L’antibiorésistance est considérée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme l’un des dix plus sérieux risques de santé publique pour l’humanité, avec une possibilité de paralysie des systèmes de santé et de menace grave pour les progrès de la médecine qui ont été réalisés au cours du XXe siècle. C’est pourquoi l’antibiorésistance appelle une action urgente, volontariste et structurée des pouvoirs publics nationaux et internationaux afin de ne pas obérer gravement l’avenir.
En 2016, était adoptée une feuille de route française de maîtrise de l’antibiorésistance, en lien avec la stratégie OMS et dans le prolongement de plans antérieurs d’alerte sur les antibiotiques en santé humaine et animale (Ecoantibio). La mission de l’Igas devait évaluer la mise en œuvre de cette feuille de route et apprécier sa cohérence avec d’autres actions et plans nationaux, européens ou internationaux, mais aussi avec le contrat de filière des industries de santé.
Elle devait ensuite formuler des recommandations pour une nouvelle stratégie décennale, en veillant à garantir l’approche globale « Une seule santé », liant santé humaine et santé animale, condition du succès de la lutte contre l’antibiorésistance.
Que montre le rapport ?
Le bilan global de la feuille de route apparaît honorable dans un contexte de crise sanitaire inédit.Cinq ans après son lancement, la mise en œuvre demeure au milieu du gué, avec un impact contrasté entre secteurs. Alors que des avancées marquées sont constatées en santé animale, les résultats sont plus mitigés en santé humaine et le bilan se révèle nettement plus modeste dans le champ environnemental, faute de connaissances suffisantes et de portage spécifique.
La mission préconise dès lors de renforcer le caractère interministériel de la gouvernance de la feuille de route et les moyens humains et budgétaires qui leur sont dédiés. Il s’agit, en particulier, de dépasser des approches ministérielles insuffisamment synergiques et d’impulser des actions réellement intersectorielles. A titre d’exemple, il est préconisé de renforcer les logiques de surveillance, les formations professionnelles conjointes ou encore de déployer une campagne de communication pour tous les publics, mettant en lumière l’imbrication des impacts sanitaires, agricoles, environnementaux et économiques de l’antibiorésistance.
Que recommande le rapport ?
Dans le domaine de la santé humaine :
– Conforter l’arsenal thérapeutique par une stratégie d’accélération nationale qui doit s’inscrire dans le Plan Innovation santé 2030, en pleine cohérence avec les plans d’actions européens ;
– Poursuivre et intensifier les actions visant à réduire la consommation d’antibiotiques chez l’homme : d’une part, en formant les prescripteurs (médecins, mais aussi chirurgiens-dentistes) à prescrire moins et mieux, d’autre part, en promouvant la prévention des infections, démarche engagée par la nouvelle stratégie nationale 2022-2025 de prévention des infections et de l’antibiorésistance.
Dans le champ de la santé animale :
– Apporter une attention accrue au secteur agro-alimentaire et aux risques spécifiques dans le monde végétal ;
– Evaluer les alternatives thérapeutiques afin de poursuivre les acquis et amplifier les politiques de bio-sécurité et prévention.
Enfin, le rapport propose d’améliorer la recherche et la surveillance en environnement.
Auteurs : Karine GUILLAUME (CGAAER), Yvan AUJOLLET (CGEDD),
Aude DE AMORIM (IGAE), Anne BURSTIN, Dr Julien EMMANUELLI (IGAS), Bertrand PAJOT (IGÉSR), Pierre DEPROST (IGF)