En matière d’accidents du travail, la prévention doit prévaloir la réparation. Pourtant, les actions de prévention ne représentent aujourd’hui que 2% du montant total du budget de la branche des accidents du travail et maladies professionnelles de l’assurance-maladie.
Dans les entreprises de plus de 150 salariés, l’incitation à une meilleure prévention passe par un niveau de cotisation fonction de la gravité et de la fréquence des accidents du travail et maladies professionnelles de l’entreprise. Dans les plus petites entreprises, le taux est forfaitaire et lié à la sinistralité de leur secteur. Pour inciter les petites entreprises à prévenir les risques professionnels, la Cnam peut leur allouer des aides financières.
Cet audit flash, mené dans le contexte d’une augmentation importante de moyens, permise par la création en 2023 d’un fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle, recommande la révision des dispositifs d’aide, aujourd’hui trop peu ciblées et insuffisamment évaluées.
Deux types d’aide aux logiques très différentes
Deux dispositifs visant à promouvoir la prévention des risques professionnels coexistent : d’une part, des contrats de prévention personnalisés conclus entre les entreprises de moins de 200 salariés et les Carsat et d’autre part, des subventions destinées aux très petites entreprises (TPE) de moins de 50 salariés et distribuées selon une logique de guichet. Entre 2019 et 2022, ces aides ont atteint un montant cumulé de 384 millions d’euros, dont les trois quarts concernent les subventions. Leurs mécanismes répondent à des objectifs distincts.
Les contrats de prévention ont pour objectif de mettre en œuvre un plan global de prévention des risques professionnels au niveau de l’entreprise. Ils doivent s’inscrire dans le cadre d’une convention nationale d’objectifs définie, au niveau de chaque secteur d’activité, par une instance paritaire. Leur développement dépend de la capacité d’action des fédérations professionnelles et des ressources humaines disponibles dans les Carsat. Leur mise en œuvre est systématiquement contrôlée sur place par les agents de l’assurance-maladie. La fréquence des accidents du travail dans ces entreprises signataires d’un contrat de prévention n’est pas significativement différente de celle constatée dans l’ensemble des entreprises.
Les subventions aux TPE, allouées sur demande dans la limite d’un budget annuel national, ont vocation à financer des équipements ou des actions de formation. Le nombre et l’objet de ces
aides, variables d’une année à l’autre, ainsi que leurs conditions d’attribution, définies tardivement, entraînent un taux élevé de rejet des demandes. Bien que leur effet sur la réduction des risques professionnels ne soit pas démontré, leur budget augmente régulièrement. En attendant un meilleur ciblage de ces aides vers les secteurs à forte sinistralité et la mise en place d’une méthode fiable pour évaluer leur efficacité, la Cour recommande de suspendre ces mesures et d’y substituer des campagnes de sensibilisation visant les petites entreprises des secteurs les plus touchés par les accidents du travail et les maladies professionnelles.
Un défaut de pilotage, une absence d’outils
Les effets des aides à la prévention des risques professionnels sont insuffisamment évalués. De plus, la répartition des aides entre les différents secteurs d’activité ne tient que très partiellement compte de leur sinistralité. En réalité, c’est davantage la capacité de mobilisation des acteurs, en particulier des entreprises et des fédérations professionnelles, qui influence l’attribution des subventions. Une évaluation des résultats des aides, à partir des données de la direction des risques professionnels de la Cnam, est essentielle pour décider du maintien, du retrait ou de la promotion de chaque dispositif. Elle permettrait d’ajuster les objectifs en fonction de la taille des entreprises ou des secteurs d’activité.
Les carences du contrôle interne
Longtemps laissés à l’initiative des caisses locales, les contrôles des conditions d’attribution des contrats de prévention et des subventions TPE étaient de qualité inégale. La Cnam a entrepris à une date récente une démarche de pilotage coordonné du contrôle interne et de la lutte contre la fraude. Les récentes modifications apportées aux conditions de versement des subventions, comme l’exigence de produire un relevé bancaire pour attester de la réalité des dépenses, méritent d’être complétées.
Ainsi l’obligation de faire apparaître, dans l’application informatique de gestion des contrats de prévention, le nom des fournisseurs ou prestataires, bénéficiaires in fine des aides financières, permettrait de mieux détecter tout monopole de fait ou autre anomalie. Enfin, il convient de rétablir l’obligation d’effectuer des visites de contrôle sur place, comme c’était le cas jusqu’en 2019.
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