Dans un précédent communiqué, les Académies de médecine et de pharmacie s’étaient émues d’une consultation citoyenne portant sur le « cannabis récréatif » aux items orientés (1). Cette démarche s’inscrivait dans un mouvement idéologique visant à adouber au préalable un usage médical afin de donner à cette drogue des lettres de noblesse « thérapeutiques ».
Or, comme il vient d’être rappelé dans une méta-analyse récente : « La plupart des résultats associés aux cannabinoïdes ne sont étayés que par des preuves faibles (études observationnelles), avec une certitude faible à très faible (essais contrôlés randomisés) ou qui ne sont pas significatifs (études observationnelles, essais contrôlés randomisés) » (2).
En revanche, la toxicité du principal constituant psychotrope de la drogue, le tétrahydrocannabinol (THC) est parfaitement établie : toxicité physique supérieure à celle du tabac (cancers, infarctus, troubles du rythme cardiaque, AVC, artérites…), toxicité psychique (troubles cognitifs et anxiodépressifs, syndrome amotivationnel, désinhibition, induction ou aggravation de la schizophrénie…), effets sur la grossesse et sur la descendance, modifications épigénétiques (3, 4). Il est aussi un inducteur de violences familiales, professionnelles, routières (avec 605 morts en 2021). La multiplication par 6 en 25 ans du taux de THC dans sa résine, augmente son pouvoir addictif et, partant, le recrutement des sujets qui en deviennent dépendants après l’avoir expérimenté ; ce qui exacerbe aussi sa toxicité physique et psychique ; on est très loin de la « drogue douce » longtemps présentée (5).
Ceci explique le nombre croissant et la gravité de ses effets indésirables et toxiques, tout particulièrement chez les plus vulnérables, les adolescents et les jeunes adultes. Son « usage problématique », dès l’âge de 17 ans a progressé, étant de 18 % en 2011 et de 25 % en 2017 (5). Plusieurs études ont confirmé ses effets délétères sur la maturation cérébrale, laquelle ne s’achève que vers 25 ans. Elles montrent que l’usage du THC s’accompagne d’une dépendance et d’une baisse du quotient intellectuel, d’autant plus marquées que sa consommation est plus fréquente et précoce.
Chez la femme enceinte, alors que la consommation d’alcool et de tabac a régressé, celle du cannabis a progressé d’une façon préoccupante. Ses effets délétères ne se limitent pas à l’usager, ils affectent aussi sa descendance. Consommé pendant la grossesse, il agit au niveau du placenta (modifiant l’expression de certains gènes), avec des conséquences sur le fœtus (altérant son développement), mais également sur le nouveau-né (prématurité, petit poids de naissance, risques d’admission en soins intensifs…) et sur le nourrisson (risque accru de mort subite). Sa consommation par un futur père, peut avoir des conséquences sur le fœtus qu’il engendrerait, qui pourraient aboutir à des troubles du spectre de l’autisme, des troubles psychotiques et intellectuels (6).
Alors que la lutte visant à réduire les terribles méfaits sanitaires du tabac et de l’alcool n’est que de peu d’effets, ce serait une faute grave de légaliser une source d’addiction supplémentaire, alors que le Président de la République a fixé comme objectif l’avènement d’une génération « zéro tabac » en 2032, le cannabis étant porté sur les épaules du tabac.
Dans les pays qui ont légalisé son « usage récréatif », il a été montré que cette mesure ne réduit ni son usage, ni ses trafics (7). Quant aux hypothétiques recettes issues des taxes d’État, pour le tabac et pour l’alcool, elles couvrent moins de la moitié des dépenses sanitaires liées à leur consommation.
Aux États-Unis, où plus de 30 états ont légalisé son usage, les dernières données du National Institute of Drug of Abuse montrent que les consommations de cannabis ont atteint en 2022 des sommets historiques, chez les adultes en âge de procréer (tant pour la tranche des 31 à 50 ans, que chez les jeunes adultes âgés de 19 à 30 ans), chez lesquels les consommations ont considérablement augmenté et ce d’une façon continue, au cours de ces 5 dernières années (7). Dans des études antérieures, il avait été mis en évidence que la consommation de la drogue était plus élevée dans les états qui avaient légalisé l’usage récréatif comparativement aux autres.
Ainsi, par méconnaissance de tous ses effets délétères, la légalisation de « l’usage récréatif » du cannabis constituerait une grave erreur sanitaire.
Lire le communiqué sur le site de l’Académie
Notes :
– Communiqué bi-académique du 07 avril 2021.
– Solmi M, De Toffol M, Kim JY, Choi MJ, Stubbs B, Thompson T et al. Balancing risks and benefits of cannabis use: umbrella review of meta-analyses of randomised controlled trials and observational studies. BMJ. 2023 Aug 30;382:e072348. doi: 10.1136/bmj-2022-072348.
– Cotier P, Mayer C, Etting I, Lorin de la Grandmaison G, Alvarez JC. Evaluation of the cardiovascular risk induced by cannabis use from a series of 43 autopsy cases. Int J Legal Med 2023 ;137 :1725-1733. doi: 10.1007/s00414-023-03079-x.
– Costentin J. Les effets épigénétiques du cannabis/tétrahydrocannabinol. Bull Acad Natl Med 2020 ; 204 : 570-576. doi.org/10.1016/j.banm.2020.04.004.
– Goullé JP, Guerbet M. L’usage récréatif du cannabis : des effets aux méfaits. Données épidémiologiques. Bull Acad Natl Med 2020 ;204 :543-550. doi :10.1016/j.banm.2020.04.001.
– Lo JO, Hedges JC, Metz TD. Cannabis Use and Perinatal Health Research. JAMA. 2023; Aug 17. doi: 10.1001/jama.2023.14697.
– Marijuana and hallucinogen use, binge drinking reached historic highs among adults 35 to 50. National Institute on Drug Abuse website.
https://nida.nih.gov/news-events/news-releases/2023/08/marijuana-and-hallucinogen-use-binge-drinking-reached-historic-highs-among-adults-35-to-50 August 17, 2023 Accessed September 1, 2023.
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