Certaines interventions qui sont sans rapport direct avec la médecine peuvent avoir un impact médical inattendu, parfois sévère. C’est le cas de certaines interventions à visée esthétique à l’origine de complications médicales.
Le lissage des cheveux à l’aide d’agents chimiques est une technique de coiffure très répandue dans le monde et appelée procédure « brésilienne ». Elle permet d’obtenir un aspect lisse et brillant des cheveux qui peut durer plusieurs mois (1). À l’origine, le formaldéhyde était utilisé pour ce défrisage mais, classé cancérigène, il a été remplacé, dès 2013, par des dérivés de l’acide glycolique (employé dans des « peelings » du visage), notamment l’acide glyoxylique (2). Lors de ces procédures, l’exposition à l’acide glyoxylique peut se produire par inhalation ou par contact cutané et oculaire.
Aux États-Unis, en 1998, le « Cosmetic Ingredient Review » (3) a considéré ces agents comme « sûrs » pour une utilisation courte, une concentration ≤ 30 % et un pH final de formulation ≥ 3, sans toutefois justifier ces limites.
Des articles scientifiques récents ont alerté sur les risques pour la santé liés à l’utilisation cosmétique de cette molécule.
En 2023, des lésions d’insuffisance rénale aiguë régressive avec présence de cristaux d’oxalate de calcium dans les biopsies rénales ont été décrites chez 26 jeunes patientes, après une procédure de lissage des cheveux « à la brésilienne » (4), ce que confirme une observation récente rapportant le cas d’une femme de 26 ans, sans antécédent médical, qui a présenté trois épisodes consécutifs d’insuffisance rénale aiguë régressifs après un défrisage des cheveux (5).
Le produit contenait 10 % d’acide glyoxylique. L’insuffisance rénale aiguë était liée à la formation de cristaux d’acide oxalique au niveau des tubules rénaux, cristaux induits par l’acide absorbé par le cuir chevelu et la peau lors du lissage. Ce lien de causalité était confirmé par l’application sur la peau de souris d’un produit de lissage contenant 10 % d’acide glyoxylique, induisant en 24h des cristaux d’oxalate de calcium dans les urines. Aucun dépôt de ce type n’était observé chez les souris témoins chez lesquelles était appliquée une crème contrôle (5).
L’acide glycolique, métabolisé en acide glyoxylique (6), est aussi très utilisé pour les « peelings » du visage à des concentrations le plus souvent proches de 30 %. L’absorption de l’acide glycolique par la peau dépend du pH du produit, de sa concentration, de la durée d’exposition sur la peau et des propriétés lipophiles du produit. Une observation d’insuffisance rénale aiguë (7), chez un patient transplanté rénal depuis 4 ans, a été décrite après 5 « peelings » du visage à l’acide glycolique (à une concentration entre 40 et 70 %). La biopsie rénale a révélé la présence de cristaux d’oxalate.
L’utilisation de ces produits cosmétiques est en nette augmentation chez les femmes, mais aussi chez l’homme, et en particulier dans les populations aux cheveux frisés (8).
Souhaitant attirer l’attention sur un risque sanitaire qui pourrait être sous-estimé, car méconnu, l’Académie Nationale de Médecine :
– Recommande de diffuser des messages d’alerte et d’information auprès des professionnels de santé, des salons de coiffure et des commerces de produits cosmétiques à base de ces acides, afin de les sensibiliser à ces risques d’insuffisance rénale aiguë se manifestant dans les 24 à 48 h après les gestes techniques.
– Insiste sur l’importance d’informer les utilisateurs sur les risques en cas d’usage fréquent de ces produits lissants, et sur les signes de l’insuffisance rénale aiguë, notamment douleurs abdominales aiguës, nausées, vomissements d’apparition rapide.
– Souligne l’importance de ne pas réaliser de lissage des cheveux ou de « peeling » en cas de lésions du cuir chevelu ou de la peau du visage, ce qui augmente la pénétration de l’acide glyoxylique et de l’acide glycolique.
– Recommande, compte tenu des premières alertes publiées, de développer une cosmétovigilance permettant d’évaluer la fréquence du risque lié à l’usage de produits à base d’acides glyoxylique et glycolique, et d’établir un profil des patients les plus à risques.
Contact presse : Virginie Gustin – virginie.gustin@academie-medecine.fr