Le ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche et le ministère de la Santé et de la Prévention ont annoncé le 25 septembre 2022 qu’à l’occasion du PLFSS 2023, le Gouvernement proposera au parlement l’ajout d’une quatrième année au diplôme d‘études spécialisées (DES) de médecine générale. Cette année supplémentaire se réaliserait « sous la supervision de maîtres de stage universitaires (MSU) », avec un encouragement à la réaliser en zone sous-dotée. Elle doit s’accompagner d’un projet pédagogique censé « accompagner les futurs médecins à leur installation rapide ».
En tant que représentant des remplaçants, mais aussi des généralistes installés depuis moins de 5 ans et des chefs de cliniques et assistants universitaires de médecine générale, ReAGJIR déplore la précipitation de cette annonce, sans discussion préalable : cette 4ème année ne doit pas constituer une forme de coercition déguisée exigeant des internes de médecine générale de pallier les conséquences de décennies de non-investissement dans la santé, l’enseignement supérieur, et la filière ambulatoire de médecine générale.
Par ce communiqué de presse, ReAGJIR souhaite alerter sur les manques existant déjà au sein de la filière de médecine générale universitaire et souligner les prérequis qui permettront, à terme, d’envisager une 4ème année de médecine générale innovante et pédagogique.
Renforcer l’ambulatoire dans les trois premières années de formation
ReAGJIR souhaite rappeler qu’en l’état actuel de la maquette du DES de médecine générale, les internes sont déjà censés réaliser plusieurs stages en ambulatoire. L’encadrement y est alors assuré par des maîtres de stage des universités agréés (MSU). Actuellement, le nombre de MSU est déjà insuffisant pour garantir des terrains de stage ambulatoires de qualité pour tous les internes de médecine générale du territoire.
Avant d’envisager une phase de consolidation, un travail reste à faire pour construire les terrains de stage ambulatoires nécessaires à l’application de la maquette en 3 ans. Aujourd’hui encore, la majorité des stages femmes-enfants se font uniquement à l’hôpital : ce n’est pas en restant dans le milieu hospitalier que les internes de médecine générale apprendront l’exercice de leur spécialité. Renforcer le virage ambulatoire de la maquette actuelle devrait être la première des priorités. Ce n’est qu’à ce prix que les étudiants bénéficieront au mieux de leur formation pratique pour renforcer leurs compétences.
Augmenter le ratio enseignants/internes de médecine générale
La spécialité de médecine générale représente 40% des postes ouverts à l’issue des ECNi chaque année. Pourtant, c’est la spécialité pour laquelle le ratio enseignants/internes reste le plus faible. Que cela soit pour assurer la réalisation des enseignements hors stages ou bien la direction de thèse, les enseignants sont indispensables à l’encadrement universitaire des internes de médecine générale. Ce déficit chronique de la filière universitaire de médecine générale pose déjà problème.
Dans ces conditions, les chefs de clinique universitaires et les assistants universitaires de médecine générale souhaitent alerter le gouvernement : il est illusoire de penser que l’ensemble des internes parviendra à bénéficier d’une formation de qualité, quelle qu’en soit sa durée, sans un recrutement massif d’enseignants.
Garantir un encadrement de qualité
Encadrer un étudiant ne s’improvise pas, mais nécessite une formation afin d’acquérir les outils pédagogiques nécessaires à l’accompagnement de l’interne dans le développement de ses compétences.
Si le nombre de MSU insuffisant s’avère déjà limitant, se pose en plus la question de la qualité de l’encadrement envisagé. Le modèle de la supervision à distance par un maître de stage pose plusieurs problèmes :
Quel MSU, ayant déjà la responsabilité d’un ou plusieurs internes, assurera en plus de ses fonctions cette supervision très indirecte ?
Quel filet de sécurité, aussi bien pour les patients que pour l’interne qui devra reprendre des dossiers de patients sans médecin traitant depuis des années, coordonner les soins en réseau dans des zones déjà sous-dotées en professionnels de santé et parfois sans centre hospitalier de proximité ? Comment garantir une bonne qualité des soins à la population par la création d’une offre basée sur un turn-over de docteurs juniors inexpérimentés dans des territoires délaissés depuis des années et déjà en manque de professionnels diplômés ?Construire un terrain de stage de 4ème année ne doit pas être envisagé comme une solution miracle pour résoudre la problématique de la désertification médicale : l’accès aux soins ambulatoires ne doit pas reposer sur les épaules des étudiants, mais doit s’inscrire dans une logique territoriale de concertation avec les professionnels.
Des lignes rouges à ne pas franchir
ReAGJIR appelle à ne pas confondre démagogie et pédagogie. Les internes de médecine générale qui, rappelons-le, ont été sur le front durant la pandémie de Covid-19 et tiennent encore trop souvent les services d’urgences et de médecine polyvalente à bout de bras, ne doivent pas voir leur formation bradée, et sacrifiée sur l’autel de la désertification médicale.
ReAGJIR s’opposera fermement à toute forme d’instrumentalisation de l’internat à visée coercitive car cette idée constitue un danger pour la population à plus d’un titre : elle crée une offre de soins de substitution composée d’étudiants inexpérimentés, en contradiction avec les vrais besoins des zones sous-dotées, et engendre également un risque majeur de perte d’attractivité de la filière de médecine générale qui s’avérerait dévastateur sur le long terme.
Nous souhaitons ici témoigner tout notre soutien à nos futurs confrères, en formation : vos chefs de clinique, vos assistants universitaires, vos MSU mais aussi vos collègues remplaçants et jeunes installés restent à vos côtés pour réclamer une formation de qualité, et une phase de consolidation qui vous accompagne réellement dans la construction de votre projet professionnel.