Depuis 25 ans, les traitements médicaux des cancers ont été bouleversés. Des innovations majeures ont permis le développement de nouvelles approches : les thérapeutiques ciblées, l’immunothérapie (anticorps monoclonaux et inhibiteurs de points de jonction), et les médicaments de thérapie innovante (MTI) comprenant, notamment, les cellules lymphocytaires génétiquement transformées (Chimeric Antigen Receptor-T ou cellules CAR-T), la thérapie cellulaire avec les Tumor Infiltrating Lymphocytes (TILs) et les vaccins « anti-cancer ».
Ces traitements, parfois spécifiques de chaque patient, font appel à des technologies sophistiquées et onéreuses, encore réservées à des laboratoires spécialisés. Malgré cela, cette diversification thérapeutique est associée à une augmentation importante du nombre des nouveaux traitements des cancers mis sur le marché.
Qu’il s’agisse de traitements de tumeurs solides ou d’hémopathies malignes, ces thérapeutiques se révèlent d’une efficacité très supérieure aux chimiothérapies employées auparavant. Dans certains cas, leur efficacité permet de viser un taux de survie élevé, par exemple pour certains mélanomes métastasés ou pour la leucémie myéloïde chronique (1), voire de considérer certains cancers comme « maladie chronique » ; cela, au prix d’un allongement de la durée des prescriptions.
Dans d’autres cas, essentiellement pour des hémopathies malignes, un MTI (à base de cellules CAR-T) administré en une fois pendant quelques minutes, peut être suffisant pour traiter la maladie, le coût de la perfusion unitaire étant toutefois de l’ordre de 350 000 euros.
Cette efficacité thérapeutique accrue va de pair avec une augmentation des dépenses de médicaments en cancérologie, de 13 % par an en moyenne dans le monde entre 2017 et 2021 (2). Au sein de l’Union Européenne, la croissance de ces dépenses est liée à l’augmentation du nombre et des volumes de médicaments utilisés du fait de l’augmentation du nombre de patients traités et/ou de l’allongement de leur durée de vie sous traitement (2), ainsi qu’au prix très élevé de certaines thérapeutiques. L’exemple emblématique est celui des cellules CAR-T dont la prescription ne cesse de croître, principalement pour le traitement des lymphomes B (3).
Parallèlement à cette grande évolution thérapeutique, plusieurs entreprises ont recentré leurs activités sur le domaine devenu rentable de la cancérologie : le rythme est passé de cinq mises sur le marché par an jusqu’en 2012, à 21 par an depuis 2017. Enfin, la durée médiane d’accès au marché ne cesse de se raccourcir depuis 2017 : 60 % des traitements disponibles actuellement ont été mis sur le marché en 2020 et 2021, soit moins de 10 ans après le dépôt de brevet (2).
Ces recherches très spécialisées sont initiées au sein de jeunes entreprises, induisant un développement du médicament en deux phases : celle de l’innovation, réalisée au sein d’une « start-up » souvent issue de l’Université, puis celle de la production/commercialisation par un grand groupe pharmaceutique ayant acheté les brevets de jeunes entreprises, à un prix souvent élevé, voire la « start-up » elle-même.
Face à ce grand mouvement, heureux pour le traitement des malades, mais préoccupant pour l’égalité d’accès aux soins et du fait de tensions budgétaires importantes liées à l’accroissement des dépenses de santé, l’Académie nationale de médecine formule des recommandations (2) :
– Aux autorités sanitaires :
– Faire évoluer la conception des essais cliniques, afin de mieux évaluer l’amélioration du service médical rendu, , en particulier concernant les cancers rares ;
– Raccourcir fortement le délai d’obtention d’une autorisation pour débuter un essai clinique de phase 1 et, pour les MTI, n’exiger le dossier de Bonnes pratiques de fabrication (Good Manufacturing Practice – GMP) qu’au moment de la demande d’autorisation de mise sur le marché ;
– Limiter l’utilisation de la procédure d’approbation accélérée aux besoins cliniques non satisfaits ;
– Renforcer la coopération européenne en matière d’essais cliniques, d’analyse des causes du coût très élevé de certains traitements, de fixation des prix, et d’encouragement à l’implication du secteur académique, notamment dans la production des CAR-T Cells (4), y compris afin d’exercer une pression à la baisse sur le niveau des prix;
– Développer les évaluations médico-économiques fondées sur des études de cohortes en vie réelle ;
– S’assurer de l’accès aux traitements pour tous les patients, quel que soit leur lieu d’habitation.
– À l’industrie pharmaceutique :
– S’assurer de la rigueur des études post-AMM ou post-inscription, par exemple sur le suivi des effets secondaires, notamment auto-immuns.
– Aux prescripteurs :
– Exercer une extrême rigueur dans les prescriptions de ces traitements et dans le suivi des patients à court, moyen ou long terme ;
– Proposer aux patients de participer aux études de cohortes thérapeutiques.
Lire le communiqué sur le site de l’Académie
CONTACT PRESSE : Virginie Gustin – virginie.gustin@academie-medecine.fr