Dans le contexte des fugues successives de patients en psychiatrie qui ont marqué l’actualité récente en Haute-Garonne, l’ARS a réuni ce jeudi 3 février 2022 les instances départementales représentatives de la démocratie sanitaire locale (Conseil territorial de santé) et les acteurs spécialisés qui se réunissent régulièrement dans le cadre du Conseil local de santé mentale de Toulouse. Ces échanges étaient essentiels pour partager rapidement un point de situation et préciser avec transparence les mesures mises en œuvre.
Rappeler les modalités de prises en charge en psychiatrie
Dans le cadre des échanges organisés avec les représentants des instances de démocratie sanitaire et de santé mentale en Haute-Garonne, l’ARS a d’abord rappelé l’organisation des dispositifs qui assurent la prise en charge des patients en psychiatrie. Cette offre est largement extrahospitalière : près de 80 % des adultes et 97 % des enfants sont suivis en secteur ambulatoire. Souvent méconnus du grand public, les parcours de soins hospitaliers s’organisent au sein d’établissements aux unités et équipes soignantes spécialisées.
Ces prises en charge médicalisées s’exercent aujourd’hui pour l’essentiel en secteur ouvert, pour favoriser une réinsertion de ces patients dans la vie sociale ordinaire. Ces parcours de soin s’adaptent à chaque patient : ils sont très variés et ces situations individuelles ne sauraient être amalgamées.
L’ARS a également précisé les dispositifs réglementaires spécifiques qui encadrent les admissions d’une personne en soins psychiatriques sans consentement ou les situations d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Elle a rappelé que le consentement aux soins est le principe général, largement majoritaire, dans la prise en charge psychiatrique. Largement minoritaires, les soins sans consentement doivent rester l’exception, lorsque la conscience des troubles ou la reconnaissance du besoin de soins sont altérées. Ces échanges ont permis de rappeler les modalités spécifiques de chaque hospitalisation dans ce cadre (cf ci-après).
Préciser les mesures déployées à Toulouse
A la suite de fugues successives de plusieurs personnes jugées irresponsables pénales, l’ARS a d’abord demandé un rapport circonstancié puis diligenté une mission d’inspection sur site dès le 24/01/2022 pour s’assurer de la conformité de la prise en charge de ces patients au cours de leur séjour, au regard de la réglementation en vigueur. Sans attendre le résultat de ces investigations, l’ARS a demandé au Centre hospi- talier G. Marchant de mettre en œuvre des mesures de sécurisation renforcée qui ont été reprécisées ce jour.
Ces dispositifs visaient à :
La sécurisation des accès au Centre hospitalier G. Marchant à Toulouse :
- Fermeture du portail côté sortie et réduction de l’amplitude d’ouverture du portail du côté entrée, pour mieux contrôler les entrées et sorties de l’établissement.
- Mise en place d’un poste avancé du bureau des admissions pour le contrôle des justificatifs de sorties des patients.
- Renfort via une société externe en matière de sécurité (4 agents 24h/24 et 7J/7).
- La réévaluation de l’état clinique des patients admis sur décision du représentant de l’État au Centre hospitalier G. Marchant :
- La fermeture des unités décidée le 28/01/2022 sur le fondement d’une décision médico-administrative a permis la mise en place rapide de cette démarche de réévaluation, menée sur la base des critères cliniques reconnus, avec une vigilance particulière pour les situations cliniques à risque de rupture du parcours de soins.
- Si nécessaire au regard de ces réévaluations, des mesures d’adaptation sont mises en œuvre. Elles portent à la fois sur le cadre de soins et des autorisations de sorties des patients avec/sans accompagnement et des autorisations d’accès aux différentes zones de prise en charge : zones fermées, zones ouvertes des unités de soins, promenade dans le parc.
- La réouverture des unités le 01/02/2022 a été actée par l’établissement collégialement et a introduit de nouvelles règles et modalités en matière de sortie.
Le renforcement des gardes des cadres de santé au Centre hospitalier G. Marchant :
- L’effectif de garde des cadres de santé a été porté de 2 à 3 le weekend dernier afin de faciliter la gestion simultanée des différentes problématiques.
- La garde de direction a été renforcée le samedi matin, afin de s’assurer de l’application du nouveau dispositif légal concernant le contrôle et le renouvellement des durées des mesures d’isolement et de contention pour les patients en soins sans consentement.
La conduite d’un audit de sécurité au Centre hospitalier G. Marchant :
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- Le directeur général de l’ARS a demandé la réalisation au Centre hospitalier G. Marchant d’un audit interne sur la sécurisation des lieux et des espaces. Cet audit visera à examiner les forces et faiblesses en la matière de ce site de près de 44 hectares, tout en conciliant l’exigence des libertés d’aller et venir avec la nécessité d’une meilleure sécurisation des lieux.
- Cet audit sera appuyé par des experts externes et par les forces de l’ordre – Des mesures structurelles au CHU de Toulouse :
- A court terme, une évaluation de la charge en soins et de l’état clinique des patients est également menée au CHU de Toulouse. Cette mesure se complète d’une nécessaire adaptation du fonctionnement des Issues de Secours afin qu’elles ne soient plus asservies au Système Incendie.
- A moyen terme, après étude de travaux, une réorganisation architecturale des flux est envisagée pour créer un espace sécurisé extérieur, et ainsi consolider la sécurisation extérieure (vidéo protection et clôtures).
A l’occasion de ces échanges, l’ARS a confirmé sa volonté de rester à l’écoute des différents points de vue et d’agir en transparence. Ce temps de dialogue complète les investigations menées au contact des acteurs de terrain dans le cadre de l’inspection actuellement en cours.
Afin d’élargir les investigations déjà engagées par cette mission d’inspection de l’ARS et intégrer les aspects interministériels, les ministres de la santé et de l’intérieur vont mandater une mission d’inspection conjointe IGAS/IGA qui prolongera les travaux de la mission ARS. Les termes de cette mission d’inspection seront connus prochainement, la mise en œuvre devrait être assez rapide.
1. Comment est prononcée l’admission d’une personne en soins psychiatriques sans son consentement ?
La Haute Autorité de Santé précise les cas suivants :
- Admission sur décision du directeur de l’établissement de santé (SDDE) (art. L. 3212-1… du Code de la santé publique)
Cas 1 : consécutivement à la demande d’un tiers, en urgence ou non (SDT ou SDTU) Cas 2 : sans demande de tiers en cas de péril imminent (SPI) - Admission sur décision du représentant de l’État (SDRE) (art. L. 3213-1… du Code de la santé publique)
- Admission sur décision de justice (SDJ) (art. 706-135.. du Code de procédure pénale)
Les conditions d’admission sont définies au code de la santé publique. Elles comportent une période d’observation sous forme d’hospitalisation complète, permettant d’évaluer médicalement le consentement aux soins afin de définir la prise en charge la mieux adaptée. Un contrôle de légalité est assuré par le juge des libertés et de la détention (droit du patient et légalité des procédures).
2. Qu’est-ce que l’irresponsabilité pénale ?
En France, les classements sans suite motivés par l’irresponsabilité pénale pour troubles mentaux de la personne mise en cause ont doublé sur la période 2012-2018. L’irresponsabilité pénale est définie par des textes réglementaires :
Article 122-1 code pénal : « N’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes.
La personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable…Lorsque, après avis médical, la juridiction considère que la nature du trouble le justifie, elle s’assure que la peine prononcée permette que le condamné fasse l’objet de soins adaptés à son état »
Article 706-135 Code de procédure pénale : « … lorsque la chambre de l’instruction ou une juridiction de jugement prononce un arrêt ou un jugement de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, elle peut ordonner, par décision motivée, l’admission en soins psychiatriques de la personne, sous la forme d’une hospitalisation complète… s’il est établi par une expertise psychiatrique figurant au dossier de la procédure que les troubles mentaux de l’intéressé nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public… »
« Les notions d’altération ou d’abolition du discernement, fondements de l’appréciation de l’’irresponsabilité pénale posée par l’article L 122-1 du code pénal ne sont pas des notions définies, ni juridiquement, ni médicalement. Elles peuvent varier d’une expertise à l’autre » (Mission irresponsabilité pénale / Inspection Générale de la Justice – février 2021)
3. Quelles sont les spécificités de chaque hospitalisation pour des soins psychiatriques ?
L’état et l’évolution d’un patient en psychiatrie, son statut (Hospitalisation libre ou Soins sans consentement) permettent, sous contrôle médical, d’assurer ses droits à aller et venir. Des restrictions peuvent être temporairement et collégialement décidées dès lors qu’il existe une nécessité pour le patient d’être maintenu dans un cadre sécurisant pour lui et son environnement. Certains types d’unité sont spécifiquement prévus pour accueillir des patients détenus souffrant de troubles psychiques (UHSA) ou des patients particulièrement difficiles ou présentant une dangerosité (UMD).
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