Loi Lemoine : suppression du questionnaire de santé
La Ligue contre le cancer salue cette avancée majeure mais reste vigilante face à de possibles dérives
Le 1er juin dernier, la loi n° 2022-270 du 28 février 2022[1]pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur (loi Lemoine) entrait en vigueur, prévoyant :
- La réduction de 10 ans à 5 ans du droit à l’oubli (en vigueur depuis le 2 mars 2022)
- La résiliation à tout moment (infra annuelle)
- La suppression du questionnaire de santé
La Ligue contre le cancer, en première ligne du combat pour le droit à l’oubli depuis plus de 15 ans, salue ces avancées majeures, notamment la suppression du questionnaire de santé. Elle s’inquiète néanmoins des dérives potentielles et risques pour les personnes malades pouvant être engendrés. Elle appelle les pouvoirs publics à être vigilants quant aux modalités d’application de la loi et les banques et assurances à communiquer de façon claire et transparente sur les modalités liées à la suppression du questionnaire de santé.
« Chaque avancée législative qui va dans le sens de plus d’égalité envers les personnes fragiles, et plus de droits, doit être saluée. Mais il est aussi de notre devoir, en tant qu’association dédiée aux personnes malades, de rester prudents : notre rôle est d’être attentifs, prêts à réagir en cas de dérives. Si la fin du questionnaire de santé dans certaines conditions est une bonne chose, nous serons présents pour dénoncer les éventuelles tentatives de contournements de cette disposition. Nous ne pouvons laisser aux seules banques la mesure du risque médical de façon discrétionnaire, ouaccepter qu’une assurance emprunteur soit conditionnée à la prise d’un contrat de prévoyance… soumis à un questionnaire médical ! » déclare Daniel Nizri, président bénévole de la Ligue contre le cancer.
De nombreux risques liés à la suppression du questionnaire de santé
Aidéa, dispositif de la Ligue contre le cancer entièrement dédié à l’assurance emprunteur, a identifié plusieurs risques pour les personnes malades, mais aussi pour tous les emprunteurs :
- Risque d’appréciation du risque médical laissé au banquier lors de l’étude du financement de crédit
En cas d’annonce, par le client, de sa pathologie au banquier : quels seront les critères d’appréciation de chaque banque ? Sachant que le principe de confidentialité est primordial.
A contrario, si le client décide de ne pas parler de sa maladie, quels seront les critères d’appréciation suite à l’étude de ses revenus (indemnités journalières, congés longue maladie …).
- Risque que l’assurance emprunteur soit associée à un contrat de prévoyance pouvant lui-même être soumis à un questionnaire de santé
La suppression du questionnaire de santé pourrait facilement être contournée lors de la demande de prêt, en conditionnant l’obtention du prêt à un contrat de prévoyance soumis à un questionnaire.
- Risque de mise en place d’un délai d’attente
Il s’agit d’une période déterminée pendant laquelle les garanties ne pourront pas encore être activées. Concrètement, vous réglez vos primes d’assurance normalement, mais, pendant quelques mois vous ne pouvez pas prétendre à un remboursement au titre des garanties du contrat emprunteur suite à une demande de prise en charge. Il n’y aurait donc pas de prise en charge pour un emprunteur sans antécédent médicaux affecté par une maladie pendant cette période, ou pour un emprunteur affecté ou ayant été affecté par une maladie (afin d’éviter l’effet d’opportunité).
- Risque que le contrat d’assurance comporte des exclusions de certaines pathologies : règle de précaution
Le candidat à l’assurance pourrait être exclu de certaines maladies dès la souscription de l’assurance alors qu’il n’en a pas été atteint.
- Risque que des assureurs ne proposent plus d’assurance emprunteur pour les prêts inférieurs à 200 000€
Les candidats à l’assurance ne disposeraient donc pas d’un large choix afin de réduire leur prime d’assurance, alors que la résiliation à tout moment (infra annuelle) également prévue par la loi est censée encourager l’ouverture du marché aux assureurs alternatifs.
- Risque d’augmentation des tarifs
Selon Actélior, cabinet d’actuariat spécialisé notamment dans l’assurance emprunteur, une augmentation moyenne comprise entre 2% et 15% est estimée (Actélior, After Work emprunteur, 10 février 2022, www.actelior.com). La diminution du coût de l’assurance, but de la résiliation à tout moment (infra annuelle), pourrait ne pas être visible à cause de la hausse potentielle des tarifs.
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