L’application des sanctions contre les dépassements de tarifs des intérimaires à l’hôpital (« loi Rist ») sera effective le 27 octobre 2021. Cela provoquera inéluctablement la fuite des intérimaires vers d’autres modes de remplacement.
Or, à ce jour, de nombreux services à permanence des soins, indispensables pour leurs bassins de population, ne survivent qu’en employant ces intérimaires. Des fermetures de services d’urgences et des déprogrammations opératoires sont annoncées.
En Pédiatrie, des services, autrefois florissants, aujourd’hui moribonds, souvent par problèmes de gouvernance, ne maintiennent leur activité que grâce à eux. Les praticiens encore en activité ont besoin des intérimaires pour ne pas finir en burn out et parvenir à soigner correctement les enfants.
Nous sommes d’accord : il est scandaleux d’offrir des rémunérations exorbitantes à des médecins intérimaires pour effectuer des gardes voire des journées ou même des missions de quelques jours. Cela entraine une course aux prix entre hôpitaux qui se livrent une concurrence farouche.
Mais pourquoi cette situation existe-t-elle ? Parce que des services hospitaliers, principalement à garde, n’ont pas suffisamment de médecins titulaires pour fonctionner. La cause principale en est le manque d’attractivité. Il peut y avoir des causes locales (géographiques, équipements…) mais on retrouve surtout, en Pédiatrie, la lourdeur de la charge de travail, de la charge psychologique particulièrement en période épidémique.
Les épidémies pédiatriques sont en train d’exploser, dans le contexte du post COVID qui rend plus précoce la situation de crise (immunité plus faible alors que les mesures barrières n’existent plus, doublement des chambres difficile ou impossible, fatigue des équipes…). De nombreuses équipes ne peuvent actuellement fonctionner que grâce à l’aide de ces intérimaires (Saintes, Douai,…)
Que se passera-t-il si des services de Pédiatrie ferment dans cette période ? Nous serons dans une période de catastrophe sanitaire. Il suffit de voir ce qui s’est passé en 2019 alors qu’aucune de ces conditions aggravantes n’était présente ! Il risque d’y avoir plus d’enfants ayant besoin de soins hospitaliers d’urgence que de lits d’hospitalisation !
Les mesures de plafonnement de l’intérim ne peuvent s’appliquer qu’après avoir restauré une attractivité hospitalière pour les praticiens. A ce jour, le Ségur est un échec avec des mesurettes à la limite de la décence tant pour les praticiens que pour les soignants paramédicaux. Il vient d’ailleurs de se passer la même chose pour les sage-femmes, précieuses collaboratrices des pédiatres, dont le SNPEH soutient les revendications salariales et d’effectifs.
La prochaine réforme du statut de praticien hospitalier ne va pas améliorer les choses en fragilisant leur statut.
La réforme du financement des services d’urgence va grever les budgets de ces services avec un plus fort impact sur les urgences pédiatriques.
Ce gouvernement a décidément la mémoire courte. La crise du COVID, qui a peu touché les enfants sauf sur le versant pédopsychiatrique (importante augmentation des consultations et hospitalisations), a-t-elle fait oublier l’incendie de l’hiver 2019-2020 ? Cette année-là, les difficultés subies par les services de pédiatrie ont atteint leur paroxysme. Or, vu la situation actuelle, on ne peut craindre qu’une situation prochaine possiblement pire encore. C’est un peu comme si on fermait des services de réanimation en pleine poussée du COVID.
Le gouvernement doit montrer qu’il se préoccupe de la santé des enfants qui passent pour quantité négligeable. Ils ont parfois besoin de prises en charge lourdes. Des enfants peuvent mourir de pathologie d’allure bénigne sans autre facteur de risque que leur jeune âge !
La Pédiatrie a les mêmes problématiques que d’autres spécialités, à garde en particulier :
-la réforme du statut de praticien hospitalier passe à côté des vraies préoccupations des praticiens
-le problème de rémunération : une perte de 30 % de pouvoir d’achat en 30 ans, des écarts de rémunération du simple au quintuple dans certaines spécialités entre une activité publique et l’activité libérale, une permanence des soins qui est valorisée à des tarifs inférieurs à ceux des personnels paramédicaux.
-la gouvernance doit être démocratique, avec des projets de service construits en équipe, une CME décisionnaire et non consultative
-la stabilité des équipes pluriprofessionnelles, gage de qualité et sécurité des soins est nécessaire.
-une réflexion sur le temps de travail des praticiens hospitaliers et en particulier décompte du temps de travail pendant la permanence des soins (24 h = 5 Demi-Journées !)
La Pédiatrie hospitalière a besoin d’urgence de mesures de soutien et d’aide gouvernementales ; la loi RIST va la fragiliser encore plus !
Pour le bureau du Syndicat national des pédiatres des établissements hospitaliers (SNPEH)
Dr Emmanuel CIXOUS président
Dr Jean-Louis CHABERNAUD vice-président