Dans une période comme celle que nous traversons depuis bientôt deux ans, chaque acteur de notre système de santé qui a contribué à faire face à cette crise sanitaire est en droit d’attendre de la considération de la part de son ministre. Celle-ci, y compris de la population, a été franche et méritée pour tous ceux qui travaillent à l’hôpital, tant l’effort a été immense.
Le Ségur de la santé, devenu « Ségur de l’hôpital », a pris en compte le malaise des soignants, souvent maltraités par une administration proéminente.
Dès le début de l’année 2020, les médecins libéraux, et tout particulièrement les médecins généralistes, ont beaucoup donné, parfois au péril de leur vie car envoyés sur le front sans protections.
Avec les autres professionnels de santé libéraux, ils ont ouvert des centres Covid, assuré la prise en charge en ambulatoire de tous les patients contaminés, continuer à suivre tous les patients atteints de pathologies chroniques à qui il avait été déconseillé de venir dans nos cabinets.
À chaque nouvelle vague, ils ont répondu présents et, au mois de janvier 2021, avec les autres professionnels de santé libéraux, ils ont créé des centres de vaccination maillant les territoires dans le cadre d’une prise en charge populationnelle territoriale.
Malgré ces nouvelles missions, ils ont continué à travailler dans leurs cabinets mais aussi au domicile des patients, dans les EHPAD et dans les hôpitaux de proximité tout en assurant les gardes de régulation du centre 15, la permanence des soins (PDSA) et la continuité des soins des hôpitaux de proximité quand ils y interviennent. Ils se sont investis pour faire émerger des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et, pour ceux qui étaient concernés, élaboré des services d’accès aux soins (SAS) pour améliorer la prise en charge des soins non programmés.
Depuis cet été, face à une crise des services d’accueil des urgences, annoncée au départ comme estivale et conjoncturelle et qui s’avère en fait comme structurelle et devant durer au moins jusqu’à la fin de 2022, les médecins généralistes suppléent l’hôpital dont les services d’urgence sont régulièrement fermés et renvoient les patients vers la ville, dont le nombre de médecins ne cesse pourtant de diminuer.
Quelle considération de notre ministre pour ces médecins libéraux qui n’ont jamais autant donné ?
Aucune reconnaissance ou si peu, voire parfois du mépris ou des décisions humiliantes envers les médecins.
Au printemps 2020, il a tout d’abord fallu faire remarquer à plusieurs reprises que notre ministre, lorsqu’il remerciait les professionnels de l’hôpital, pouvait faire de même vis-à-vis des libéraux et qu’il serait judicieux de les équiper avec des moyens de protection pour diminuer le risque de contamination.
Au printemps 2021, il s’est opposé à la demande des médecins généralistes de majorer les actes de soins non programmés transmis par le centre 15 de 15 € pour les patients que nous ne connaissons pas, alors que cette majoration existe pour les patients dont nous sommes médecins traitants. Quelle logique, alors que chacun sait que prendre en charge un patient que l’on ne connaît pas nécessite plus de temps et qu’un médecin libéral ne peut pas attendre un an pour être rémunéré de ses actes, comme cela est le cas avec l’avenant n° 9 qui s’appliquera au 1er avril 2022 ?
L’échec annoncé du SAS a bien lieu, et Les Généralistes-CSMF, rejoint depuis par d’autres syndicats et l’union régionale des professionnels de santé (URPS) Médecin Occitanie, a appelé, dès le mois de juillet 2021, à son boycott tant que les majorations demandées ne seraient pas obtenues. Dans certains départements, la voix de la raison l’emporte, et soit les ARS, soit des conseils départementaux accordent cette majoration de 15 €.
Mais le bouquet final aura été pour cet automne, avec tout d’abord un projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2022 remettant en cause le rôle du médecin traitant en lui retirant des consultations moins complexes, pour lui laisser les plus complexes et chronophages à 25 €.
Le mépris de notre ministre a été caricatural lorsqu’il a été décidé de diminuer la rémunération des médecins généralistes intervenant dans les centres de vaccination dans le but avoué de fermer ces centres alors qu’un mois plus tard on leur demandait de les maintenir, voire de les réouvrir.
Pour terminer, notre ministre a conspué les médecins généralistes, soi-disant responsables de l’activité importante des services d’urgence des hôpitaux, et les a menacés de réquisitions dans le cadre de la permanence des soins pour les semaines et mois à venir.
Arrivés à ce point d’humiliations répétées, les médecins généralistes sont en droit de se demander s’il ne faut pas un électrochoc à notre ministre, une grève de la permanence des soins par exemple, pour qu’il réalise que les médecins généralistes ne passent pas leurs journées à coller des gommettes.
Une immersion d’une semaine dans un cabinet de médecine générale aurait pour bénéfice de montrer à notre ministre que la médecine générale libérale est devenue de plus en plus contraignante, éreintante, et que nous ne pouvons que comprendre celles et ceux qui préfèrent exercer notre merveilleux métier sous une forme salariée.
Peut-être s’ensuivrait-il, non des preuves d’amour, mais au moins un peu de considération.
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