Les deux dernières décennies du XXe siècle ont été marquées par d’importantes mobilisations des associations d’usagers et des actions judiciaires retentissantes au cours desquelles se sont exprimées des attentes pour une plus grande implication des usagers dans toutes les décisions en santé. Dans cette perspective, les États généraux de la santé qui se sont déroulés en 1998 et 1999 ont été l’occasion d’importants ajustements législatifs à de nombreuses reprises depuis 2002.
Au terme de ces évolutions, trois piliers concrétisent ce que l’on appelle en France la démocratie sanitaire, ou encore la démocratie en santé, pour mieux correspondre à la définition contemporaine de la santé qui prend en compte non seulement le soin, mais aussi les dimensions sociales et médico-sociales :
- d’abord, les droits individuels des personnes. Depuis l’accès au dossier médical jusqu’à l’obligation de recueil du consentement dans le domaine du soin jusqu’au droit au projet personnalisé et à l’autodétermination de la personne dans le domaine social et médico-social ;
- ensuite, les droits collectifs, comme la représentation des usagers dans des commissions ou groupes de travail mis en place par les administrations publiques ou encore la possibilité de mener des actions de groupe devant les juridictions ;
- enfin, la conduite d’actions de renforcement des capacités des usagers par la mise en place de services publics d’information accessibles sur internet, de programmes d’éducation thérapeutique, d’actions d’accompagnement, d’actions de médiation en santé et de pair-aidance, ou encore, plus récemment, d’une expérimentation des projets d’accompagnement à l’autonomie en santé.
Si la dissymétrie des positions entre professionnels de la santé et usagers a pu être ainsi réduite, elle reste cependant massive dans bien des domaines au point d’appeler de nouvelles évolutions.
Vingt ans après les lois de 2002, face aux attentes formulées par les usagers, dont certaines se révèlent critiques sur les résultats des efforts accomplis, une occasion de relancer une dynamique qui a perdu de sa vigueur se présente avec la préparation de la stratégie nationale de santé 2023-2033.
C’est dans cette optique que la Haute Autorité de santé, qui mobilise avec succès l’expérience individuelle et l’expertise collective des usagers dans l’ensemble de ses travaux, identifie quatre sujets sur lesquels des efforts vigoureux sont attendus.
La promotion de l’engagement et de la participation des usagers auprès des professionnels de santé
Initiée dans toutes ses composantes (éducation thérapeutique du patient, pair-aidance, actions d’accompagnement, médiation en santé, etc.), cette promotion ne peut aller sans une prise de conscience et une évolution profonde des professionnels de santé, leur sensibilisation et leur formation à toutes les étapes de leur cursus, de la formation initiale à la formation continue.
Les dimensions d’écoute, de reconnaissance de l’expérience et de l’expertise des patients, de partage décisionnel notamment ne « vont pas de soi », tout comme la détermination des rôles dans la relation qui se noue dans les cas d’incertitude ou de biais cognitifs. Elles doivent être nommées et reconnues comme éléments non pas implicitement acquis, mais à définir et développer, dans un axe de travail spécifique, par les professionnels.
L’effectivité des droits individuels reconnus par les lois de 2002 et celles adoptées à leur suite
Si de nombreuses expressions réclament la reconnaissance d’un droit à l’accompagnement, la situation des droits existants est source d’interrogations sur leur effectivité, comme le montrent les constats d’une série de rapports autant que les saisines en justice. Ce qui ne manque pas d’être regrettable dans un pays qui prône le respect de l’État de droit.
- Dans ce contexte, la Haute Autorité de santé plaide pour que les contrôles des autorités administratives soient plus denses, d’une part, et que les autorités publiques indépendantes chargées de la veille en termes de droits ou de qualité voient leurs capacités renforcées pour faire respecter les droits existants comme nouveaux, d’autre part.
La représentation des usagers par des associations agréées
Le nombre d’associations bénéficiant de cet agrément marque le pas au point que les établissements et les institutions publiques peinent à trouver des personnes en situation de siéger dans les instances mises en place. Surtout, cette représentation instituée par les textes ne répond pas aux attentes des associations, si bien qu’elles en sont parfois découragées, et ouvre un risque de désengagement d’une démocratie ressentie comme trop formelle et/ou inéquitable. Par exemple, elles font le reproche d’être en trop petit nombre dans chacune de ces instances où elles peinent d’autant plus à faire valoir leurs points de vue qu’elles ne disposent pas de « droits de siège » en dehors de la mention des opinions minoritaires, qui n’est d’ailleurs obligatoire que dans les instances soumises à la charte de l’expertise sanit aire.
- Dans ce contexte, la Haute Autorité de santé appelle à une puissante réflexion sur les aménagements qu’il conviendrait d’apporter à la représentation des usagers, elle aussi au service de l’effectivité des droits et de la qualité du système de santé.
Les actions de renforcement des capacités des usagers
L’ensemble des actions conduites au titre de l’accompagnement en santé offre un paysage à la lecture et à l’accès difficile pour les usagers (actions d’information, éducation thérapeutique, actions d’accompagnement, médiation en santé, pair-aidance, etc.) qui cherchent ou ont besoin de conforter leur pouvoir d’agir pour eux-mêmes et pour autrui.
- Dans un système de santé cloisonné, les leçons de l’évaluation de l’expérimentation des projets d’accompagnement à l’autonomie en santé, figurant à l’article 92 de la loi de modernisation de notre système de santé, justifient que la politique publique en tire les conclusions pour clarifier et soutenir à la hauteur des besoins réels une politique nationale d’accompagnement en santé.
La recherche de la qualité en santé et la garantie des droits conduites en même temps constituent une stratégie reconnue sur le plan mondial pour des gains pertinents, tant dans les soins que dans les accompagnements sociaux et médico-sociaux. La France, qui s’est inscrite très tôt dans cette stratégie, doit conserver son avance et relancer ses efforts face à des indicateurs qui parfois marquent le pas ou se dégradent, comme le détaille l’avis qui accompagne la présente position.
Pour en savoir plus :
Lire la position de la HAS en ligne