Le débat sur la réintégration des rares soignants non vaccinés contre le SARS-CoV-2 a été relancé à l’Assemblée nationale. Les partisans de la réintégration, s’appuyant sur l’exemple de certains pays Européens, arguent de la diminution rapide de l’efficacité des vaccins contre l’infection pour dénoncer une obligation vaccinale qui, avec le temps, ne pourrait plus éviter que les soignants transmettent le SARS-CoV-2 à leurs patients.
L’Académie nationale de médecine a déjà fait part de son opposition à cette mesure démagogique, néfaste pour la prévention des infections respiratoires en milieu hospitalier et nocive pour la crédibilité des politiques vaccinales. Elle a aussi souligné que cette mesure ne résoudrait en aucune manière la pénurie de soignants dont souffrent le système hospitalier et les EHPADs [1].
Ce débat omet de prendre en considération la nature des motivations avancées par certains soignants pour justifier leur refus de la vaccination. Elles sont de deux ordres :
– la défiance vis-à-vis des nouveaux vaccins : le prétendu manque de recul pour juger de l’efficacité et de l’innocuité des vaccins n’est plus un argument recevable après que 7,3 milliards de doses ont été administrées dans le monde en moins de deux ans ;
– le mécontentement de professionnels de la santé qui, malgré les efforts considérables fournis pour lutter contre la pandémie, attendent toujours une amélioration de leurs conditions de travail et une revalorisation de leur statut.
Contre le risque de transmission nosocomiale de la Covid-19 du soignant au soigné, tous les moyens disponibles doivent être mis en œuvre, vaccination et mesures barrière, sans option possible.
Certes, les vaccins actuellement sur le marché protègent incomplètement contre la transmission et cette efficacité partielle tend à diminuer au bout de 3 mois. Ce constat ne doit pas faire perdre de vue que le SARS-CoV-2, virus doué de grandes capacités de mutations, n’est pas appelé à disparaître et restera une menace pour les malades hospitalisés et les personnes âgées ou fragiles. De nouveaux vaccins sont d’ailleurs en cours de développement pour élargir la protection vaccinale aux différents variants, rendre cette protection plus durable et empêcher l’infection. Les progrès de la vaccinologie peuvent laisser espérer qu’il sera possible dans l’avenir de mieux prévenir la transmission.
En revanche, l’efficacité des vaccins pour prévenir les formes graves de Covid-19 est à présent bien démontrée. Dans certains pays, dans lesquels le niveau de la couverture vaccinale a été faible, la durée de l’espérance de vie a parfois fortement chuté. Au-delà de ces considérations médicales prioritaires, il faut aussi rappeler que, si un soignant non vacciné contracte, lors de son travail, une forme de Covid-19 sévère ou prolongée (Covid long), éventualité fréquente avant l’arrivée des vaccins, la responsabilité de son employeur peut être engagée, la demande de reconnaissance en maladie professionnelle indemnisable (MPI), selon le tableau 100 des MPI, ayant de lourdes conséquences financières pour l’employeur, s’il peut être démontré que la contamination a eu lieu en milieu hospitalier.
Enfin, la peur parfois exprimée par certaines personnes vis-à-vis des vaccins à ARN messager peut désormais être prise en compte, en proposant un vaccin utilisant une protéine virale recombinante suivant la même technologie que pour le vaccin contre l’hépatite B (obligatoire chez les soignants) : le Nuvaxovid® de Novavax, utilisable en primo-vaccination, ou le VidPrevtyn Beta® de Sanofi-GSK, agréé uniquement pour les rappels.
Considérant que le principe de la vaccination obligatoire des soignants contre la Covid-19 doit être maintenu, tant pour protéger leurs patients que pour les protéger eux-mêmes, l’Académie nationale de médecine recommande :
– de prendre en compte les causes sous-jacentes de mécontentement du personnel soignant des hôpitaux et des EHPADs, ainsi que des aides chargées de soins infirmiers à domicile et des auxiliaires de vie pour les personnes bénéficiaires de l’aide pour personnes handicapées, pour rétablir un lien de confiance réciproque entre les soignants et l’administration ;
– d’explorer toutes les voies qui peuvent permettre d’inciter les soignants aujourd’hui réticents à se faire vacciner, notamment en analysant le rôle des influences sociales et en mettant l’accent sur les aspects pratiques de la vaccination (2) ;
– de promouvoir les vaccins sous-unitaires recombinants contre la Covid-19 auprès des soignants qui refusent de recevoir un vaccin à base d’ARN messager.
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