Le Conseil national de l’Ordre des médecins publie aujourd’hui les résultats de l’Observatoire de la sécurité des médecins pour l’année 2018.
Une nouvelle augmentation du nombre d’incidents
Alors que la barre symbolique des mille incidents remontés par les médecins à leurs Conseils départementaux de l’Ordre avait été franchie en 2017, l’année 2018 est marquée par une nouvelle augmentation, avec 1 126 déclarations d’incidents, soit une hausse de près de 9%.
L’Ile-de-France (171 déclarations), les Hauts-de-France (162) et l’Occitanie (151) sont les trois régions les plus touchées. Parmi les départements, le Nord (123 incidents, contre 108 en 2017), les Bouches-du-Rhône (82 incidents, contre 107 l’année précédente) et la Haute-Garonne (46, contre 43 en 2017) sont les plus touchés.
Ces incidents touchent les médecins où qu’ils exercent : 54% ont lieu en centre-ville, 20% en banlieue, et 17% en milieu rural (en hausse de quatre points par rapport à 2017).
Les généralistes sont les médecins les plus touchés : 70% des déclarations sont faites par des médecins généralistes (61% en 2017), alors qu’ils représentent 44% de la population médicale globale. Autres spécialités particulièrement touchées : les ophtalmologues, les dermatologues, les gynécologues-obstétriciens, les psychiatres et les médecins du travail.
49% des médecins victimes d’incidents sont des femmes, alors qu’elles représentent 47% du corps médical.
On note par ailleurs que 62% des médecins victimes disposent d’un secrétariat, ce qui indique qu’il ne s’agit pas d’un outil suffisant pour se prémunir d’incidents parfois graves.
Des motifs multiples pour des agressions parfois violentes
L’agresseur est pour sa part le patient dans 54% des cas, un accompagnant dans 15% des cas, et une autre personne dans 11% des cas. Les médecins ne se prononcent pas dans 25% des cas, ce qui s’explique notamment pour les nombreux vols dont ils sont victimes.
Ceux-ci représentent 18% des incidents rapportés, et concernent en premier lieu les vols d’ordonnances ou d’ordonnanciers (8% des incidents globaux).
Les agressions verbales ou menaces représentent 66% des incidents, et le vandalisme 8%. Si les agressions physiques restent stables à 7%, on note une augmentation dans l’utilisation d’armes. 31 médecins ont ainsi dû faire face à un agresseur armé en 2018 : un couteau/cutter dans 10 cas, mais aussi un fusil à deux reprises, une bombe lacrymogène à deux reprises également, ou encore une arme automatique dans un cas.
Parmi les motifs principalement évoqués par les médecins pour expliquer ces incidents, 31% font suite à un reproche relatif à une prise en charge, 17% à un vol, 16% à un refus de prescription (de médicament ou de certificat, par exemple), 11% à un temps d’attente jugé excessif, et 11% à une falsification de document (ordonnance ou certificat, par exemple).
Peu de plaintes déposées par les médecins
Les médecins portent cependant peu plainte, malgré le fait que l’Ordre des médecins s’associe systématiquement aux plaintes des médecins victimes d’incidents. Ainsi, près d’un quart (23%) des médecins victimes d’agressions physiques n’ont déposé ni plainte ni main courante, une proportion qui monte à 34% chez les médecins victimes de vandalisme, et à 69% chez les médecins victimes d’agressions verbales.
L’Ordre mobilisé pour soutenir les médecins
L’Observatoire de la sécurité des médecins a été créé en 2003 par le Conseil national de l’Ordre pour identifier et suivre les violences à l’encontre de nos confrères, demeurées trop longtemps ignorées.
Depuis le 1er janvier 2019, le dispositif de déclaration a par ailleurs été étendu aux internes, qui doivent également être protégés dans leur mission au service des patients. L’Ordre ne peut que les encourager à se saisir de cet outil.
L’action de l’Ordre va cependant au-delà de la seule recension des violences visant les médecins. En 2011, un protocole a été signé avec l’Etat pour améliorer la sécurité des professionnels de santé et à renforcer la coopération avec les services de l’Etat compétents en matière de prévention et de traitement de la délinquance. Ce protocole se décline progressivement dans les territoires. L’Ordre demande aujourd’hui aux préfets d’accélérer ce travail aux côtés des conseils départementaux de l’Ordre pour structurer réellement l’action de l’Etat dans la protection des médecins.
Le Conseil national de l’Ordre a par ailleurs développé des supports de sensibilisation pour aider les médecins à prévenir les situations sensibles et à réagir en cas de violence subies : des fiches pratiques, mais aussi une fiche de signalement qui doit permettre aux médecins victimes de bénéficier du soutien de l’institution ordinale, et à cette dernière de connaître plus précisément la nature des évènements afin d’étudier les solutions à y apporter. Des référents sécurité ont également été nommés dans tous les Conseils départementaux de l’Ordre afin de répondre à l’urgence en accompagnant nos confrères.
L’Ordre des médecins a aussi créé un numéro unique d’écoute et d’assistance aux médecins et internes, le 0800 288 038. Si ce numéro n’est pas uniquement dédié aux médecins victimes d’agressions, ces derniers peuvent cependant y avoir recours pour être mis en relation avec un confrère, un psychologue clinicien, ou un interlocuteur spécifiquement formé pour évoquer toute difficulté financière, administrative, juridique ou autre, et ce à toute heure du jour et de la nuit, tous les jours de la semaine.
Enfin, les Conseils départementaux de l’Ordre ont lancé des expérimentations pour améliorer la sécurité du corps médical. A Limoges, un bip de géolocalisation permettant d’alerter les forces de l’ordre a été proposé aux médecins de ville. Ce dispositif sera progressivement étendu à tous les médecins de la Haute-Vienne. En Ile-de-France, le Conseil régional de l’Ordre développe une application qui permet d’alerter et de faciliter l’intervention des forces de l’ordre en cas d’urgence.
Il est urgent que les pouvoirs publics se saisissent de cet enjeu majeur
La nouvelle augmentation des incidents recensés en 2018 doit inciter tous les acteurs à poursuivre et approfondir encore leur action commune pour protéger les médecins et les internes. Ils sont des piliers de la bientraitance républicaine ; ils ont besoin que la République les soutienne, à l’hôpital comme dans les cabinets libéraux.
Il est urgent que les pouvoirs publics se saisissent pleinement de cet enjeu majeur, et qu’intervienne une véritable prise de conscience politique pour apporter des réponses concrètes aux médecins, dans la durée. L’Observatoire de la sécurité nous redit en effet cette année encore l’urgence qu’il y a à agir ensemble, dès aujourd’hui.
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