En France, la mortalité infantile a progressé au cours de la dernière décennie alors qu’elle a reculé dans tous les pays européens.
Une publication en 2022 dans la revue de référence The Lancet avait lancé l’alerte. Aujourd’hui, le constat est conforté par l’INSEE dans sa publication le 14 juin des statistiques de mortalité infantile pour la période 2019-2021.
Le taux en France est depuis 2015 supérieur à celui de la moyenne de l’Union Européenne. Avec un taux actuel de 3,7‰ (ou 3,8‰) contre 3,3‰ en moyenne dans l’UE, la France qui avait l’un des taux les plus bas en Europe à la fin du XXe siècle est maintenant 19ème sur 27, loin des pays comme la Suède (2,1‰), la Finlande (1,8‰) ou l’Estonie (1,6‰).
Toutes les régions de France affichent un taux supérieur à celui de la Suède, l’Ile-de-France ayant le taux le plus élevé (4‰) (90% plus élevé que celui de la Suède). Ce taux élevé est dû principalement à la Seine-Saint-Denis (5,4‰), au Val-de-Marne (4,5‰) et au Val d’Oise (4,5‰).
Seuls 3 départements ont un taux inférieur ou égal à celui de la Suède : Tarn (2,1‰), Hautes Alpes (1,9‰) Aude (1,4‰). En métropole outre celui de la Seine-Saint-Denis, les taux les plus élevés sont ceux de l’Indre et Loire (5,2‰) du Jura (5,2‰) et du Lot (5,1‰). En moyenne, il est de 7,7‰ dans les DOM, contre 3,5‰ en France métropolitaine, signe d’une grave inégalité avec la métropole.
La comparaison avec les données de l’INSEE pour la période 2014-2016 met en évidence des évolutions très contrastées au niveau des départements. Le département le plus touché la Seine-Saint-Denis a vu ainsi son taux progresser de 4,4‰ à 5,4‰ en 5 ans, soit une progression de près de 5% par an. La progression des 3 autres départements les plus touchés en métropole est encore plus spectaculaire : Indre et Loire (+43%), Jura (+60%) et Lot (+54%) alors qu’en comparaison les taux dans les DOM sont restés stables sur cette période.
Ces taux sont calculés sur une période de 3 ans, ce qui limite l’impact toujours possible des conditions de recueil des données d’une année sur l’autre. Des évolutions aussi rapides et des inégalités aussi flagrantes devraient susciter des études pour en comprendre les raisons.
Le récent rapport de Santé Publique France en convient : « Ce rapport fait le constat de grandes inégalités territoriales. Il décrit également une évolution préoccupante de certains indicateurs qu’il convient de mieux comprendre afin d’inverser la tendance dans les prochaines années ».
En France, la prématurité a progressé de façon significative au cours des 3 dernières décennies.
En France, elle était de 5,4% en 1995, elle est de 7% en 2021 après un passage à 7,2% en 2016, soit un rythme de progression moyen de 1,1% par an.
Le phénomène n’est pas spécifique à la France. La conférence de Johannesburg organisée en mai dernier par l’OMS, l’UNICEF et le PNMCH a qualifié d’ « Urgence silencieuse » la prématurité devenue « 1ère cause mondiale de mortalité infantile ». La conclusion de la conférence est claire : « Il est urgent d’agir pour améliorer la prévention des naissances prématurées ».
Il est possible de réduire de façon importante la prématurité en diminuant l’exposition aux perturbateurs endocriniens.
Les facteurs de risque environnementaux et comportementaux classiquement considérés sont tabac et obésité. Les perturbateurs endocriniens doivent aujourd’hui être pris en considération.
La preuve scientifique la plus marquante provient de l’étude américaine, publiée dans la revue de référence de pédiatrie, synthèse de 16 études menées dans le cadre du programme fédéral de référence NHANES. Celle-ci montre que la diminution de la contamination des femmes enceintes aux seuls phtalates peut engendrer des gains très importants : 50% en moins, c’est 1 cas sur 8 en moins ; 90% en moins c’est 1 cas sur 3.
Les phtalates sont des substances éliminées quotidiennement et il est possible de réduire l’exposition en agissant sur la relation aux plastiques, aux cosmétiques et à l’alimentation ultra-transformée. D’autres études ont montré l’impact d’autres perturbateurs endocriniens comme le bisphénol A ou les perfluorés.
Si on applique ces données au cas de la Seine-Saint-Denis où il y a eu sur la période 2019-2021 en moyenne 27 380 naissances par an. Avec un taux de prématurité évalué à 10,3%, déduit du taux de mortalité de 5,4‰, la prématurité concernerait 2820 cas. Si 1 cas sur 8 est évité, ce serait 338 cas de prématurité en moins et pour 1 cas sur 3 ce serait 987 cas de prématurité en moins. Le même calcul à l’échelle française donne sur 56 000 cas de prématurité correspondant au taux de 7,1%, respectivement 6720 et 19 600. Ce sont des gains significatifs très importants qui justifient une action publique d’envergure.
Diminuer l’exposition de la population aux Perturbateurs Endocriniens est l’objectif de la Stratégie Nationale Perturbateurs Endocriniens depuis sa création en 2014. Il est donc logique de viser en priorité à diminuer la contamination des femmes enceintes.
Le RES, Réseau Environnement Santé, demande que la lutte contre la Mortalité infantile et la Prématurité :
- soit considérée comme une grande cause nationale,
- fasse l’objet d’ une grande campagne de communication à l’occasion de la journée mondiale de la prématurité le 17 novembre 2023.
Contact : contact@reseau-environnement-sante.fr