Les dernières informations concernant le projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale pour 2019 font redouter la poursuite d’une politique de coup de rabot sur les dépenses de santé et les nécessaires investissements à réaliser pour transformer un système à bout de souffle. Le rapport Charges et Produits de la CNAM, les déclarations du Premier Ministre sur les conséquences du ralentissement de la croissance (3 milliards d’euros à trouver en plus) font craindre en effet que les vieilles solutions soient préférées par la technostructure.
On avait connu l’année dernière une déception forte particulièrement dans le domaine des produits de santé. En effet, le gouvernement installé récemment avait maintenu le PLFSS 2018 dans sa forme (désormais classique) d’ensemble de contraintes financières brutales. Le motif avancé était qu’il était trop tard pour bâtir un nouveau texte et que le « vrai » premier PLFSS marqué par la politique de réformes du gouvernement serait celui de 2019.
Pourtant, l’année 2018 a été marquée par plusieurs signes encourageants dont on retiendra au moins le retour des comptes sociaux dans le vert, l’article 51 de la LFSS 2018 qui introduit un mécanisme dérogatoire aux modes de financements existants et le Conseil Stratégique des Industries de Santé (CSIS) qui s’est tenu en juillet dernier. Les (bonnes) intentions politiques ont été affirmées et certaines mesures envisagées vont dans le bon sens. On peut craindre cependant que ces intentions ne soient pas suivies, du moins dans l’immédiat, d’un impact positif dans le PLFSS 2019.
Pour Nicolas Bouzou, « le premier ministre a fait d’excellentes annonces lors du CSIS, sur la facilitation de l’accès au marché pour les médicaments innovants ou la recherche clinique ». Mais il partage une inquiétude politique plus globale au vu des annonces du même premier ministre il y a 8 jours, non pas sur la santé mais sur le budget 2019 ou l’on constate beaucoup de rabot et peu de réformes. « Le Gouvernement puis les parlementaires peuvent encore corriger le tir mais on a un peu le sentiment d’un retour du conservatisme ». En ce qui concerne un PLFSS « classique », Nicolas Bouzou considère que cela aura surtout un impact négatif sur la confiance. « Les industriels et les professionnels de santé ne supportent plus les ajustements paramétriques, baisses de prix ou gels de rémunération, qui certes permettent de maîtriser les déficits sociaux à court terme mais qui en réalité n’améliorent pas sa solvabilité à long terme. Sinon la France n’aurait plus de soucis de finances publiques ! Franchement, nous attendons mieux de ce Président et de cette majorité. En dehors du budget, espérons que la réforme de l’hôpital enverra le signal d’un vrai changement ».
Guy Vallancien partage cette ligne et voit, avec le retour des vieilles méthodes de régulation, un triple risque : la perte des investissements industriels nécessaires pour faire de la France un grand pays de santé, une restriction del’accès aux soins portant sur les innovations thérapeutiques qui arrivent en grand nombre actuellement et surtout « un décrochage dramatique d’avec l’Allemagne, alors même que l’Europe de la santé doit se construire et que le couple franco-allemand est encore le seul moteur ».
Du coté des industriels, le doute pourrait s’installer. Pierre-Claude Fumoleau (président d’Abbvie) considère qu’il faut remobiliser les pouvoirs publics sur leurs engagements. « Le CSIS a permis de remettre les industries de santé dans la perspective de croissance et ceci doit se traduire dans un PLFSS 2019 ambitieux, en rupture avec la politique d’économies qui a été la règle depuis des années. Il serait dramatique que le PLFSS ne traduise pas l’ensemble des mesures du CSIS ». « On assiste à undécrochage de la France au niveau européen. Il faut que ce PLFSS nous permette d’inverser la tendance. L’engagement des pouvoirs publics sur les ATU fait partie des signaux importants. » L’industrie est mobilisée et vigilante car les sujets d’avenir sont en effet nombreux. On citera les ATU post-indication, une régulation plus prévisible qui n’érode pas la mise sur le marché des produits innovants, la mise en place d’un PLFSS pluriannuel…
Une question lancinante demeure cependant : le pouvoir politique a-t-il le pouvoir de faire bouger la technostructure et d’amorcer une action novatrice ? L’ensemble des acteurs veut y croire…