La crise sanitaire à l’œuvre depuis le début de l’année 2020 a mis en évidence la faible culture de la population française dans le domaine de la santé mentale, la faiblesse des actions de prévention et de promotion consacrées à cette dimension de la santé, ainsi qu’un déficit de coordination et de lisibilité de l’offre en psychiatrie. Un déficit en professionnels aggrave les conséquences de ces insuffisances. Le HCSP promeut une approche extensive fondée sur quatre mots-clés : tous ensemble, proximité, ne pas nuire, apporter des ressources.
Le Haut Conseil de la santé publique a conduit en 2021 des travaux relatifs aux conséquences sur la santé mentale de la crise sanitaire consécutive à la pandémie de Covid-19. Les données de Santé publique France notamment indiquent qu’elles auraient concerné plus de la moitié de la population française du fait des bouleversements sociaux entraînés par la crise et du stress qu’elle a généré. Elles s’étendent d’une simple souffrance psychique à la révélation ou l’aggravation de troubles psychiques caractérisés.
Les actions mises en œuvre pour faire face à la crise ont principalement porté sur le repérage et l’accès aux soins (développement de dispositifs d’alerte, de sentinelles, de première ligne et d’équipes mobiles spécifiques) plutôt que sur les déterminants principaux de la dégradation de la santé mentale que sont l’isolement, les informations anxiogènes, la précarité économique, l’incertitude sur la maladie et sa gestion, les difficultés à s’orienter pour trouver de l’aide et accéder aux soins et le déficit des autres facteurs d’équilibre psychique (activité physique, sommeil, alimentation etc.).
Les conclusions de cet avis sont en faveur du développement d’une politique de santé mentale en France :
- création d’une culture de la santé mentale de telle sorte que la population française soit en mesure de se prémunir du développement d’éventuels troubles et de solliciter précocement l’aide adéquate lorsque cela s’avère nécessaire ;
- prise en compte des déterminants primaires de la santé mentale et pas seulement des troubles psychiques constitués ;
- développement d’actions de repérage et de prise en charge par les collectivités locales ;
- développement de la connaissance et amélioration du recours aux interventions probantes dans le domaine de la prévention.
Il faudra engager plus avant tous les acteurs, y compris institutionnels, dans la promotion de la santé mentale. Il sera également utile de valoriser les initiatives déjà menées au sein des réseaux mobilisés depuis le début de la crise et de communiquer largement sur les actions concrètes qui ont été menées.
Avoir une politique de santé mentale permettra de promouvoir les dispositifs d’aller-vers et la coordination des parcours afin de faciliter le repérage précoce et l’accès aux soins. Le soutien de ces dispositifs concerne aussi bien la formation que le développement des compétences psychosociales et la réduction des risques, dans le cadre d’une coordination de proximité.
La vie dans un milieu bienveillant, le soutien par les liens sociaux, le sens de la cohérence, la perception d’avoir un plus grand contrôle sur sa vie comme le maintien d’habitudes de vie favorables à la santé (dans le domaine du sommeil, de l’alimentation et de la mise en œuvre d’une activité physique) sont des déterminants sociaux et individuels majeurs de la santé mentale positive, jouant le rôle de facteurs protecteurs vis-à-vis des adversités. Agir pour la santé mentale nécessite une approche par populations et milieux de vie (période périnatale, enfants, étudiants, personnes âgées, professionnels de santé, milieu du travail, etc.).
Le développement d’une stratégie nationale sur la santé mentale devra contribuer à mieux organiser, structurer, coordonner et évaluer toutes les actions concernant ce domaine. La prévention primaire et la promotion de la santé mentale doivent s’appuyer sur les contrats locaux de santé (CLS), sur les projets territoriaux de santé mentale (PTSM) et sur les conseils locaux de santé mentale (CLSM) déjà en place.
En temps de crise, mettre en œuvre des décisions favorables à la santé publique nécessite une analyse a priori des effets des mesures et politiques sur la santé des populations, telles que préconisées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Dans le domaine de la santé publique les mesures doivent être prises au regard de leur impact sur le problème à résoudre mais également de leur potentiel impact sur la santé à court, moyen et long termes sur des fractions de la population, soit parce que celles-ci ne sont pas concernées par le risque, soit parce qu’elles sont plus vulnérables aux mesures qu’aux risques. Pour promouvoir une approche de réduction des risques dans la gestion de crise il faut prendre en compte l’impact différencié des mesures sur la santé globale des personnes qui découle d’évaluations faites a priori.
Lever le tabou sur la santé mentale requiert des ressources pour mieux informer la population sur sa santé mentale et d’agir contre la stigmatisation :
- mise en œuvre de campagnes de communication nationale récurrentes sur la santé mentale et sur la promotion de la santé mentale, adaptées aux spécificités des personnes (littératie, conseils spécifiques, jeunes…) ;
- mise en ligne d’un site national d’information unique consacré à la santé mentale, à ses troubles, à leur dépistage et à leur prévention proposant des outils standardisés et de repérage de la souffrance psychique et d’orientation vers les ressources disponibles afin d’initier un parcours de soins ;
- mise en place d’un numéro d’appel national unifié permettant l’accès à des conseils pratiques, à des outils standardisés et validés d’auto-repérage, à des indications en faveur de l‘auto-soin à une information sur les services d’aide, sur les démarches à suivre pour se faire aider et à de l’orientation ;
- déploiement d’interventions ayant montré leur efficacité dans le domaine de la promotion de la santé mentale (développement des ressources et des compétences individuelles), mais aussi du repérage et de la prise en charge précoce des troubles psychiques.
Contact : Philippe Michel, pilote du groupe de travail, philippe.michel@chu-lyon.fr