L’infection congénitale à cytomégalovirus (cCMV) est une infection fœtale dont les conséquences peuvent induire des séquelles graves pour le futur enfant. Son dépistage en cours de grossesse fait actuellement l’objet de nombreux débats. Les femmes les plus vulnérables sont celles qui n’ont encore jamais été infectées par le cytomégalovirus (CMV) (50 % de la population des femmes de 15 à 45 ans) et qui feront une primo-infection, notamment celles ayant déjà un enfant : le plus souvent âgé de moins de 3 ans, fréquentant une collectivité et au contact duquel 10 % de ces mères sont susceptibles de s’infecter pour la première fois juste avant ou au début de leur nouvelle grossesse.
Lorsqu’elles sont infectées pendant cette période, le taux de transmission de l’infection à l’embryon est de 30 %.
Environ quatre nouveau-nés sur 1 000 en France (soit environ 2 900 par an) sont donc infectés par le CMV pendant leur vie intra-utérine et, parmi eux, environ 18 % (environ 500 par an) développeront des séquelles à moyen et long terme : déficit de l’audition, troubles de l’équilibre, déficit moteur, retard mental, constituant la première cause de handicaps neurosensoriels congénitaux dans notre pays, en dehors des anomalies génétiques (1). Les surdités liées au CMV concernent 1/2 000 enfants dans la population ; 90 % d’entre eux présentent une atteinte vestibulaire et 50 % développent une aggravation de la surdité avec le temps (2). Ces atteintes, de degrés variables, conduisent potentiellement à des handicaps à vie, trop souvent lourds de conséquences pour la famille ; ils induisent des coûts non négligeables pour la société qui se doit de les prendre en charge.
Or, le dépistage sérologique maternel précoce permet de diagnostiquer une primo-infection à CMV péri-conceptionnelle chez des mères auparavant séronégatives. En cas de positivité, la recherche du CMV dans le liquide amniotique peut permettre de poser le diagnostic d’infection fœtale et d’instaurer rapidement un traitement antiviral de la mère pour réduire la charge virale fœtale et éviter l’atteinte des tissus fœtaux par le CMV. Sans ce dépistage maternel précoce, le diagnostic d’infection fœtale à CMV est posé tardivement durant la grossesse, sur la présence de signes échographiques évocateurs (microcéphalies, lésions cérébrales) ou de symptômes à la naissance, le retard du diagnostic ayant laissé place à la réplication du virus induisant des atteintes fœtales constituées.
Des données récentes démontrent l’efficacité d’un traitement précoce par VALACICLOVIR® à prévenir le risque d’infections fœtales et, en conséquence, à réduire le risque de formes graves handicapantes (3). Ce traitement réduit de 70 % le risque de transmission virale et bénéficie d’un excellent rapport bénéfice/risque pour la mère et le fœtus. Les résultats de cet essai thérapeutique randomisé, en double aveugle, contre placebo, ont conduit un groupe européen à se positionner en faveur du dépistage systématique du CMV en début de grossesse, en présentant un panel d’arguments et de recommandations (4). L’Italie a récemment mis en œuvre ces recommandations (5).
En France, un tel dépistage pourrait être organisé, puisque les techniques sérologiques commerciales, disponibles et utilisées en routine, sont standardisées, automatisées et accessibles sur l’ensemble du territoire. Les réseaux de biologistes et de gynéco-obstétriciens, et les centres de référence du CMV sont à même de s’organiser pour élargir et soutenir l’implantation du dépistage du CMV, déjà en partie en place dans certaines régions, notamment l’Ile de France.
Un avis récent (6) du Haut Conseil de la Santé Publique, écartant le dépistage précoce systématique de l’infection à CMV en début de grossesse, omet en particulier d’inclure, dans l’analyse des coûts induits pour la Société, la prise en charge à vie des enfants handicapés.
Selon la disposition légale (7) par laquelle « l’État peut mettre en place, après avis de la Haute Autorité de santé (HAS), un programme de dépistage de cytomégalovirus (CMV) de façon systématique chez la femme enceinte », le Ministère de la santé vient de solliciter la HAS pour qu’elle rende son avis.
Devant le constat d’infections congénitales graves à CMV, facilement évitables à l’aide d’un traitement antiviral efficace bien toléré par la mère et le fœtus, l’Académie nationale de médecine renouvelle la recommandation déjà exprimée en son sein (8), que :
- ce problème de santé publique soit pris en compte dans toutes ses dimensions, y compris éthiques et que, notamment, l’ensemble des coûts induits par des handicaps à vie, supportés par les familles et par la Société, soient inclus dans l’analyse du ratio bénéfice/risque du dépistage ;
- les moyens du dépistage du CMV soient mis en place, incluant le dépistage IgG et IgM anti-CMV dans le premier trimestre et le suivi des femmes séronégatives, sur la base d’un algorithme décisionnel, tel que recommandé par le Collège national des gynécologues et obstétriciens français ;
- des études de cohortes et de suivi de l’impact de la mesure soient développées, à partir notamment du système national des données de santé.
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