Pratiquée de façon courante dans les pays anglo-saxons, en particulier au Canada, où elle est considérée comme un moyen de contraception « de routine », la vasectomie n’est autorisée en France que depuis 2001. Elle peut pourtant rendre de réels services aux couples qui ne souhaitent plus avoir d’enfants.
D’après un entretien avec le Dr Vincent Hupertan, urologue, andrologue, sexologue, membre du Comité d’andrologie et de médecine sexuelle de l’AFU.
Et si l’homme prenait sa part de responsabilité dans la contraception ? C’est ce crédo qui semble animer les Canadiens. Dans ce pays, il est extrêmement fréquent qu’un homme souhaite délivrer sa compagne du poids de la régulation des naissances et s’adresse à son médecin pour une vasectomie. Cette intervention consiste à réséquer les canaux déférents qui conduisent les spermatozoïdes depuis les testicules jusqu’à la prostate ; elle rend le patient stérile et permet à sa partenaire d’arrêter le moyen de contraception qu’elle prenait jusqu’à lors.
Une décision de couple
L’opération est rarement demandée par des hommes célibataires. Elle est le plus souvent le fruit de la décision d’un couple stable, qui après avoir eu le nombre d’enfants désirés, s’interroge sur les risques et les contraintes inhérents à la contraception féminine : prise quotidienne d’une pilule, saignements induits par le stérilet, impact des méthodes oestroprogestatives sur la santé cardiovasculaire… Il arrive également qu’un certain nombre de femmes aux alentours de la quarantaine ne supportent plus bien leur contraception. Sans oublier celles qui, hyperfertiles, ont déjà eu recours à l’IVG malgré une contraception bien suivie. Pour tous ces couples, la vasectomie représente une solution simple, rapide et efficace. Pourtant, elle demeure très rarement pratiquée en France.
Que dit la loi ?
En vertu du caractère définitif de cette méthode de stérilisation, la loi française impose un entretien préalable ainsi que la remise d’un dossier écrit au patient. Au terme d’un délai de réflexion de 4 mois, une seconde consultation permet au patient de donner son consentement écrit [1]. Cette procédure vise à mesurer la détermination du patient ainsi que sa compréhension de l’intervention et de ses conséquences.
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000222631&categorieLien=id
Angoisse de castration
L’histoire de la vasectomie en France est complexe. Jusqu’en 2001, l’intervention était interdite au motif que cette opération représentait une atteinte à l’intégrité physique du patient. Quelques interventions étaient néanmoins réalisées par certains médecins, mais l’opération était parée d’un autre nom, par exemple « cure d’hydrocèle »… L’intervention est aujourd’hui autorisée (loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001) mais son niveau de remboursement, extrêmement bas (entre 56,89 et 59,77 euros selon la technique), reste un frein majeur tant pour le patient que pour le praticien. Une étude conduite au sein du CHU de Rouen démontrait ainsi que réalisée au tarif sécurité sociale, chaque opération engendrait un déficit de l’ordre de 136,13 euros [2] par patient. Les praticiens privés qui proposent une vasectomie sont donc contraints de demander un dépassement d’honoraires.
Autre frein – psychologique celui-là – l’angoisse de castration. Dans l’imaginaire populaire, infertilité et impuissance ont partie liée, et pour beaucoup d’hommes de culture latine, perdre sa capacité de reproduction, revient à ne plus être tout à fait un homme. « J’accorde beaucoup d’importance aux entretiens obligatoires, note le Dr Hupertan. La première fois, je m’assure que le patient a bien compris la nature de l’opération. Je l’invite à revenir avec sa compagne la seconde fois car il est important d’avoir le point de vue des deux partenaires. »
En chiffres
– 3 : les spermatozoïdes représentent 3% seulement du volume de l’éjaculat. L’éjaculation du patient n’est donc pas modifiée par l’opération.
– 33 : la première « Vasectomie sans scalpel » a été réalisée il y a 33 ans par le Dr Mark Goldstein, du New York presbytarian Hospital, Cornell medical center. Le Dr Goldstein s’inspirait d’une méthode développée en Chine par le Dr Li Shunqiang.
Dix minutes pour des années de sérénité
Il existe deux méthodes pour réséquer les canaux déférents. La technique traditionnelle consiste à réaliser deux incisions d’un à deux centimètres au niveau du scrotum. Il faut ensuite chercher les canaux déférents – deux petits « tuyaux » de 2 mm de diamètre – dans le cordon qui contient les veines et artères.
Cette méthode est aujourd’hui avantageusement remplacée par une approche percutanée, la No scalpel vasectomy (vasectomie sans bistouri). La No scalpel vasectomy peut se réaliser sous simple anesthésie locale. Le praticien palpe le scrotum du patient afin de repérer les canaux déférents et les approcher de la peau (phase d' »extériorisation »). Avec une pince pointue adaptée, il fait une mini-incision à la base du pénis, au niveau du raphé médian, puis récupère chaque canal et le sectionne. « On coupe le canal en deux endroits différents », explique le Dr Vincent Hupertan, « puis on retire un petit morceau de quelques millimètres de long ». L’objectif : éviter le risque (très peu probable) d’une cicatrisation du canal et d’une reperméabilisation qui rendrait au patient sa fertilité. L’intervention dure dix à vingt minutes. Le patient peut ensuite repartir chez lui ou au travail.
« Si la personne est un peu sensible et souhaite une sédation, il est possible de réaliser l’intervention sous anesthésie générale, mais la majorité des patients préfère l’intervention sous anesthésie locale. »
L’opération n’entraîne, en général, ni douleur, ni saignement, ni hématome. Les soins post opératoires se résument à la prise de doliprane si nécessaire. Seules précautions : éviter la moto, les efforts violents ou la piscine pendant quelques jours. Les statistiques canadiennes rapportent des douleurs testiculaires chroniques chez une petit pourcentage de patients. Mais en prenant la précaution de ne ligaturer le canal déférent que d’un côté et de le laisser libre du côté excréteur (côté testiculaire), on évite cette complication. Il n’y a aucun impact négatif sur la sexualité (érection, éjaculation…). Au contraire : libérés du risque d’une grossesse non désirée, les couples retrouvent souvent une vie intime plus épanouie.
Le mythe du bébé vasectomie
Peut-on faire un bébé malgré une vasectomie ? Oui dans les semaines qui suivent l’intervention. Des spermatozoïdes en cours de maturation peuvent être encore présents dans les voies génitales de l’homme. C’est pourquoi on demande aux couples de conserver une contraception pendant 3 mois. Après cette période, il n’y a plus de risque. Pour éviter que les deux morceaux du canal sectionné se raboutent, cicatrisent et que le canal se reperméabilise, le chirurgien enlève un fragment de 4 ou 5 mm, il électrocoagule les deux extrémités, et enfin, peut mettre un clip en titane sur une des orifices (côté prostate).
Et si on a des regrets ?
Reperméabiliser des canaux déférents qui ont été obturés chirurgicalement est une opération possible mais dont les résultats sont souvent décevants. Pratiquée dans les 3 années qui suivent la vasectomie, la « vasovasostomie » offre un taux de réussite acceptable (de l’ordre de 30 à 70 %). Au-delà, la probabilité pour l’homme de féconder naturellement sa compagne chute drastiquement. Mais il reste des possibilités de concevoir, en prélevant des spermatozoïdes dans l’épididyme et en réalisant une fécondation in vitro (ICSI). Autre solution, mettre en réserve des paillettes dans un centre de conservation du sperme (CECOS) pour le cas où l’homme changerait d’avis et souhaiterait à nouveau devenir père.
[1] http://www.urofrance.org/sites/default/files/vasectomie_1.pdf