Réunie le mercredi 22 juillet 2015, la commission des affaires sociales du Sénat a examiné le projet de loi n° 406 (2014-2015) de modernisation de notre système de santé, sur le rapport de M. Alain Milon, président de la commission (Les Républicains – Vaucluse), de Mme Catherine Deroche (Les Républicains – Maine-et-Loire) et de Mme Elisabeth Doineau (UDI – Mayenne).
La commission a profondément remanié ce projet de loi, passé de 57 articles lors de son dépôt en octobre 2014 à 209 articles à l’issue de son examen par l’Assemblée nationale au printemps dernier, après que le Gouvernement ait lui-même, par voie d’amendements, totalement réécrit 8 articles du projet de loi initial puis ajouté 58 articles nouveaux.
Derrière un intitulé flatteur visant la « modernisation de notre système de santé » se présente en réalité un projet de loi portant diverses dispositions d’ordre sanitaire dont le caractère disparate, plus souvent déclaratif que normatif, a été fortement accentué lors de l’examen par l’Assemblée nationale.
La commission des affaires sociales a adopté 206 amendements et a procédé à la suppression de 50 articles.
Elle a supprimé l’article 18, relatif à la généralisation du tiers-payant, estimant que cette mesure à la mise en œuvre complexe, rompant avec les modalités d’exercice de la médecine libérale, n’était pas véritablement nécessaire dès lors qu’elle s’appliquait déjà aux publics les plus fragiles et aux patients atteints d’affections de longue durée, et qu’elle avait en outre entraîné une crispation inutile obérant tout progrès, dans les discussions conventionnelles, sur des sujets autrement plus urgents et importants pour notre système de santé.
La commission a supprimé plusieurs dispositions qui ne lui semblent pas pouvoir être traitées au détour d’un amendement dans un texte de cette nature, alors qu’elles relèvent de réflexions plus approfondies dans le cadre de la révision des lois de bioéthique. C’est le cas de celles qui visent à renforcer le consentement présumé au don d’organes (article 46 ter) et à supprimer, s’agissant de l’interruption volontaire de grossesse, le délai de réflexion de sept jours entre les deux consultations (article 17 bis).
La commission a supprimé l’article 30 bis A, introduit par l’Assemblée nationale, qui prévoyait la suppression de l’ordre national des infirmiers.
La commission a également supprimé des dispositions dont l’utilité et la portée concrète lui paraissaient discutables et qui alourdissent un texte excessivement volumineux. C’est le cas de déclarations d’objectifs dépourvues de toute portée normative, de dispositions relevant manifestement du domaine réglementaire ou de demandes de rapports au Gouvernement sur des sujets divers. Ainsi, les articles relatifs à la promotion de la santé en milieu scolaire (article 2) ou au « pacte territoire santé » (article 12 ter) lui ont paru procéder d’une pure volonté d’affichage, n’ajoutant rien au droit existant, ni aux dispositifs que le Gouvernement peut déjà mettre en œuvre sans modification législative.
Le projet de loi comprenant un nombre inhabituel d’habilitations du Gouvernement à légiférer par ordonnances (10 articles visant plus d’une centaine de domaines), la commission en a restreint le champ, souhaitant notamment préserver la compétence du Parlement sur les questions liées à l’organisation de la transfusion sanguine (article 42), à l’accès aux soins de premier recours (article 51), aux ordres des professions de santé (article 51 septies) et au droit applicable aux recherches biomédicales (article 53).
S’agissant des mesures relatives au tabac, la commission a jugé prématuré l’engouement pour le paquet neutre, peu partagé par nos partenaires européens. Cette « mesure phare » peine à dissimuler l’incapacité à obtenir de nos voisins une politique fiscale moins opportuniste et plus coopérative, et de l’Union européenne une révision de la directive sur les accises dans le sens d’une véritable convergence permettant d’actionner le seul levier véritablement éprouvé : une augmentation significative des taxes. En conséquence, la commission a adopté un amendement substituant à l’instauration du paquet neutre une stricte transposition de la directive européenne prévoyant de porter à 65 % la surface des paquets de cigarettes consacrée aux avertissements sanitaires.
S’agissant des dispositions relatives à l’organisation territoriale des soins, leur version initiale a suscité un profond rejet des professionnels de santé, alors même que leur adhésion était indispensable à la « réforme structurelle » annoncée par le Gouvernement en vue de renforcer leur coopération et d’améliorer la coordination des soins. A défaut de véritable concertation en amont du dépôt du projet de loi, celle-ci a dû être menée tambour battant, aboutissant à une réécriture en urgence des principaux articles à la veille de l’examen en commission à l’Assemblée nationale.
Le service territorial de santé au public constituait un dispositif d’hyper-administration, qui plaçait l’essentiel du pouvoir de décision entre les mains des directeurs généraux des agences régionales de santé (ARS), et instaurait une forme de planification ambulatoire inacceptable pour les praticiens libéraux. En dépit de son abandon au profit des « équipes de soins primaires » et des « communautés professionnelles territoriales de santé », le texte n’a que partiellement pris en compte la nécessité de bâtir ces formes de coopération autour des initiatives de terrain et des dynamiques professionnelles. Jugeant inopportun de remettre en cause à chaque nouvelle loi de santé des dispositifs venant d’être mis en place, la commission a remplacé les communautés professionnelles territoriales de santé, dont la création a été prévue par un amendement à l’Assemblée nationale, par un renforcement des pôles de santé institués par la loi « Hôpital, patients, santé et territoires » (HPST) de 2009 (article 12 bis). Elle a estimé que ce dispositif, pour bien fonctionner, devait rester entièrement facultatif, et elle a donc supprimé le pouvoir coercitif conféré aux ARS en cas de carence des initiatives locales.
La commission a rejeté l’amendement de la commission du développement durable, saisie pour avis, visant à instituer un dispositif de régulation de l’installation des médecins dans les zones sur-denses. Elle a, en revanche, adopté un amendement prévoyant l’obligation de négocier, lors du renouvellement de la convention médicale, sur les conditions d’installation des médecins libéraux dans les zones sous-denses et sur-denses (article 12 quater A).
À l’article 19, la commission a adopté un amendement confiant au Défenseur des droits, plutôt qu’aux ordres professionnels médicaux, la mission d’évaluer les pratiques de refus de soins.
S’agissant du service public hospitalier (article 26), sa version remaniée revient à en faire le signe distinctif des établissements ne pratiquant pas les dépassements d’honoraires, en dehors des exceptions prévues pour les établissements publics. La commission a adopté un amendement visant à maintenir, pour les établissements privés commerciaux, la possibilité qui leur a été reconnue par la loi HPST d’exercer des missions de service public.
La commission a également modifié l’article 27, relatif aux groupements hospitaliers de territoire (GHT), afin de faire reposer leur constitution sur un projet médical partagé, et non sur une décision de l’ARS, et de renforcer la place des élus en les incluant dans leur comité stratégique.
La commission a également adopté plusieurs amendements de la commission des lois, saisie pour avis, précisant les dispositions relatives à l’action de groupe en santé (article 45) et à l’accès aux données de santé (article 47).
La commission a enfin adopté un amendement visant à revenir à l’intitulé initial du projet de loi, relatif à la santé, plus conforme à la réalité d’un texte comportant des dispositions de nature et d’importance si diverses.
Ce projet de loi sera examiné en séance publique en session extraordinaire, à partir du 14 septembre 2015.
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