La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) et l’Institut national de la Statistique et des Etudes Economiques (Insee) publient de tout premiers résultats provisoires d’un dispositif de suivi de l’aide alimentaire en France mis en place début 2021. Une nette hausse des volumes distribués par les associations et des inscriptions est observée en 2020 par rapport à 2019, traduisant à la fois un afflux de nouveaux bénéficiaires mais également un recours à l’aide alimentaire plus important pour les personnes inscrites de plus longue date.
Cette hausse est toutefois inégale selon les réseaux de distribution. Interrogés sur leur perception de l’évolution des publics accueillis, les responsables de centres de distribution citent principalement une augmentation de la part des personnes seules, des travailleurs précaires et des familles monoparentales.
Ces tout premiers résultats sont issus d’informations quantitatives trimestrielles transmises par 6 associations nationales (Croix-Rouge française, Restaurants du cœur, Secours Catholique, Secours Populaire français, Association Nationale de Développement des Epiceries Solidaires ou ANDES, Fédération française des banques alimentaires), d’une enquête en ligne menée en mai-juin 2021 auprès des centres de distribution, ainsi que du système d’information annuel sur l’aide alimentaire géré par la Direction générale de la cohésion sociale.
Ces sources d’informations, qui doivent encore être complétées et davantage travaillées, donneront lieu à des publications plus détaillées cet automne.
Les premiers résultats, provisoires, montrent que le volume des denrées alimentaires distribuées par les associations disposant d’une habilitation nationale ou régionale a augmenté de 10,6 % en 2020 par rapport à 2019. Dans le même temps, ces associations ont enregistré une hausse de 7,3 % des inscriptions. Ces évolutions sont plus marquées que celles observées au cours de l’année précédente (+2,9 % pour les volumes et +4,4 % pour les inscriptions entre 2018 et 2019).
Une augmentation de l’aide alimentaire, avec des évolutions inégales selon les associations
Les données des associations portent à la fois sur les volumes de denrées distribuées et sur les bénéficiaires de l’aide alimentaire. Les remontées pour l’année 2020 suggèrent que la crise sanitaire a eu un impact sur les activités d’aide alimentaire. Ces premiers résultats sont toutefois à confirmer, car ces remontées reposent sur les systèmes d’information internes propres à chaque réseau associatif, qui ne sont pas toujours directement comparables et dont l’agrégation nécessite des retraitements.
Par ailleurs, la hausse du nombre des inscriptions peut ne pas refléter précisément l’évolution du nombre de bénéficiaires de l’aide alimentaire en France, même si ces inscriptions prennent bien en compte les membres du foyer de la personne inscrite. En effet, d’une part, l’aide alimentaire peut être prodiguée par de plus petites structures ne disposant pas d’une habilitation. D’autre part, des personnes peuvent être inscrites à l’aide alimentaire auprès de plusieurs associations. Enfin, la crise sanitaire a pu accroître le recours à une aide informelle, y compris pour des denrées ou repas, au sein du cercle familial ou relationnel.
La hausse des volumes distribués en 2020 (+ 10,6 % par rapport à 2019), plus prononcée que celle des inscriptions (+7,3 %), traduit à la fois un afflux de nouveaux bénéficiaires et un recours à l’aide alimentaire plus important pour les personnes inscrites de plus longue date. La crise sanitaire semble ainsi avoir engendré une hausse des besoins pour des nouveaux publics comme pour des plus anciens. Ce constat s’observe en particulier au cours du 2nd semestre de l’année 2020 (le 1er semestre couvrant à la fois une période d’avant crise sanitaire et un confinement strict qui a pu freiner les distributions de denrées, a minima pour les associations habilitées). Sur l’ensemble de l’année 2020, cette hausse s’est observée de façon inégale selon les associations. Si les volumes de denrées distribuées ont augmenté modérément au sein de réseaux tels que le Secours Populaire français ou les Restaurants du Cœur, l’augmentation est plus nette au sein des épiceries solidaires du réseau ANDES ou de la Croix-Rouge française (environ +30 % dans les deux cas).
Un impact de la crise confirmé par le ressenti des responsables de sites de distribution
Ces évolutions sont également perceptibles à l’échelle des centres locaux qui distribuent une aide alimentaire. Ces derniers ont été interrogés de mi-mai à mi-juin 2021, via une enquête en ligne mise en place par l’Insee et la DREES, sur la perception de l’évolution de leur activité au cours du 1er trimestre 2021, comparativement à un trimestre d’avant-crise sanitaire. Plus de 1 600 centres d’aide alimentaire ont répondu à cette enquête, avec des taux de participation variables selon les réseaux associatifs. La couverture partielle de l’enquête invite à faire preuve de prudence dans l’interprétation des résultats mais un certain nombre d’enseignements peuvent être tirés.
Ainsi, parmi les centres répondants, environ la moitié signale que le nombre total de personnes ayant reçu une aide alimentaire est en augmentation au cours du 1er trimestre 2021 par rapport à un même trimestre d’avant crise sanitaire ; il s’agit le plus souvent d’une hausse qualifiée de modérée. Cette proportion varie également selon les associations : celles ayant connu les plus fortes hausses de volumes distribués sont également celles dont les centres déclarent les plus fortes augmentations de fréquentation, mais également de fréquence de distribution ou du nombre de bénévoles mobilisés. Quelle que soit l’association interrogée, la perception d’une augmentation du nombre de bénéficiaires (forte ou modérée) est plus fréquente dans les grands centres de distribution, en termes de nombre de personnes accueillies, que dans ceux de taille plus modeste.
Toutes structures confondues, les deux tiers des centres de distribution perçoivent une augmentation modérée (dans la majorité des cas) de la part des nouveaux bénéficiaires au cours du 1er trimestre 2021 par rapport à un même trimestre avant le début de la crise sanitaire. Un tiers des centres répondants évaluent à moins de 10 % la part des personnes nouvellement inscrites en raison de la crise sanitaire, et un tiers l’estiment comprise entre 10 % et 30 %. Le tiers restant se répartit entre les centres évaluant cette part à plus de 30 % (13 % des centres répondants) et ceux qui déclarent ne pas pouvoir estimer cette part (20 %)
Personnes seules, familles monoparentales et travailleurs précaires : des publics perçus comme en forte augmentation par les centres de distribution
Les responsables de centres ont également été interrogés sur leur perception de l’évolution des publics parmi les bénéficiaires de l’aide alimentaire. Toutes structures confondues, les catégories de population dont les parts sont le plus souvent citées comme étant en hausse sont les personnes seules, les travailleurs précaires et les familles monoparentales, puis les femmes et les jeunes de moins de 25 ans. Les seniors de plus de 65 ans sont en revanche moins souvent cités.
Les étudiants sont moins fréquemment cités dans l’ensemble, mais cette population est très concentrée en milieu urbain et dans les villes universitaires. Ainsi, si l’on ne prend pas en compte les centres de distribution déclarant ne pas être concernés par ce public, les deux tiers des centres répondants déclarent une augmentation forte ou modérée de la part des étudiants parmi leurs bénéficiaires.
Enfin, s’agissant des travailleurs indépendants, commerçants ou artisans, ils sont également moins souvent cités comme ayant vu leur part augmenter, de manière forte ou modérée.
Une enquête auprès des bénéficiaires à venir pour affiner l’analyse des profils
Pour aller plus en profondeur dans la connaissance des publics de l’aide alimentaire, une enquête en face-à-face auprès des bénéficiaires sera réalisée au 4e trimestre 2021 dans les centres distribuant une aide alimentaire, en mobilisant le réseau d’enquêteurs de l’Insee sur le territoire métropolitain. L’objectif de l’enquête sera notamment de mieux connaître les publics en situation de grande précarité, en particulier les ménages ayant basculé dans l’aide alimentaire du fait de la crise sanitaire. Les premiers résultats de l’enquête seront disponibles au printemps 2022, et permettront de compléter l’analyse en continu des données des réseaux associatifs.
Encadré méthodologique
Les données annuelles sur les années 2019 et 2020 sont issues des remontées que les associations disposant d’une habilitation nationale ou régionale effectuent auprès de la Direction Générale de la Cohésion Sociale, dans le cadre du Système d’Information sur l’Aide Alimentaire (SIAA). Les données portant sur l’année 2020 sont provisoires. Les données trimestrielles sont issues du dispositif de suivi de l’aide alimentaire mis en place par l’Insee et la DREES auprès de certaines associations (ANDES, Croix-Rouge française, Fédération Française des Banques Alimentaires, Restaurants du Cœur, Secours Populaire et Secours Catholique). Ces données portent sur les volumes distribués, nombre de personnes et de foyers bénéficiaires, aides accordées… et sont de manière générale à un rythme trimestriel et une échelle départementale. Des études plus complètes observant notamment les disparités territoriales seront diffusées ultérieurement.
La perception des centres de distribution a été recueillie via une enquête barométrique en ligne effectuée de mi-mai à mi-juin 2021 auprès des centres assurant une distribution d’aide alimentaire, affiliés à l’ANDES, la Croix Rouge Française, Les Restaurants du Cœur ou d’autres structures approvisionnées par les Banques Alimentaires. Le champ de cette enquête inclut également les Centres Communaux ou Intercommunaux d’Action Sociale (CCAS/CCIAS) membres de l’UNCASS. Les résultats présentés portent ici sur 1 638 réponses exploitables parmi les 2995 réponses totales ou partielles recueillies, sans pondération entre les différents centres ayant répondu à l’enquête. Des études ultérieures permettront d’approfondir ces analyses, en particulier l’impact de la localisation territoriale sur la perception des centres de distribution.
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