Après un échec aussi retentissant que celui de la négociation conventionnelle des médecins, il est important d’analyser les causes de cet échec afin de ne pas reproduire une situation identique avant une éventuelle nouvelle négociation.
À la fin de l’été, tous les feux étaient au vert, le ministre de la Santé et le directeur de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) multipliaient les déclarations comme quoi leur priorité était de tout mettre en œuvre pour permettre aux médecins libéraux d’améliorer l’accès aux soins et tout particulièrement la prise en charge des patients atteints de pathologies chroniques ; les syndicats médicaux assuraient que si l’on donnait les moyens nécessaires aux médecins, ces derniers s’organiseraient collectivement sur leurs territoires pour une prise en charge des soins non programmés et pour que chaque patient en affection de longue durée sans médecin traitant en trouve un avant la fin de l’année 2023 ; et cela, en maintenant une qualité des soins.
Que s’est-il donc passé pour qu’après des mois de tergiversations, le directeur de la CNAM propose, six jours avant une éventuelle signature de cette convention, un texte qui, non seulement ne permettait pas d’améliorer l’accès aux soins, mais allait même l’aggraver ? Un des signes annonciateurs de cette déconvenue était la pression mise depuis l’automne par nos interlocuteurs de l’Élysée, de Matignon, de l’Avenue de Ségur et de la Porte de Montreuil, comme quoi il faudrait absolument signer cette convention dont on ne connaissait même pas le contenu car sinon des lois portées par des parlementaires, Rist, Mesnier et Garot, allaient être très contraignantes pour les médecins libéraux et que ces parlementaires étaient incontrôlables. Il nous faudrait donc choisir entre la peste et le choléra !
Une autre petite musique portée par ces mêmes interlocuteurs depuis l’automne était que les jeunes médecins libéraux ne travaillaient pas assez et cette convention médicale devait les remettre au travail.
L’État, plus enclin à se porter au chevet de l’hôpital malade qu’à celui des médecins libéraux, eux aussi mal en point, a fait de la prise en charge des soins non programmés, des pathologies aiguës et souvent bénignes, une priorité nationale. Le suivi des patients atteints de pathologies chroniques n’étant plus une priorité puisque les mesures incitatives ne s’appliqueraient qu’au 1er janvier 2025. L’objectif en termes d’accès aux soins se limitait alors à sauver les services des urgences des hôpitaux de plus en plus fréquemment fermés en créant un service d’accès aux soins par département, nouvelle mission à la charge des médecins généralistes libéraux.
Enfin, en permettant aux médecins de réaliser plus de 50 % de leur activité en téléconsultation et démontrant ainsi que la qualité des soins n’était plus une priorité, le gouvernement et l’Assurance maladie ont montré leur appétence pour la financiarisation de notre système de santé en déroulant le tapis rouge aux plateformes de téléconsultations qui recherchent de la rentabilité en lieu et place de la qualité.
Au total, le gouvernement avait donc, loin de ses objectifs de départ, décidé d’imposer une convention qui ne proposerait qu’un pourboire méprisant et injurieux de 1,50 € de revalorisation par consultation pour les 40 % de médecins généralistes qui ne pouvaient pas remplir les conditions du contrat d’engagement individuel, ainsi qu’une insuffisante prise en compte des consultations complexes liées aux pathologies chroniques.
Aucun syndicat ne pouvait signer un tel texte qui allait dégrader l’accès aux soins et les conditions d’exercice d’un grand nombre de médecins libéraux.
Avec le recul de quelques mois, il apparaît que cet échec des négociations conventionnelles était voulu dès le mois de septembre par le gouvernement et l’Assurance maladie. Au-delà des économies réalisées, cet échec permettait de jeter à la vindicte populaire les médecins libéraux justifiant ainsi les lois coercitives Rist, Valletoux, Garot…
Ainsi stigmatisés, maltraités et humiliés, les médecins traitants libéraux passent progressivement en mode décrochage : les remplaçants ne veulent pas s’installer, le mode salarial est préféré au mode libéral, les centres de soins non programmés et l’activité de régulation médicale sont convoités et deviennent de nouvelles niches pour éviter d’être médecin traitant, les médecins abandonnent leur projet de cumul emploi-retraite, les internes en médecine générale font valoir leur droit au remord pour changer de spécialité médicale.
Face à un système de santé gravement malade, le gouvernement a décidé de mettre l’hôpital en soins palliatifs et de laisser agoniser sans soins les médecins traitants.
Le gouvernement et l’Assurance maladie sont coupables de non-assistance à système de santé et médecins traitants en danger, mais ils ne sont pas inquiets, car ils bénéficieront de la même impunité qui protège depuis trente ans les hommes politiques qui ont aggravé l’accès aux soins de nombreux Français.