Filtres
Type d'information
Secteur
Zone géographique
Période
Tri

La Cour des comptes dévoile son rapport annuel sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale (Document)

Imprimer la liste
Share

En application de sa mission constitutionnelle d’assistance au Parlement, la Cour rend public aujourd’hui son rapport 2024 sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale.

Une perte de maîtrise des comptes sociaux

En 2023, le déficit de la sécurité sociale atteint 10,8 Md€, près de 4 Md€ de plus que la prévision initiale. La branche maladie porte, à elle seule, la responsabilité de la totalité de ce déficit et de son aggravation en cours d’année. Elle a bénéficié de la quasi-extinction des dépenses liées à la crise sanitaire, mais des réformes visant à contenir ses autres dépenses n’ont pas été engagées.

En 2024, le déficit de la sécurité sociale devrait rester stable à 10,5 Md€. Le respect de cet objectif suppose une décélération importante du rythme d’augmentation des dépenses d’assurance-maladie. L’objectif ne sera atteint que si 3,5 Md€ d’économies au moins sont réalisées, montant nettement plus élevé que les années précédentes. Pour la branche vieillesse et le fonds de solidarité vieillesse, il est attendu un déficit de 5 Md€, dont l’aggravation résulte de l’indexation des pensions de retraite sur l’inflation avec un an de décalage.

Pour l’avenir, la loi de financement pour 2024 a revu les perspectives financières de la sécurité sociale dans un sens défavorable. La trajectoire prévoit désormais une dégradation continue des comptes, sans perspective de stabilisation et encore moins de retour à l’équilibre. Un tel niveau de déficit constitue un point de bascule. La dette sociale va en effet recommencer à augmenter hors de tout motif de crise sanitaire et les conditions de son financement à terme ne sont plus assurées.

Des réformes nécessaires pour redresser les comptes sociaux

Les compléments aux salaires de base (heures supplémentaires aides directes, partage de la valeur…), récemment renforcés pour augmenter le pouvoir d’achat des salariés, constituent autant de « niches sociales ». Le manque à gagner pour la sécurité sociale atteint 18 Md€ en 2022. Son augmentation entre 2018 et 2022 a été supérieure à l’aggravation du déficit hors Covid.

Le coût de l’indemnisation des arrêts de travail pour maladie a augmenté de plus de 50 % entre 2017 et 2022 pour atteindre 12 Md€ dans le régime général. Pour réduire la vive progression de cette dépense, il est nécessaire d’aller plus loin dans la lutte contre la fraude aux arrêts de travail et dans le contrôle des prescriptions de médecins. La réglementation, trop complexe, devrait être simplifiée et les conditions de la prise en charge, partagées entre l’assurance-maladie, les entreprises et les salariés, devraient évoluer.

Un autre domaine dont le coût augmente fortement est celui des médicaments innovants dans la lutte contre le cancer (6 Md€ en 2022 avant remises). Les bénéfices de ces traitements sont importants, mais les procédures d’évaluation devraient être renforcées par le recours à des études médico-économiques indépendantes des laboratoires pharmaceutiques et un suivi de leur efficacité dans la vie réelle. Cela permettrait de renégocier les prix des médicaments concernés.

Si le recours à l’intérim médical dans les hôpitaux publics est resté limité, d’autres formes d’emplois temporaires se sont développées dans un contexte de pénurie : les médecins contractuels représentent désormais 13 % de l’effectif, 30 % dans les petits hôpitaux. Leur rémunération dépasse souvent les plafonds réglementaires. La croissance de leur nombre conduit à une perte d’attractivité du statut de praticien hospitalier et à une fragilisation du fonctionnement des services. Un renforcement du cadre de régulation est nécessaire.

Enfin, la stratégie de réduction du nombre de lits à l’hôpital est liée depuis 2013 à la montée en charge de la chirurgie ambulatoire, qui ne nécessite plus de garder les patients la nuit. Depuis 2020, on constate en outre une forte augmentation des fermetures temporaires de lits la nuit, le week-end, et pendant les congés scolaires, qui ne fait pourtant pas l’objet d’un recensement national. Le vieillissement de la population devrait conduire à une nouvelle stratégie visant à limiter les hospitalisations et à fluidifier les parcours de santé.

Une qualité de service et une efficacité à renforcer

La qualité du service rendu aux usagers des caisses du régime général se dégrade. Les temps d’attente augmentent et les délais de traitement administratif des dossiers s’allongent. Par ailleurs, le développement des services numériques est utile mais il risque de laisser de côté les usagers qui ne maîtrisent pas ces outils.

S’agissant de « Mon espace santé », il s’agit d’une réforme ambitieuse, qui vise à constituer pour chaque citoyen un dossier médical partagé avec les professionnels de santé, auquel seront adjoints des services. Les freins qui obèrent actuellement son usage devront être levés. L’État affiche une forte ambition d’élargir les usages des données de santé. Une grande base de données a été constituée, mais ses extensions, prévues aux données cliniques, n’ont pas encore été réalisées. Le point de blocage principal est la décision prise de recourir à la filiale d’une entreprise américaine pour développer les fonctionnalités liées à l’intelligence artificielle, qui pose des questions de souveraineté.

S’agissant de la gestion des retraites des professions libérales, la Cour a constaté des coûts de gestion élevés, des rémunérations excessives, peu d’efforts de modernisation et de mutualisation des outils, au détriment du service rendu aux assurés. Un renforcement de la tutelle et un rapprochement avec le régime général, engagé par une seule section professionnelle, apparaissent nécessaires.

Enfin, pour les aides aux familles nombreuses, les règles d’indexation ont eu pour effet d’évincer une part croissante de familles à revenus intermédiaires. Les fragilités structurelles des familles les moins favorisées n’ont pas été réduites pour autant.

Lire le rapport

CONTACTS PRESSE :

Julie Poissier – Responsable du pôle médias – julie.poissier@ccomptes.fr
Sarah Gay – Chargée des relations presse – sarah.gay@ccomptes.fr

Ajouter un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Share