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Bulletin épidémiologique hebdomadaire 3-4 (Document)

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Santé Publique France vient de dévoiler le BEH n°3-4.

Ce numéro est composé d’un éditorial et de 4 articles :

  • Editorial : Réflexions sur le sixième rapport sur les morts maternelles en France, 2013-2015, Rohan D’ Souza et coll., Département d’obstétrique et de gynécologie, Université McMaster, Hamilton, Ontario, Canada
  • La mortalité maternelle en France, évolutions récentes et défis actuels résultats marquants de l’enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles en France, 2013-2015, Monica Saucedo et coll., Université Paris Cité, Inserm, UMR 1153 Cress, Équipe de recherche en épidémiologie obstétricale périnatale et pédiatrique (Épopé), Paris

Le 6e rapport de l’Enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles (ENCMM) apporte des enseignements sur la fréquence, les facteurs de risque, les causes, l’adéquation des soins et l’évitabilité des morts maternelles survenues en 2013-2015 en France. Si le ratio de mortalité maternelle (RMM) global reste stable, le profil des causes évolue : la mortalité par hémorragie obstétricale continue de diminuer ; les maladies cardiovasculaires et les suicides deviennent les deux causes les plus fréquentes de mort maternelle.

Ce profil met en lumière de nouvelles priorités, en rappelant que la santé maternelle ne se limite pas à la sphère obstétricale, ainsi que l’importance de la prévention et de l’éducation en santé pour les futures mères. Le  rapport montre la persistance d’inégalités sociales et géographiques de mortalité maternelle.

Ces inégalités concernent notamment les départements et régions d’outre-mer (DROM) : 1 décès maternel sur 7 survient dans les DROM, et le RMM est plus de trois fois supérieur à celui de la France métropolitaine (32 contre 9,5 décès/100 000 naissances vivantes). La surmortalité des femmes migrantes reste une réalité : 2,5 fois celle des femmes nées en France.

  • Analyse comparative des profils de mortalité maternelle entre pays européens avec système renforcé de surveillance, Catherine Deneux-Tharaux et coll., Université Paris Cité, Inserm, UMR 1153 Cress, Équipe de recherche en épidémiologie obstétricale périnatale et pédiatrique (Épopé), Paris

La mortalité maternelle demeure un indicateur clé de santé maternelle et de performance du système de soins maternels, même dans les pays riches, où elle est devenue rare. Les comparaisons entre pays peuvent mettre en lumière des profils communs ou des singularités, et alors révéler des mécanismes causaux et des pistes d’amélioration possibles. Les données de routine de mortalité ne permettent pas une caractérisation fiable des morts maternelles. Notre objectif était de comparer la mortalité maternelle entre pays européens dotés de dispositifs renforcés d’étude de cette mortalité.

Une étude descriptive comparative a été menée à partir des données de huit pays européens dotés de dispositifs renforcés pour identifier, documenter et examiner les décès maternels (Danemark, Finlande, France, Italie, Pays-Bas, Norvège, Slovaquie et Royaume-Uni). Les ratios de mortalité maternelle (RMM), jusqu’à 42 jours après la fin de la grossesse et définis comme le nombre de décès maternels pour 100 000 naissances vivantes au cours d’une période donnée, ont été calculés puis comparés à ceux obtenus avec les statistiques officielles de mortalité. Les RMM par âge, par origine géographique/ethnicité des femmes et par cause de décès ont également été calculés.

Les RMM, jusqu’à 42 jours après la fin de la grossesse, variaient d’un facteur 4, allant de 2,7 en Norvège et 3,4 au Danemark à 9,6 au Royaume-Uni et 10,9 en Slovaquie pour 100 000 naissances vivantes. Les statistiques officielles de mortalité sous-estimaient la mortalité maternelle de 36% ou plus partout sauf au Danemark. Les RMM par âge étaient plus élevés pour les mères les plus jeunes et les plus âgées (Risques relatifs (RR) poolés : 2,17, avec un intervalle de confiance à 95%, IC95%: [1,38-3,43] pour les femmes âgées de plus de 20 ans, 2,10 [1,54-2,86] pour celles âgées de 35 à 39 ans, et 3,95 [3,01-5,19] pour celles âgées de 40 ans et plus, par rapport aux femmes âgées de 20 à 29 ans). Excepté en Norvège, les RMM étaient généralement plus élevés chez les femmes nées à l’étranger ou d’origine ethnique minoritaire, définies différemment selon les pays. Les maladies cardiovasculaires étaient une des principales causes de mortalité dans tous les pays. Seulement deux pays, la France et le Royaume-Uni, disposent d’un système fiable de mesure de la mortalité maternelle jusqu’à un an après la fin de la grossesse ; dans ces deux pays, le suicide maternel était la deuxième cause de mortalité maternelle jusqu’à un an après la fin de la grossesse, après les maladies cardiovasculaires.

Des dispositifs renforcés d’étude de la mortalité maternelle, comme l’Enquête nationale confidentielle sur la mortalité maternelle en France, sont essentiels pour recueillir des données fiables sur la mortalité maternelle. Parmi les pays européens avec de tels dispositifs, il existe des différences de niveau et de causes de mortalité maternelle jusqu’à 42 jours, non liées à des variations de mesure de la mortalité maternelle. Des analyses approfondies des différences de qualité des soins et des performances des systèmes de santé au niveau national sont nécessaires pour réduire davantage la mortalité maternelle en tirant des enseignements des meilleures pratiques et de l’expérience des autres pays. Les maladies cardiovasculaires et la santé mentale des femmes pendant et après la grossesse doivent être considérées comme des priorités dans tous les pays.

  • Comprendre la surmortalité maternelle chez les femmes immigrées en France : une analyse de l’accès à des soins de qualité selon le cadre conceptuel des trois retards, Priscille Sauvegrain et coll., Université Paris Cité, Inserm, UMR 1153 Cress, Équipe de recherche en épidémiologie obstétricale périnatale et pédiatrique (Épopé), Paris

En France, comme dans d’autres pays européens, les  femmes immigrées ont un risque accru de mortalité maternelle, en particulier celles nées en Afrique subsaharienne (ASS). Parmi les morts maternelles, une moindre qualité des soins prodigués à ces femmes par rapport aux femmes natives a déjà été rapportée, mais l’analyse porte essentiellement sur la qualité des soins prodigués une fois la femme en contact avec les soignants. Le cadre des trois retards de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) permet d’aller plus loin en distinguant le retard pour (ou absence de) : décider de consulter (type 1), arriver  à l’établissement de santé (type 2), et recevoir un traitement adéquat (type 3). L’objectif était d’analyser les parcours de soins jugés globalement non optimaux dans l’Enquête nationale confidentielle française sur les morts maternelles de femmes natives, femmes immigrées nées en ASS et femmes nées hors Afrique et Europe (« Ailleurs »). Ceci permettrait d’identifier les éventuels retards de type 1 et 2 et de les comparer entre les trois groupes.

Parmi les 254 femmes décédées de mort maternelle en 2010-2012 en France, l’analyse a porté sur 110 femmes ayant reçu des soins globalement non optimaux selon l’Enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles (ENCMM), soit 72 femmes natives, 17 femmes nées en ASS et 21 nées « Ailleurs ». Chaque parcours de soins a été analysé par un groupe d’experts par jugement consensuel sur la présence de chacun des trois retards et leur implication dans la survenue du décès.

La fréquence des retards 1 ou 2 était de 29% chez les femmes natives, 41% chez celles d’ASS et 29% chez les femmes nées Ailleurs (p=0,33). Ces retards étaient impliqués dans la survenue du décès chez 24%, 41% et 10% et des femmes, dans ces trois groupes respectivement (p=0,14). Le retard de type 3 était, par définition, présent dans les trois groupes, puisqu’il est dû au défaut de soins habituellement caractérisé par l’ENCMM.

Au-delà de la qualité des soins prodigués, et bien que la significativité statistique ne soit pas atteinte dans notre étude, la plus grande fréquence des retards de type 1 et 2 chez les femmes d’ASS et nées « Ailleurs » suggère l’implication d’obstacles spécifiques à l’accès aux soins pour elles. Une meilleure documentation de ces obstacles pourrait découler de ce travail, notamment en appliquant ce cadre d’analyse aux femmes ayant eu une complication sévère non létale en période périnatale.

  • Suicide en période périnatale : données épidémiologiques récentes et stratégie de prévention, Alexandra Doncarli et coll., Santé publique France

La période périnatale (grossesse et première  année post-partum) est une période de vulnérabilité à la survenue/l’aggravation de symptômes/troubles psychiatriques chez les mères pouvant conduire jusqu’au suicide. À partir des données du dernier rapport de l’Enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles en France et de résultats majeurs de la littérature internationale, l’objectif de cet article est : i) de présenter et  de discuter les principales données épidémiologiques concernant les suicides maternels (fréquence, caractéristiques, facteurs de risque, évitabilité), ii) de lister les principaux outils de dépistage et les interventions en prévention.

En France, sur la période 2013-2015, les suicides représentaient la première cause connue de décès maternels en période périnatale (13,4% de l’ensemble des décès), soit 1,4 femmes pour 100 000 naissances vivantes (intervalle de confiance à 95% (IC95%): [1,0-2,0]). La majorité des suicides (77%) s’étaient produits après le 42ejour postpartum et en médiane vers le 4e mois post-partum. Les différents facteurs de risque retrouvés en France comme à l’international étaient notamment : la précarité, l’isolement, des évènements de vie douloureux, des antécédents psychiatriques et des complications pendant la grossesse ou l’accouchement. Les données nationales et internationales montrent également qu’une grande part de ces décès serait évitable. Parmi les stratégies de prévention, un dépistage précoce et répété des femmes à risque, et tout spécifiquement de celles présentant des troubles psychiatriques déjà connus ou incidents, et une prise en charge graduée sont à retenir. En France, le projet gouvernemental « 1 000 premiers jours », les entretiens prénatals précoces et post-natals obligatoires vont dans ce sens. Néanmoins, seul un déploiement national et universel de ces mesures pourra infléchir cette problématique majeure.

Consulter le BEH_3-4

PJ

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