Santé Publique France publie le BEH n°18-19 « Santé et environnement : données de biosurveillance et études d’imprégnation ». Les articles qui composent le BEH sont les suivants :
Editorial :
La biosurveillance : un outil essentiel en santé publique, Daniel Bolduc, Institut national de santé publique du Québec
Articles :
Etude d’imprégnation combinée à une approche participative pour la gestion d’une situation de sols pollués dans le Gard (2015-2017), Amandine Cochet et coll., Santé publique France
Des niveaux de pollution très élevés en plomb, arsenic et cadmium ont été mesurés dans les sols au niveau d’anciens sites miniers dans le Gard.
Afin de comprendre les sources et modes d’exposition des populations riveraines, une étude de biosurveillance a été menée en population générale, en collectant des données via des prélèvements biologiques (sang pour le plomb et urines pour l’arsenic et le cadmium), un questionnaire sur les habitudes alimentaires et les modes de vie ainsi que des prélèvements environnementaux dans les sols des jardins et poussières des logements des participants. L’inclusion s’est faite sur la base du volontariat et les facteurs de risque liés aux imprégnations au plomb, à l’arsenic et au cadmium ont été quantifiés à partir d’un modèle linéaire généralisé.
Un comité d’appui externe comprenant des experts en expologie, biostatistiques, alimentation, épidémiologie, anthropologie et toxicologie a traduit les résultats de l’étude en mesures opérationnelles appropriées. Le comité a impliqué la population, en consultant divers intervenants, pour adapter les propositions au contexte local.
Exposition aux polluants du quotidien de la population française en 2014-2016 d’après l’étude Esteban, Clémence Fillol et coll., Santé publique France
Le volet de biosurveillance de l’étude Esteban a pour objectif d’estimer l’imprégnation de la population française âgée de 6 à 74 ans à plusieurs substances de l’environnement présentant un intérêt en termes de santé publique. Les premiers résultats de ce volet concernent six familles de polluants retrouvés dans les objets du quotidien : bisphénols A, S et F, phtalates, perfluorés, retardateurs de flamme bromés, éthers de glycol et parabènes. Ces résultats ont montré des expositions généralisées et des niveaux d’imprégnation généralement plus élevés chez les enfants de 6 à 17 ans. Les déterminants des niveaux d’imprégnation des six familles de polluants retrouvés dans cette étude sont cohérents avec ceux de la littérature. Les résultats montrent notamment que l’alimentation n’apparaît pas comme l’unique source d’exposition à ces substances ; l’utilisation de produits cosmétiques et de soins augmente les niveaux d’imprégnation des parabènes et des éthers de glycol et la fréquence d’aération du logement diminue les niveaux d’imprégnation des perfluorés et des retardateurs de flamme bromés. La répétition de ces études est nécessaire pour suivre dans le temps les évolutions des expositions de la population et contribuer à estimer l’impact des politiques publiques visant à réduire les expositions.
Par la suite, l’étude Esteban permettra de suivre les tendances temporelles pour les biomarqueurs déjà analysés dans l’Étude nationale nutrition santé (ENNS) comme les métaux et certains pesticides. Esteban permettra également d’établir de nouvelles valeurs de référence d’exposition en population générale pour l’ensemble des polluants mesurés.
Chlordécone aux Antilles : de la caractérisation de la contamination alimentaire à l’imprégnation des individus. Résultats de l’étude Kannari 2013-2014, Clémentine Dereumeaux et coll., Santé publique France
La chlordécone est un pesticide utilisé entre 1973 et 1993 en Martinique et en Guadeloupe contre le charançon du bananier. Son usage a entraîné une pollution persistante des sols, des eaux de rivières, des sédiments et une contamination de la chaîne alimentaire qui maintiennent un risque d’exposition de la population, notamment via l’alimentation. Considérée comme neurotoxique, reprotoxique, perturbateur endocrinien et probablement cancérogène, la chlordécone est le sujet de préoccupations locales et nationales importantes.
C’est pourquoi, l’étude Kannari a été mise en place en 2013-2014 afin notamment d’actualiser les connaissances sur l’exposition alimentaire à la chlordécone (volet « exposition ») et de décrire les niveaux d’imprégnation de la population générale (volet « imprégnation ») en vue d’améliorer les recommandations visant à réduire les expositions alimentaires.
Au total 1 725 adultes de 16 ans et plus (849 en Guadeloupe et 876 en Martinique) et 483 enfants de 3 à 15 ans (257 en Guadeloupe et 226 en Martinique) ont participé au volet « exposition » de l’étude Kannari. Parmi eux, 742 participants de 18 ans et plus ont été inclus dans le volet « imprégnation » de l’étude (292 en Guadeloupe et 450 en Martinique).
Les résultats de l’étude Kannari montrent que l’exposition à la chlordécone est persistante et généralisée au sein de la population antillaise. Toutefois, l’exposition est contrastée au sein de la population, certains sous-groupes étant particulièrement exposés. L’exposition à la chlordécone est principalement associée à la consommation de poissons frais, d’oeufs et de volailles, en particulier lorsqu’ils proviennent de circuits informels en zones contaminées par la chlordécone. Ces résultats confirment l’importance d’identifier les sous-groupes de population les plus exposés afin d’apporter les mesures de gestion adaptées.
Biosurveillance humaine des expositions professionnelles et environnementales : convergences, différences et limites, Nadine Fréry et Mounia El Yamani, Santé publique France
La population est exposée à une multitude de substances chimiques via l’air, l’eau, les sols, les aliments, les produits de consommation ou lors d’activités professionnelles. La biosurveillance humaine des expositions (BS) permet de mesurer la concentration de ces substances dans l’organisme en utilisant différentes matrices (sang, urine, cheveux, air expiré, etc.). Elle fournit des informations utiles sur l’exposition issue de l’environnement général ou professionnel. Cette pratique, qui s’est imposée au cours des vingt dernières années en France comme une des méthodes participant à la connaissance et à la prévention des risques chimiques, présente des similarités et des différences d’approche en population générale ou chez les travailleurs ; elle comporte également des limites. Ainsi, quelle que soit la population concernée, la BS permet d’intégrer toutes les voies d’absorption et sources d’exposition. D’autres similarités peuvent être soulignées comme un choix de biomarqueur basé sur le métabolisme et la toxicocinétique, une rigueur dans les étapes de prélèvements, d’échantillonnage, de conservation, de transport ou un choix pertinent du laboratoire d’analyse.
Néanmoins, plusieurs différences entre BS environnementale et professionnelle existent. Cela concerne le cadre réglementaire, les acteurs impliqués dans l’activité, les moments de prélèvement, les référentiels utilisés pour l’interprétation des résultats et la manière de restituer ceux-ci. Des limites propres à la BS peuvent être notées, quelle que soit la population d’intérêt : absence de biomarqueurs pour l’ensemble des substances chimiques, difficulté de relier le résultat d’un dosage à un effet sanitaire, etc. Au final, ces deux approches de biosurveillance contribuent à une meilleure connaissance des risques chimiques de la population.
Enjeux métrologiques associés aux données de surveillance, Kahina Slimani et coll, EHESP, Irset
La biosurveillance humaine a pour objectif d’évaluer l’exposition de la population aux substances chimiques organiques et inorganiques afin d’élaborer des valeurs de référence, de comparer les niveaux d’exposition de sous-populations, de mettre en évidence des tendances temporelles ou géographiques, ou encore d’évaluer l’impact de mesures de gestion. Pour cela, la mesure de ces marqueurs biologiques d’exposition (i.e. biomarqueurs) doit reposer sur des méthodologies harmonisées afin de minimiser les biais analytiques et de pouvoir comparer les résultats. Cela nécessite en particulier de déterminer la forme chimique sous laquelle le biomarqueur doit être analysé (composé parent ou métabolites) et de recourir à la méthode analytique la plus appropriée au biomarqueur sélectionné. Les résultats devront être normalisés pour minimiser les variations physiologiques intra et interindividuelles et ainsi permettre une meilleure interprétation et comparabilité. Dans cet article, nous abordons et discutons les questions relatives aux enjeux analytiques évoqués ci-dessus.
Dans un premier temps, nous discutons comment la prise en compte de la toxicocinétique des substances considérées peut permettre de sélectionner, en fonction de la matrice biologique considérée, le biomarqueur (composé parent ou métabolites) le plus pertinent à analyser au regard des critères de fréquence de détection, concentration et spécificité, ou encore des profils d’excrétion urinaire cycliques.
Nous abordons ensuite la question de la méthode analytique et discutons comment différents paramètres tels que la conservation de l’échantillon, le choix d’une méthode de déconjugaison, la préparation d’échantillon ou encore la filière analytique peuvent influencer les résultats d’analyse.
Enfin nous discutons comment la prise en compte de paramètres physiologiques propres aux individus de la population d’étude, pour des matrices biologiques telles que le sang, l’urine et le cheveu, peut affecter de manière significative le calcul de la concentration du xénobiotique considéré.
Implication de Santé publique France au sein du projet HBM4EU pour développer une biosurveillance environnementale et professionnelle européenne, Loïc Rambaud et coll., Santé publique France
La biosurveillance permet de caractériser l’exposition des populations à de multiples substances chimiques et de produire des données utiles à l’évaluation des risques et impacts sanitaires. C’est un outil essentiel pour les décideurs afin de définir et d’orienter les politiques publiques en matière de réglementation des usages des substances chimiques, que ce soit dans l’environnement général ou professionnel. À cet effet, la Commission européenne a initié le programme de recherche HBM4EU sur la période 2017-2021. L’un des objectifs est de développer la biosurveillance en Europe et d’harmoniser les pratiques existantes afin de rendre totalement opérationnel cet outil à l’échelle du continent. En tant que pilote du programme national de biosurveillance, Santé publique France est fortement impliquée dans HBM4EU. L’agence contribue à l’élaboration de méthodes communes et bénéficie des multiples expériences européennes. La mutualisation des efforts en matière de biosurveillance vise à produire des résultats pour la recherche scientifique et la santé publique, ainsi qu’à élaborer une réglementation protectrice des populations face aux substances chimiques.
Identification de contaminants chimiques d’intérêt prioritaire en santé environnementale sur la base de mesures d’imprégnation québécoises, Michelle Gagné, Institut national de santé publique du Québec
L’exposition des populations aux substances chimiques présentes dans l’environnement préoccupe les acteurs de santé publique. Dans un contexte de ressources humaines et financières limitées, il est nécessaire d’identifier les contaminants qui devraient faire prioritairement l’objet d’interventions visant à réduire l’exposition de la population. L’identification de contaminants d’intérêt prioritaire proposée ici se fonde sur l’interprétation des données de biosurveillance québécoises récentes provenant de l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé.
Les données de biosurveillance de la population québécoise ont d’abord été interprétées sur la base du risque, à l’aide d’équivalents de biosurveillance qui font le lien théorique entre l’exposition et les effets sur la santé. Cette approche a permis de déterminer le niveau de priorité d’une dizaine de composés organiques et inorganiques, parmi lesquels sept ont été jugés de niveau moyen ou élevé : acrylamide, arsenic, cadmium, phtalate de bis (2-éthylhexyle), fluorure, molybdène et sélénium. La détermination de priorités a ensuite été complétée par une approche comparative des données d’imprégnation québécoises par rapport aux mesures de biosurveillance canadiennes. Cette approche a entraîné l’ajout du plomb à la liste de contaminants d’intérêt prioritaire, seule substance parmi les 50 ayant fait l’objet de comparaisons pour laquelle l’imprégnation des Québécois est supérieure à celles des Canadiens.
Au total, l’approche de priorisation suivie dans le présent travail a permis d’identifier 8 composés comme étant d’intérêt. Cette liste peut contribuer à orienter les actions de santé publique afin de réduire l’exposition de la population aux contaminants environnementaux.
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