Dans un contexte d’augmentation des cas de dengue dans les Outre-mer, la Haute Autorité de santé (HAS) a été saisie par le ministère chargé de la santé afin d’émettre des recommandations d’utilisation du vaccin Qdenga pour la prévention de la dengue symptomatique. Aujourd’hui, la HAS recommande la mise en place de la vaccination dans les territoires français d’Amérique (Antilles et Guyane), ainsi qu’à Mayotte et à La Réunion. Elle préconise de vacciner dans ces territoires les enfants âgés de 6 à 16 ans présentant un antécédent d’infection par la dengue ainsi que les adultes de 17 à 60 ans présentant des comorbidités, avec ou sans antécédent.
La dengue est une maladie virale, transmise à l’être humain lors de piqûres de moustiques du genre Aedes. Asymptomatique dans 50 à 90 % des cas, elle se manifeste le plus souvent par une forte fièvre, des maux de tête, des nausées ou encore des douleurs articulaires et musculaires et une éruption cutanée. Dans moins de 5 % des cas symptomatique, la maladie évolue vers une forme sévère et peut conduire à mettre en jeu le pronostic vital.
La grossesse ou certaines pathologies peuvent aussi augmenter le risque de forme sévère : notamment l’immunodépression ou des maladies chroniques (drépanocytose, diabète, hypertension artérielle compliquée, insuffisance rénale, affections cardio-pulmonaires chroniques…). Il existe 4 sérotypes différents du virus de la dengue : DENV-1, 2, 3 et 4.
Lorsqu’un individu est infecté par l’un d’entre eux pour la première fois, il est généralement immunisé à vie contre ce sérotype, mais seulement de façon incomplète et temporaire contre les autres. Une infection ultérieure par un autre sérotype viral augmente alors le risque de complications et de forme sévère ; les anticorps (dits facilitants) ne neutralisent pas le virus, mais facilitent au contraire son entrée et sa réplication dans les cellules immunitaires.
Si le nombre de cas importés de dengue dans l’hexagone est en forte augmentation depuis le début de l’année 2024, le territoire n’est pas considéré aujourd’hui comme une zone de transmission élevée du virus. En revanche, dans les départements et régions d’outre-mer, plusieurs vagues épidémiques se succèdent ces dernières années. Le 14 novembre dernier, la Guadeloupe, dont la dernière épidémie venait de s’achever en juillet 2024, entrait d’ailleurs à nouveau en phase épidémique.
Ces vagues épidémiques, entrainent un fardeau important sur le système hospitalier et touchent des populations différentes selon les territoires. Aux Antilles et en Guyane, ce fardeau concerne à la fois les enfants et les adultes, alors qu’il touche principalement les adultes sur l’île de La Réunion et à Mayotte. De façon générale, les personnes adultes présentant des comorbidités sont particulièrement concernées par les formes graves ou les décès.
Le vaccin Qdenga, commercialisé par le laboratoire Takeda, a obtenu une autorisation de mise sur le marché européenne en décembre 2022, pour la prévention de la dengue chez les personnes âgées de 4 ans et plus. Le ministère chargé de la santé a saisi la HAS afin qu’elle se prononce sur l’utilisation de ce vaccin. Aujourd’hui, elle publie ses recommandations qui concernent les personnes résidant dans les départements et régions d’outre-mer (Antilles, Guyane, Mayotte, La Réunion).
Elle recommande la vaccination des enfants âgés de 6 à 16 ans ayant un antécédent d’infection par la dengue, ainsi que celle des adultes de 17 à 60 ans présentant des comorbidités, avec ou sans antécédent d’infection, devant le risque d’aggravation par la dengue de ces comorbidités. S’agissant des enfants drépanocytaires, âgés de 6 à 16 ans, sans antécédent de dengue, la vaccination peut être envisagée au cas par cas.
Un vaccin bien toléré
Les données disponibles chez les enfants et adolescents de 6 à 16 ans ayant été précédemment infectés par le virus montrent une efficacité du vaccin Qdenga dans la prévention de la dengue symptomatique et dans la prévention des hospitalisations pour les 4 sérotypes de la dengue. Cette efficacité s’étend de 51,8 % contre DENV-3 à 80,2 % contre DENV-2 sur la prévention de la dengue symptomatique. Elle est moindre toutefois chez les enfants âgés de 4 à 5 ans. Sur les hospitalisations, l’efficacité est de 98 % contre DENV-2 et 72 % contre DENV-1 et DENV-3.
En revanche, chez les personnes n’ayant jamais été infectées par la dengue (séronégatifs), le vaccin a montré une absence d’efficacité contre les sérotypes DENV-3 et 4 dans la prévention de la dengue symptomatique, ainsi que contre le sérotype DENV-3 dans la prévention des hospitalisations. De plus, du fait d’un faible nombre de cas liés au sérotype DENV-4, l’efficacité sur ce sérotype n’a pas pu être déterminée au cours de l’étude.
La HAS précise que l’efficacité du vaccin contre les dengues sévères n’a pas pu être démontrée, en raison d’un faible nombre de cas rapportés au cours de la période étudiée.
Les données disponibles issues d’études cliniques montrent une bonne tolérance du vaccin quel que soit le statut sérologique des sujets étudiés. Les données disponibles ne permettent cependant pas d’exclure, à ce jour, le risque de développer des formes sévères de la dengue chez les personnes séronégatives vaccinées qui seraient ultérieurement exposées aux sérotypes DENV-3 et DENV-4.
Une vaccination recommandée de 6 à 60 ans, sous conditions
À la lumière de ces données, la HAS recommande la mise en place de la vaccination contre la dengue par le vaccin Qdenga dans les territoires français d’Amérique (Antilles et Guyane), ainsi qu’à Mayotte et à La Réunion. Le schéma vaccinal recommandé consiste en deux doses de vaccin espacées de 3 mois. La nécessité d’une dose de rappel n’a pas encore été établie. La HAS recommande que ce schéma vaccinal soit réalisé entre deux épidémies. Après une infection par la dengue, elle préconise d’attendre 6 mois avant d’être vacciné. Elle propose un tableau récapitulatif des personnes concernées :
Une surveillance à maintenir pour certaines personnes
La HAS recommande une surveillance clinique étroite par les équipes soignantes des personnes drépanocytaires ayant bénéficié de la vaccination par Qdenga afin de permettre de recueillir des données de sécurité du vaccin dans cette population.
Elle rappelle par ailleurs que le vaccin Qdenga est contre-indiqué chez les sujets immunodéprimés, la femme enceinte et la femme allaitante.
De façon générale, des réactions allergiques n’étant pas à exclure dans de rares cas après administration du vaccin, la HAS souligne la nécessité de surveiller étroitement les patients vaccinés au moins pendant 15 minutes après l’injection.
Il est par ailleurs essentiel que les personnes vaccinées par Qdenga continuent à appliquer des mesures de protection individuelle à l’égard des piqûres de moustiques (répulsifs, vêtements longs, moustiquaires…) pour lutter efficacement contre le virus. La HAS suggère que des supports d’information adaptés à chaque groupe de population concerné (parents, adultes, professionnels de santé) par cette vaccination soient développés et mis à disposition des personnels concernés.
Ces recommandations pourront être actualisées en fonction de l’évolution des connaissances scientifiques et des indicateurs épidémiologiques.
Pour en savoir plus :
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