La recherche médicale et plus largement en santé demande encore aujourd’hui, en dépit des avancées des modèles in vitro et in silico, le recours à des animaux vivants. En France, l’utilisation des animaux dans le cadre de la recherche scientifique fait l’objet d’une autorisation ministérielle préalable à chaque projet de recherche. La directive Européenne 2010/63/EU, transposée dans le droit Français en 2013, a prévu le respect de la confidentialité des informations par les comités d’éthique. Il est considéré comme implicite au niveau du Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Jusqu’à récemment, les documents décrivant les projets et les conditions de leur mise en œuvre qui conduisent à cette autorisation n’avaient pas vocation à être rendus public, à l’exception d’un résumé non technique servant à renseigner la base de données européenne Alures. Cependant, s’appuyant sur des avis de la Commission d’accès aux documents administratifs, confirmés par plusieurs jugement de tribunaux administratifs, des associations de défense de la cause animale opposées à l’utilisation d’animaux à des fin scientifiques ont demandé la communication de dossiers de demande d’autorisation de projets utilisant des animaux utilisés à des fins scientifiques. .
L’Académie nationale de Médecine, l’Académie nationale de Pharmacie, l’Académie des Sciences, l’Académie Vétérinaire de France considèrent que la communication de l’intégralité des éléments contenus dans le dossier de demande nuirait gravement aux capacités de recherche et d’innovation de la France et conduirait à une perte de chance pour les patients sans pour autant améliorer le bien-être animal.
– Elle conduit à la mise dans le domaine public, donc à disposition des équipes concurrentes, des dossiers comportant des hypothèses de travail originales et des méthodologies innovantes des chercheurs avant même que le projet soit mis en œuvre.
– D’autre part, bien qu’en théorie les noms des chercheurs doivent être masqués par l’autorité compétente, la bibliographie exhaustive sur sujet exigée par la demande d’autorisation de projet est naturellement enrichie des articles des demandeurs de l’autorisation. Cela permet de remonter facilement au demandeur avec toutes les dérives que cela peut engendrer. La mise dans le domaine public des noms des personnes et des institutions impliquées dans les projets expose celles-ci au risque de pressions et d’actions violentes telles que celles qui se sont multipliées au cours des dernières années dans de nombreux pays.
– Enfin, en termes économiques, la mise dans le domaine public du contenu du projet, avant sa mise en œuvre et l’obtention de ses résultats permet non seulement à des équipes concurrentes de s’emparer de l’avance des équipes françaises mais également conduit à créer une antériorité dans le cadre d’une demande de brevet. Sachant que les données expérimentales chez l’animal sont indispensables pour déposer un brevet relatif à une innovation médicale et que ce dernier ne peut être accepté s’il y a une antériorité, cela rend, de facto, impossible l’obtention d’un brevet pour ce type de travaux.
– Considérant (1) l’importance de la recherche biomédicale dans l’amélioration du parcours de soins, (2) le recours encore nécessaire à un modèle animal avant la mise en œuvre d’une nouvelle thérapie chez l’homme et (3) le rôle économique pour la France de la filière biomédicale, considérant en outre que la loi prévoit explicitement que ne sont pas communicables les informations portant atteinte à la sécurité des personnes et aux secrets protégés par la loi et que la communication ne peut être faite que sous réserve des droits de propriété intellectuelle,
l’Académie nationale de Médecine, l’Académie nationale de Pharmacie, l’Académie des Sciences et l’Académie Vétérinaire de France demandent :
– L’occultation de toute information permettant d’identifier, directement ou indirectement, les personnes impliquées dans la conception et la réalisation du projet et ainsi que les coordonnées de l’établissement utilisateur dans lequel le projet sera mis en œuvre. Cette occultation s’impose à l’ensemble de la demande d’autorisation et notamment aux paragraphes bibliographiques.
– L’information préalable à la mise dans le domaine public du concepteur de la demande par le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche après occultation des informations sensibles.
– Un droit de regard du concepteur du projet conformément à la réglementation sur la propriété intellectuelle. Ce droit doit pouvoir être exercé avant la mise dans le domaine public de tout ou partie du document décrivant le projet. Il doit également pouvoir être exercé sur les occultations proposées par le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Dans tous les cas, le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche se doit d’obtenir l’autorisation écrite du ou des concepteurs avant divulgation de tout ou parties de la demande d’autorisation de projet.
CONTACT PRESSE : Virginie Gustin – virginie.gustin@academie-medecine.fr