Le BEH 36-37 est composé d’un focus et de 4 articles dont voici un résumé du contenu :
Focus : Géographie, démographie et offre de soins en Guyane, Hélène Duplan & coll., Agence régionale de santé Guyane, Cayenne
Epidémiologie descriptive des tentatives de suicide et des suicides dans les communes isolées de Guyane française, Basma Guarmit & coll., Pôle des centres délocalisés de prévention et de soins, Centre hospitalier de Cayenne
Le taux de suicide global en Guyane française est estimé à 7 pour 100 000, soit un taux inférieur à celui de la France métropolitaine. Cependant, la majorité des cas de suicide sont signalés dans les communautés amérindiennes. Partant de l’hypothèse que le taux global ne capturait pas une réalité plus contrastée, l’objectif de cette étude était de déterminer les taux de passages à l’acte suicidaire dans les communes isolées de Guyane française.
Ont été inclus dans cette étude rétrospective tous les patients dont la mention d’un passage à l’acte suicidaire était répertoriée dans le dossier médical, entre 2007 et 2018, pris en charge par les centres délocalisés de prévention et de soins. Ces centres ont été regroupés en deux zones en fonction de leur situation géographique.
Les taux de suicides les plus élevés étaient retrouvés dans les communes de Camopi et Trois Sauts avec, respectivement, 113 et 137 décès pour 100 000 habitants par an. L’âge moyen des décès par suicide était significativement plus bas dans les communes isolées de l’intérieur (25 ans, IC95%: [21,42-29,36]) que dans les villages plus proches du littoral (36 ans [26,66-45,56]). Les modes les plus utilisés étaient la pendaison (72%) et l’intoxication (18%). De façon similaire, le taux de tentatives de suicide le plus élevé était observé dans les zones isolées et particulièrement Camopi et Trois Sauts, avec respectivement 265 et 413 pour 100 000 habitants / an. Là aussi la pendaison était la méthode la plus utilisée.
Les taux de suicide dans les communes isolées de Guyane étaient jusqu’à 8 fois plus élevés qu’en France métropolitaine. Le suicide chez les jeunes et particulièrement dans les communes amérindiennes doit être mieux compris afin d’apporter des réponses adaptées au contexte.
Pathologies neuro et cardiovasculaires en Guyane : particularités épidémiologiques et pistes d’amélioration, Devi Rochemont & coll., CIC Inserm 1424, Centre hospitalier de Cayenne
Dans un contexte de forte prévalence de l’hypertension artérielle et du diabète, et de grande précarité, les pathologies neuro– et cardiovasculaires sont des causes majeures de mortalité prématurée (<65 ans) en Guyane.
L’objectif de ce travail était de décrire l’épidémiologie et les indicateurs de prise en charge hospitalière afin d’identifier des particularités et des pistes d’amélioration dans un département qui ne dispose pas encore de radiologie interventionnelle.
Une étude de cohorte prospective multicentrique sur les accidents vasculaires cérébraux (AVC) et les inégalités de santé (PHRC INDIA) a porté sur l’épidémiologie des AVC et les indicateurs de prise en charge entre juin 2011 et octobre 2014. Des données rétrospectives sur les syndromes coronariens aigus ST+ et ST– ont été recueillies entre janvier 2012 et décembre 2014.Concernant les syndromes coronariens la mortalité intra-hospitalière était de 7/82(8,5%) pour les ST+ et de 4/184 (2,17%) pour les ST-. Pour les syndromes coronariens ST+ le taux de thrombolyse était de 17/82 (20,7%). On retrouvait pour les ST+ et ST– une prévalence de l’hypertension (69,5% et 75,5% , respectivement), du diabète (30,5% et 44%, respectivement) d’antécédent d’AVC (12,2% et 10,3%, respectivement) et d’insuffisance rénale chronique (11% et 15,2% respectivement) plus élevée que dans les publications françaises.
Concernant les AVC, la majorité étaient ischémiques (234/298 (78,5%)). L’âge moyen était de 61,8 ans (écart-type, ET=±14,5), et la proportion d’hommes était de 63,5%. Pour les accidents ischémiques, 89/234 (38%) arrivaient suffisamment tôt pour être thrombolysés et 32/234 (13,6%) avaient été thrombolysés. La proportion brute de décès à l’hôpital était de 7,31%, mais était 19,5% en standardisant sur l’âge.
En conclusion, il existe des particularités épidémiologiques des syndromes coronariens et des AVC en Guyane. Le poids des facteurs de risque susceptibles d’être traités est important et devrait faire l’objet de campagnes d’ampleur pour espérer réduire le poids de la mortalité prématurée (avant 65 ans) lié aux maladies cardio-vasculaires. Concernant la prise en charge, le décalage avec la métropole n’est pas patent, mais il semble y avoir des marges de progrès grâce à l’implantation locale d’une unité neurovasculaire et de radiologie interventionnelle.
Imprégnation par le plomb pour les enfants de 1 à 6 ans en Guyane, 2015-2016, Audrey Andrieu et coll., Santé publique France
À la suite de l’identification d’un cluster de saturnisme dans l’ouest de la Guyane en 2011 et de la mise en place d’un plan de lutte contre le saturnisme par l’Agence régionale de santé, Santé publique France a été saisie pour réaliser une étude d’imprégnation au plomb des enfants de 1 à 6 ans, visant à connaître la prévalence du saturnisme et à en identifier les déterminants. L’enquête s’est déroulée en 2015-2016 dans les trois hôpitaux du département ainsi que dans les centres délocalisés de prévention et de soins en territoires isolés.
Au total, 590 enfants ont été inclus, permettant d’estimer la prévalence du saturnisme (plombémie ≥50 μg/L) à 20,1% et une plombémie moyenne (géométrique) de 22,8 μg/L. Toutes deux étaient nettement supérieures aux valeurs observées en France métropolitaine en 2008-2009 dans l’étude Saturn-inf.
L’étude des déterminants de la plombémie a été réalisée en utilisant un modèle linéaire généralisé. Ainsi, les principaux facteurs de risque de la plombémie chez les enfants âgés de 1 à 6 ans en Guyane sont le fait de résider sur les fleuves, de passer 7 heures ou plus dehors par jour, de consommer du couac et du wassaï ou d’être un gros consommateur de riz. Ces résultats sont cohérents avec ceux des enquêtes environnementales effectuées depuis 2011 et les différentes mesures effectuées dans les sols et aliments. Ils suggèrent une exposition multifactorielle essentiellement alimentaire, aggravée ponctuellement par une contamination des sols de cultures vivrières. Ils sont à compléter par d’autres études associant des analyses isotopiques permettant de tracer les sources de ce métal, dans les différents compartiments alimentaires ou certains comportements (chasse, pêche), ainsi que son transfert des sols aux plantes, dans une perspective de réduction des risques d’exposition au plomb de la population.
Incidence et mortalité des cancers en Guyane 2007-2014. Synthèse de l’état des connaissances, Luisiane Carvalho & coll., Santé publique France
À l’instar des autres régions françaises, les résultats d’une analyse relative à l’incidence et à la mortalité par cancer en Guyane ont été publiés début 2019 et présentés à l’Agence régionale de santé de Guyane afin de répondre au besoin d’information local. Au total, 23 localisations cancéreuses ainsi qu’une entité « tous cancers » ont été étudiées sur la période 2007-2014.
En Guyane, 456 nouveaux cas de cancer et 128 décès par cancer sont comptabilisés en moyenne chaque année. L’âge médian au diagnostic est de 59 ans et de 66 ans au décès. En comparaison à l’Hexagone, la situation liée au cancer toutes localisations confondues est plus favorable en Guyane en termes d’incidence et de mortalité. Toutefois, cette région se distingue par une sur-incidence et une surmortalité du cancer de l’estomac pour les deux sexes, ainsi que par une sur-incidence du cancer du col de l’utérus et du myélome multiple chez la femme. La population guyanaise est impactée par des facteurs de risque associés à l’apparition des cancers, tels que le surpoids ou l’obésité, ainsi que par la présence sur le territoire d’agents infectieux classés comme cancérogènes avérés, qui pourraient expliquer cette situation.
Les résultats de cette étude devraient contribuer à la priorisation des stratégies locales de santé publique visant l’amélioration de la prévention, du dépistage et de la prise en charge de la pathologie cancéreuse en Guyane.
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