Le mois de juillet a mis en relief la politique de gribouille du gouvernement sur la prise en charge des personnes âgées en perte d’autonomie à domicile. Alors que la CNAM demande la mise en place de mesures financières correctrices à la profession infirmière, elle multiplie par deux la visite médicale aux personnes âgées de plus de 80 ans en ALD.
En clair, les 28,70€ de forfait journalier accordés aux infirmières et infirmiers libéraux pour prendre en charge les patients les plus lourds quel que soit le nombre de passages quotidiens coûtent encore trop cher à la CNAM. Dans le même temps, la visite médicale de ces mêmes patients passe de 35€ à 70€.
« C’est un très mauvais signal adressé à la profession, l’État prive les infirmiers libéraux des moyens de leur intervention quotidienne auprès des aînés à domicile. C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase », précise Daniel Guillerm, président de la FNI, la plus grande organisation d’infirmiers libéraux.
Deux lettres adressées par la FNI le 19 juillet dernier, l’une au Premier ministre Jean Castex, l’autre au ministre de la Santé et des Solidarités Olivier Véran, sont restées sans réponse.
Demain, comment nos aînés seront-ils soignés… Et par qui ?
La Fédération nationale des infirmiers a donc décidé de rendre publique mardi 21 septembre une Lettre ouverte au président de la République, doublée d’une campagne d’information dans cinquante quotidiens régionaux, demandant son intervention personnelle pour que la CNAM renonce à cette clause de revoyure.
« La CNAM et l’Etat doivent renoncer à mettre les infirmiers libéraux et les aînés à domicile en péril. Et il est temps de reconnaître ‘l’infirmier de famille’ qui constitue le maillon manquant d’une grande politique de santé publique au plus près des familles et de leurs aînés », a conclu Daniel Guillerm.
C’est quoi la clause de revoyure ?
L’État réclame le remboursement de 120 millions d’euros aux professions infirmières au motif que le dispositif prévoit un seuil de déclenchement de la clause de revoyure si l’impact financier constaté de la réforme est supérieur à 10% de l’impact prévu initialement. En l’espèce, cette logique purement comptable est d’une grande hypocrisie, car ce dépassement était inévitable, ce que les pouvoirs publics ne pouvaient ignorer (où alors, il faut vraiment s’en inquiéter !).
Il est évident, et il devrait l’être pour le ministère de la Santé et la CNAM, que l’avenant à la convention a sciemment sous-estimé les coûts réels de prise en charge du grand âge en France, en particulier celui des soins des personnes âgées à domicile. La révision de la convention comporte 8 mesures, dont 5 engendrent une diminution de périmètre de prise en charge par les infirmières et infirmiers, associée à une modification de l’algorithme de classification de ces patients.
Sanctionner les premiers de cordée pour avoir su éviter qu’elle dévisse est une hérésie d’autant plus injustifiable et inéquitable que la profession s’est également mobilisée pour prêter main forte aux EHPAD, submergés par les vagues successives de Covid, tout comme elle a étroitement collaboré avec les SSIAD (services de soins infirmiers à domicile), palliant ainsi au personnel soignant contaminé et isolé de ces structures.
Contexte :
75% de nos aînés, malgré leur perte d’autonomie et pour certains une grande dépendance, vivent à leur domicile grâce à l’intervention quotidienne de 140.000 infirmières et infirmiers libéraux qui forment le premier hôpital de France.
Depuis le déclenchement de l’épidémie de la Covid, les infirmiers ont été en première ligne dans la protection, la prévention et les soins apportés aux aînés. Par leur intervention quotidienne en amont, ils ont contribué à éviter l’engorgement des services de réanimation. Les dirigeants de la profession ont pris leur responsabilité : pour ne citer qu’un exemple, Daniel Guillerm, président de la FNI, a été le premier à appeler à la vaccination obligatoire des soignants dès le 26 décembre 2020.
Or, – ce n’est pas nouveau mais la crise Covid a accentué le phénomène -, les personnes âgées qui vivent à leur domicile sont les grands oubliés de la politique de santé publique. Le report de la loi Grand âge qui devait créer une cinquième branche de la Sécurité sociale dédiée à la dépendance, pourtant promise par le président de la République, en est une preuve supplémentaire.
Alors qu’une étude de l’Institut National des Études Démographiques (INED) publiée le 16 septembre met en lumière que 28% des Français auront plus de 65 ans en 2050, l’INDED exhorte les pouvoirs publics à repenser l’accompagnement des personnes âgées.
Depuis le Ségur de la santé, la FNI n’a cessé d’être force de propositions pour engager le virage domiciliaire et améliorer l’efficience des dépenses de santé grâce au maintien à domicile et aux hospitalisations évitées.
La profession a aujourd’hui le sentiment d’être sanctionnée alors que le dispositif, négocié en mars 2019, est un succès. La FNI attend que le Président de la République intervienne dans ce dossier, les infirmières et infirmiers libéraux veulent une reconnaissance juste de leur engagement et attendent des perspectives sur la manière dont la République agira en direction des personnes âgées les plus fragiles et dépendantes.
Contacts presse :
Daniel Guillerm – président@fni.fr
Pascale Lejeune – pascale.lejeune@fni.fr