dans une salle d’interpellation libre, mais j’aime cela. Sur ce sujet, sur ce sujet, vous avez parfaitement raison, il ne faut ni oublier les femmes, ni oublier les carrières brisées et fracturées, ni oublier les femmes et les hommes vivant en situation de handicap, ni oublier aussi la situation de grandes difficultés et les inégalités face aux risques socioprofessionnels, et donc c’est aussi tout cela qu’un système transparent va intégrer dans les paramètres et qui seront de manière transparente, concertés, négociés et votés par le Parlement. Vous avez donc parfaitement raison.

Enfin, sur le grand âge, il est évident que nous ne pouvons plus longtemps différer la réponse à apporter en matière de dépendance. J’évoquais tout à l’heure la réalité, le quotidien pour nombre de nos concitoyens pour les personnels soignants, pour celles et ceux qui partagent ces réalités souvent dramatiques. Nous avons, sur ce point, besoin là aussi, tout en prévenant mieux de mobiliser l’ensemble des acteurs, de reconnaître la part de la solidarité familiale et de lui donner un statut et une place. La part de la solidarité collective, sociale, d’en construire enfin les mécanismes responsables de financement et enfin d’accepter d’avoir le débat national indispensable, qui permettra de répondre à ce nouveau risque, qui est là et auquel il nous faut donc répondre. Nous en connaissons les évaluations premières, 9 à 10 milliards d’euros nous disent certains. Nous savons aussi que la réponse est dans une mobilisation de l’ensemble des acteurs, c’est dans l’innovation, c’est dans la capacité à donner une place dans la société et à mieux reconnaître et rémunérer le travail de celles et ceux qui accompagnent les personnes dépendantes, et d’assurer la transformation des établissements, en établissements plus médicalisés qu’ils ne le sont aujourd’hui. Cette grande transformation, elle ne se fera pas, là non plus, du jour au lendemain, la ministre a apporté il y a quelques semaines des premières réponses indispensables et d’urgence. Je sais qu’elles ne répondent pas totalement à la souffrance que vivent celles et ceux qui travaillent dans ces établissements. Je sais qu’elles ne répondent pas totalement à l’indignation, légitime, de nombre de nos concitoyens. Nous ne le réglerons pas du jour au lendemain, je ne vais pas vous faire de promesses à l’emporte-pièce, de promesses d’estrade, et ça n’est pas simplement un engagement financier, il sera au rendez-vous, parce qu’il nous faut investir sur ce sujet. Non, il nous faut construire un nouveau risque, il nous faut répondre à cette nouvelle vulnérabilité sociale, qu’est la dépendance. Sur ce sujet, l’année 2019 sera aussi consacrée à une loi qui sera votée avant la fin de l’année.

Enfin, j’ai parlé de ce troisième défi qui était l’exclusion, la grande pauvreté dans laquelle notre société, non pas s’est installée, mais à laquelle elle s’est parfois trop habituée, et qui doit continuer à nous indigner. Sur ce sujet, comment devons-nous progressivement transformer les choses ? Là aussi une concertation est en cours, qui m’amènera à m’exprimer dans les semaines à venir, et qui, sous l’autorité de la ministre a impliqué d’ailleurs, nombre d’entre vous autour d’une stratégie pauvreté. Mais c’est l’ensemble du gouvernement qui est mobilisé, pour repenser notre organisation collective, notre solidarité nationale. J’entends tous les débats qui ont agité les dernières semaines, aussi vrai que la réponse à la pauvreté ne saurait être monétaire, les solutions que nous devons apporter au problème ne sauraient être budgétaires. C’est dans la transformation d’ensemble, de la prévention, de l’accompagnement et de la responsabilisation, que nous devons lutter contre ce fléau. Prévenir c’est notre premier combat, face à l’exclusion et la pauvreté, et là dessus la bataille c’est évidemment l’école. Nous avons, avec l’obligation de scolarisation dès 3 ans, avec le dédoublement du nombre d’élèves par classe, dans les zones les plus difficiles, avec l’investissement scolaire, avec la méritocratie à l’école, à chaque étape de la vie, y compris dans l’orientation et l’accès au premier cycle, c’est la fin de l’assignation à résidence. Les fruits iront avec le temps, et les enfants qui grandissent, mais c’est la fin d’un système qui a continué à assigner, à être déterministe, parce que où était l’illettrisme à l’école ? Dans les endroits les plus pauvres. Où étaient les endroits où les enfants n’allaient pas à la maternelle ou n’y allaient qu’un peu ? Dans les quartiers les plus modestes. Où étaient les endroits où on n’avait pas accès à l’université ou par tirage au sort ? Dans les familles qui n’étaient pas conseillées, pas orientées, et donc l’école formée, c’est la première réponse pour prévenir, prévenir, c’est aussi accompagner, éviter que les vies ne décrochent, que la vulnérabilité, lorsqu’elle s’installe au travail, ne soit plus grave encore, et c’est le sujet des familles monoparentales, absolument fondamental, sur lequel nous reviendrons dans le cadre de la stratégie pauvreté, mais sur lequel, ici, je veux redire que la décision consistant à prendre une augmentation de 30 % de l’aide à la garde d’enfant pour les familles monoparentales, c’est un acte de prévention de la pauvreté, c’est éviter que des femmes ou des hommes, et bien souvent, ce sont des femmes seules, parce qu’ils sont déjà vulnérable, parce qu’ils ont un enfant, ne peuvent pas reprendre un travail ou garder leur travail, parce qu’ils ne peuvent pas faire garder leur enfant ou qu’ils n’ont pas les moyens de le faire garder. Cette réponse apportée, votée par les parlementaires, à l’automne dernier, et en vigueur depuis le 1er janvier, c’est un début de réponse, et il sera complété par la stratégie de pauvreté. La prévention est, là aussi, une bataille essentielle, indispensable. Ensuite, il nous faut, là aussi, assumer la solidarité collective pour les plus fragiles et les plus vulnérables, il nous faut assumer des dépenses sociales qui accompagnent celles et ceux qui ne peuvent, n’arrivent pas à revenir vers le travail, ils sont, par des accidents de la vie ou des accidents physiques, assignés dans cette situation. Sur ce sujet, nos engagements monétaires, non seulement, seront maintenus et ils doivent être complétés, complétés, par quoi ? Par de l’accompagnement.Il nous faut, là aussi, pour les plus vulnérables de la société, qui sont, à chaque fois, des vies particulières, des parcours individuels, l’épaisseur et la brutalité d’existence qu’on ne saurait réduire dans des chiffres ou dans des cases, il nous faut aussi apporter de l’accompagnement, de la présence, Et là, c’est notre échec, je le dis en toute franchise. Nous avons pensé qu’en donnant des prestations sociales, en ayant des gens qu’on appelait des bénéficiaires, on répondait à tout, ça n’est vrai, d’abord, parce que les plus fragiles d’entre eux, ce sont ceux, bien souvent, qui ne vont pas chercher ces aides, parce qu’ils ne savent pas, parce qu’on ne les a pas accompagnés, parce que la fatigue, les morsures de la vie sont telles qu’à un moment donné, on n’a même plus le courage d’aller le chercher. Et donc nous devons assumer sur cette part de l’exclusion, sur ces vies les plus fragilisées, les plus brisées, d’avoir un accompagnement social. Et là-dessus, il existe, je ne mésestime pas le rôle formidable que jouent les travailleurs sociaux, nombre d’associations, mais nous devons davantage le reconnaître, l’institutionnaliser, non pas pour dire que c’est l’Etat qui devrait le prendre, mais pour dire qu’on doit le reconnaître, mieux le rémunérer et lui donner une place dans la société, il faut reconnaître que là aussi, la grande exclusion a besoin d’une part de soins, de soins humains et d’attentions, de précautions. Il y a ensuite la part de celles et ceux qui peuvent revenir vers le travail, mais que rien n’incite, ni n’accompagne pour faire ce chemin. Et c’est là où il nous faut tout à la fois accompagner et responsabiliser, et j’assume ce double discours, à la fois, cet « en même temps », il y a celles et ceux qui, étant aux minima sociaux, y restent parce qu’ils ne peuvent pas reprendre un emploi à temps plein pour des raisons familiales, pour des raisons d’accompagnement d’eux-mêmes ou du reste de la famille, et pour lesquels, aller vers quelques heures de travail, aller, avec un accompagnement social, vers le travail est la bonne réponse ; ce que fait par exemple la Fondation Abbé Pierre ou plusieurs autres acteurs sur le terrain, ce que font plusieurs collectivités territoriales en expérimentant ces méthodes. C’est ce dont nous avons besoin, c’est un accompagnement utile qui permet d’aider celui ou celle qui est dans une situation d’exclusion à faire ce chemin, et c’est donc d’assumer que la réponse, là aussi, n’est pas simplement monétaire, mais elle est de l’accompagnement, qui permet de retourner à la dignité dans et par le travail, même si c’est un travail adapté pour les personnes vivant en situation de handicap, que nous devons davantage ramener vers le travail et qui le souhaitent, ou si c’est travail aménagé, pour les plus fragiles, les plus meurtris, qui ne sauraient reprendre un travail à temps plein dans un univers professionnel sans être aidés ou accompagnés. Et cet accompagnement va avec une responsabilisation, va aussi avec un contrôle, va avec un suivi, parce qu’il existe, vous avez eu raison de rappeler qu’elles ne sont pas majoritaires, mais des situations où des gens se sont installés dans une forme d’exclusion, mais où ils ont construit leur existence et où dans les situations économiques où nous sommes, nous devons, là aussi, les accompagner, les responsabiliser et leur faire retrouver le travail, parce qu’ils en sont capables. Parce que, par ce truchement, ils retrouveront leur dignité pleine et entière, parce que par ce chemin, ils aideront aussi la collectivité à dépenser son argent vers les plus véritablement vulnérables. Et nous devons assumer ce discours, qui est un discours d’accompagnement et de responsabilisation qui doit lui aussi transformer nos politiques sociales.Et donc, il nous faut faire, non seulement, sur le RSA, mais sur toutes les politiques d’accompagnement, des exclus, des plus modestes d’entre nous, qu’elles soient nationales, qu’elles soient locales, d’abord, un travail de synthèse et de transparence, mais ensuite, également, ce travail, qui permettra de faire le chemin inverse de celui que nous avons fait durant les dix dernières années, et d’avoir, non pas une diminution de plus de 60 % de l’accompagnement pour le RSA, oubliant l’engagement d’insertion qui allait avec la belle promesse du RMI, et un doublement du montant des allocations versées, c’est le chemin inverse qu’il nous faut faire.

Investir davantage dans les personnes, les accompagner pour qu’elles reprennent leur dignité à chaque instant où elles le peuvent, et accompagner toutes celles et ceux qui peuvent revenir dans le travail vers celui-ci, parce que l’émancipation se construit par le travail, dès qu’on le peut, il y aura toujours celles et ceux qui ne le peuvent pas, et nous devons les protéger, et être là, et prendre soin d’eux, et reconnaître leur part dans notre société, mais que toutes celles et ceux qui le peuvent soit accompagnés pour le faire, et permettre que nos politiques publiques, que notre engagement collectif, que votre engagement aussi, soient ce chemin d’accompagnement et de responsabilisation qui permet l’émancipation dans et par le travail.Parce que si, toutes celles et ceux qui peuvent faire ce chemin ne le font pas, nous n’aurons pas légitimement les moyens d’aller financer les risques légitimes et la grande vulnérabilité que j’évoquais tout à l’heure, ça n’est pas vrai, et nous devons aussi regarder ça en face, parce que sinon, nous nous mentirions, et que toutes celles et ceux qui ne voudraient rien changer, qui considèrent qu’en quelque sorte, la frontière technologique de la justice sociale, ce serait dépenser plus en ne responsabilisant personne, me disent qui finance à la fin ? Toujours quelqu’un, vous ou vos enfants ou ceux qui ne sont pas encore nés. Et donc faisons ce travail de transformation, là aussi, de notre politique sociale, en apportant cet accompagnement, en transformant aussi cette place du travail social, et à mes yeux, cette transformation est indispensable si nous voulons réussir ce chemin que j’évoque. Et c’est aussi pour cela que ce que nous sommes en train de faire pour permettre cette émancipation, c’est de construire, à chaque étape de la vie, les nouvelles sécurités individuelles, les nouvelles sécurités ne sont plus de statut, ça n’est plus dans la société de demain ni le chômage tel qu’il existait, ni le RSA, c’est la possibilité à chaque instant de la vie d’être reformé, réorienté, d’être tout à la fois protégé et accompagné pour pouvoir à chaque instant s’émanciper par ce travail. Le cœur de la loi qui arrive en ce moment au Parlement sur la transformation de l’apprentissage et de la formation professionnelle, c’est cela, et c’est un continuum, de la grande pauvreté jusqu’à la vie tout au long du travail. Ce qu’il nous faut faire, c’est réinvestir dans la personne, c’est accompagner davantage, c’est responsabiliser plus, et non pas considérer que la seule réponse, c’est l’argent de la collectivité pour des situations personnelles devenues impersonnelles. Il nous faut sortir sur tous ces sujets d’une logique de guichet pour une logique d’accompagnement.

Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je voulais vous dire sur ces trois défis. Je reviendrai dans les mois qui viennent à la fois sur la pauvreté et sur la santé. Mais j’assume pleinement ce discours de vérité, de responsabilité collective qui fait qu’à mes yeux, les réponses à nos défis contemporains ne peuvent être les solutions d’hier, car elles n’ont pas répondu à ces défis et car elles ont conduit à quoi ? A dépenser toujours plus en répondant à chaque fois un peu moins à la réalité quotidienne. Ce que je veux qu’ensemble, nous puissions rebâtir, inspirer des valeurs profondes, qui sont les vôtres, qui sont celles de la République, qui sont celles de l’esprit de 45, c’est de regarder en face la société qui est la nôtre, une société faite de ruptures, de grandes transformations, de grandes inquiétudes, de ce vieillissement que nous avons longuement évoqué l’un et l’autre, pour que le cœur de notre réponse soit de mieux prévenir, soit de ré-humaniser et d’accompagner, non pas pour aider à vivre dans la maladie ou à vivre dans la pauvreté, mais pour aider à sortir de la maladie et à sortir de la pauvreté.

Et permettre de responsabiliser l’ensemble des acteurs, de faire que chacun, dans cette société, ne doit être traité comme étant en état de minorité sociale, intellectuelle mais que chacun a une part de la solution.Donc oui, Monsieur le Président, pour réussir cette transformation, je ne pense pas une seule seconde que l’Etat puisse y arriver seul, je pense profondément que cette transformation sera maintenant une question de décisions, d’actes, de détails, sera un travail de tâcheron du quotidien, où l’Etat devra prendre sa part de responsabilité, mais où l’ensemble des acteurs, qui font la solidarité nationale, devront apprendre à réinventer leur rôle pour penser ces défis et participer à cette transformation. De cela, je vous sais capable, de cela, je nous sais capables. Vive la République et vive la France.

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