Aujourd’hui 27 mars, AIDES dépose une opposition au brevet du Sovaldi, traitement contre l’hépatite C commercialisé à prix d’or par Gilead. Par cette démarche, AIDES entend dénoncer les dérives d’une politique des brevets qui menace directement notre système de santé et remet en cause un droit fondamental : l’accès universel aux traitements.
En 2014, l’industriel Gilead lançait un nouveau médicament contre l’hépatite C, le Solvadi. Très efficace, ce médicament apportait un espoir de guérison aux 80 millions de personnes vivant avec le VHC dans le monde, et ouvrait la perspective tant espérée d’une fin de l’épidémie.
Or le laboratoire fait payer au prix fort ce progrès thérapeutique : 84 000 euros la cure de trois mois aux Etats-Unis, 41 000 euros en France après négociations[1]. De tels prix ne se justifient ni par les coûts de recherche et développement, ni par l’étroitesse du marché : avec 230 000 personnes éligibles au traitement en France, l’hépatite C n’est pas à proprement parler une « maladie orpheline». En réalité, ces prix exorbitants ne s’expliquent que par la position de force de Gilead dans les négociations avec les autorités sanitaires des Etats. En déposant une vingtaine de brevets (dont les deux principaux auprès de l’Office Européen des Brevet (OEB)), couvrant chaque composant du Sofobuvir/Sovaldi ainsi que les processus de fabrication et de commercialisation, l’industriel a totalement verrouillé le marché et s’est arrogé une situation de monopole pour 20 ans. Une manne financière gigantesque pour Gilead, estimée au minimum à 7 milliards d’euros rien que pour la France !
Cette tendance à l’augmentation croissante des prix des nouveaux traitements constitue une menace directe pour nos finances publiques et la pérennité de notre système de santé solidaire. Avec des conséquences immédiates sur la vie des personnes touchées : ces prix ont poussé plusieurs Etats européens dont la France à organiser une sélection des malades. Seuls les plus gravement atteints pouvaient alors bénéficier de ces nouveaux traitements : une forme de « prime à la morbidité » totalement contraire aux principes fondateurs de notre système de santé. Cette sélection se traduit à la fois par une perte de chances thérapeutiques pour les malades non traités, et dans le cas d’une maladie infectieuse comme l’hépatite C, par un risque évident pour la santé publique.
L’accès de toutes et tous à l’innovation thérapeutique est un droit fondamental. Nous, associations de personnes touchées, ne pouvons accepter qu’il soit compromis par des pratiques commerciales que nous considérons comme abusives. « Pour AIDES comme pour nombre d’associations européennes, le « cas Sovaldi» est le cas de trop », explique Aurélien Beaucamp, président de AIDES. « Il symbolise à lui seul les dérives d’un système qu’il est temps de réformer ». Il devient en effet urgent de se pencher sur la validité de ces brevets et sur le mécanisme particulièrement opaque de négociation et de fixation des prix par les pouvoirs publics.
Un brevet, à quoi ça sert ? En principe, un brevet vise à protéger la propriété industrielle et à encourager la recherche et l’innovation, en garantissant une rémunération des inventions par la mise en place d’un monopole. Il n’a vocation à être accordé qu’aux seules authentiques inventions. Or, progressivement, le brevet est passé d’outil d’incitation à la recherche et au développement à un outil de rémunération et de contrôle du marché.
Face au dévoiement du système des brevets, une solution : l’opposition.
AIDES dépose donc aujourd’hui une opposition auprès de l’OEB sur un deuxième brevet du Sovaldi. Première association de patients en Europe à se lancer dans une telle procédure, AIDES vise la levée du brevet afin de permettre la production de génériques moins chers. « C’est aussi un coup de pied dans la fourmilière », explique Aurélien Beaucamp. « Le cas Sovaldi n’est pas un cas isolé et d’autres pathologies sont concernées par ces dérives. En déposant cette opposition, nous envoyons un signal fort aux industriels du secteur et aux pouvoirs publics : nous ne resterons pas sans réagir quand des intérêts mercantiles sacrifient l’égalité devant le soin. »
Le même jour, 11 sections de MDM et 13 de MSF déposent également une opposition sur ce brevet ainsi que des ONG européennes mobilisées pour l’accès aux traitements.[2]
En février 2015, Médecins du Monde lançait une première procédure sur l’un des brevets du Solvadi. En octobre 2016, l’OEB donnait raison à l’ONG et annulait partiellement le brevet.
Pour découvrir les propositions de AIDES sur le prix des médicaments : http://www.aides.org/2017/prix-medicaments-profits
Contacts presse : Romina Sanfourche – 06 99 11 67 78 / Antoine Henry 06 10 41 23 86
[1] Pourtant des chercheurs ont fait la démonstration qu’à moins de 100 euros les coûts liés à la production et à la commercialisation seraient couverts tout en ménageant une marge de profit : Andrew Hill et al. , Hepatitis C could now be cured for under US $100 per person: analysis of mass generic production of Direct Acting Antivirals, AASLD LiverLearning®, novembre 2016
http://liverlearning.aasld.org/aasld/2016/thelivermeeting/143849/andrew.hill.hepatitis.c.could.now.be.cured.for.under.us.$100.per.person.html
[2] European public Health Alliance (EPHA), Just treatment (Grande-Bretagne), Salud por Derecho (Espagne), Praksis (Greece), Access to medicines (Ireland).