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Riverains exposés aux pesticides : « des failles très inquiétantes dans la règlementation », pointe Générations futures (Rapport)

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Générations Futures publie ce jour un rapport exclusif basé sur l’analyse des lignes directrices européennes censées permettre à la puissance publique de protéger au mieux les riverains exposés aux pesticides. « Nos recherches nous ont permis de découvrir que les distances de non-traitement (ZNT) fixées d’après ces lignes directrices ne sont pas protectrices des personnes les plus vulnérables et ne couvrent pas toutes les situations réelles », note l’association.

Générations futures demande donc une révision en profondeur des mesures actuellement en vigueur pour assurer une réelle protection de ces populations vulnérables.

Rappel des faits

La proximité des habitations avec les parcelles traitées avec des pesticides constitue une source non négligeable d’exposition à ces produits par inhalation et par contact cutané, qui vient s’ajouter aux expositions par voie alimentaire. Suite à l’action juridique et de plaidoyer de Générations Futures et d’autres ONG, la France a mis en place en 2020 des distances de sécurité ou zones de non traitement (ZNT) entre les parcelles traitées et les zones d’habitation. Ces ZNT peuvent être fixées de 2 manières :

  • Soit dans l’autorisation de mise en marché (AMM) d’un produit, d’après une évaluation de risque réalisée par l’ANSES suivant un document guide de l’agence européenne EFSA (3, 5 ou 10m). Ces évaluations de risque sont obligatoires pour obtenir l’AMM depuis 2016 seulement. Il existe donc beaucoup de produits sur le marché, autorisés avant 2016, n’ayant pas encore été évalués par l’Anses
  • Pour gérer les risques pour ces produits n’ayant pas encore fait l’objet d’une évaluation, des dispositions nationales s’appliquent :
    • ZNT de 20 m pour les produits les plus préoccupants (classés cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR) avérés (catégorie1A) ou présumés (catégorie 1B), les produits considérés comme perturbateurs endocriniens et les produits toxiques ou sensibilisants par inhalation.
    • Pour les autres produits (y compris les CMR 2 (‘possibles’) les ZNT sont de 10 m pour les cultures hautes et 5 m pour les cultures basses. Ces distances peuvent être réduite à 5 et 3 m sous conditions.

Or, en juillet 2021, le Conseil d’État a jugé que les distances fixées par les dispositions nationales étaient insuffisantes pour les produits CMR2, pour lesquels il exige des distances au moins égales à 10 mètres. En réponse à cet avis du Conseil d’Etat, le gouvernement a publié un arrêté le 25 janvier 2022 demandant aux industriels de fournir une évaluation du risque pour les produits CMR2 avant le 01 octobre 2022. Les ZNT de ces produits CMR2 seront définies en fonction du résultat de ces évaluations.

Riverains exposés aux pesticides : des évaluations fiables ?

Le gouvernement justifie cette approche en disant que les évaluations de risque font « appel à la science et à la raison», sont fiables, protectrices, et « permettent de fixer des distances de non-traitement adaptées » et « justes nécessaires ». En effet, selon le gouvernement, appliquer une ZNT de 10 mètres pour un produit CMR2 ne serait pas « nécessaire » lorsque l’évaluation de risque a montré que 3 mètres suffisent. La confiance aux évaluations de risque est donc totale.

Générations Futures a voulu vérifier ce point par une analyse détaillée des méthodes utilisées pour évaluer les risques et en particulier des règles de l’EFSA, fixées dans ce que l’on nomme des lignes directrices, régissant l’évaluation de l’exposition des riverains aux pesticides et du danger des substances.

Evaluation de l’exposition : de nombreuses failles dans les évaluations

Le travail de Générations Futures a permis de mettre à jour de nombreuses failles dans ces évaluations : Tout d’abord pour ce qui s’agit de l’évaluation de l’exposition, notre analyse met en évidence que :

  1. L’évaluation des risques et les ZNT riverains ne s’appliquent pas à tous les produits (ex : poudrage, semences traitées).
  2. Certaines voies d’exposition ne sont pas prises en compte (par exemple, l’exposition via les poussières contaminées n’est pas comptabilisée alors que de nombreuses études montrent que les poussières sont une source d’exposition importante)).
  3. Les études utilisées dans le modèle sont anciennes, peu nombreuses, et les valeurs « pire cas » retrouvées dans ces études ne sont pas utilisées.
  4. Les durées d’exposition considérées dans le modèle sous-estiment les expositions réelles.
  5. Les conditions météorologiques considérées dans le modèle sous-estiment les expositions réelles ( le modèle évalue l’exposition pour une vitesse de vent de 10 km/H alors que dans les conditions réelles, les épandages peuvent avoir lieu jusqu’à 19 km/h)).
  6. Les caractéristiques physiques des personnes exposées selon le modèle ne sont pas réalistes ni protectrices pour l’ensemble de la population : les bébés de moins de 1 an, les adolescents et les femmes ne sont pas protégées par ces évaluations

Evaluation des dangers des produits : de nombreuses failles également

  • La base de données d’études utilisée pour dériver les valeurs sanitaires en dessous de laquelle aucun effet néfaste n’est attendu est souvent incomplète
  • Les effets génotoxiques et cancérigènes ne sont pas toujours couverts
  • Les co-formulants présents dans le produit ne sont pas pris en compte
  • L’effet cocktail n’est pas pris en compte

L’analyse détaillée de ces failles est présentée dans le rapport complet consultable ici : Riverains exposés aux pesticides : Rapport sur les failles des évaluations

Conclusion du rapport de Générations Futures

L’évaluation des risques courus par les riverains des zones d’épandages de pesticides est donc entachée de nombreuses incertitudes, sur ces deux aspects que sont l’évaluation de l’exposition et l’évaluation des dangers. L’approche adoptée par le gouvernement de faire confiance à ces évaluations pour fixer les ZNT est donc erronée.

Générations Futures a saisi officiellement l’ANSES sur cette question ce mardi ainsi que la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement (CNDASPE).

Les demandes de Générations Futures

  • Générations Futures avance un certain nombre de demandes :Les distances de sécurité vis-à-vis des riverains doivent être fixées selon le principe de précaution et non pas selon le résultat des évaluations des risques.
  • Les distances de sécurité doivent être élargies pour tous les produits, et a minima pour les produits classés CMR2 et/ou classés pour leur toxicité chronique.
  • Les épandages doivent être interdits lorsque le vent est supérieur à 10 km/h(2,7 m/s), soit à une force 2 sur l’échelle de Beaufort (et non 19 km/h comme c’est le cas actuellement).
  • Les riverains doivent être informés de manière claire et efficace sur le moment et la nature des épandages.
  • Davantage de moyens humains et financiers doivent être alloués à l’Office Français de la Biodiversité (OFB) pour ses missions de contrôle.
  • Le système de phyto-pharmacovigilance doit être amélioré.
  • Le Gouvernement doit s’engager dans une réelle politique de réduction des pesticides.

« Ainsi, les modèles permettant d’évaluer les risques pour les riverains sont très éloignées de la réalité et ne permettent pas de protéger les plus vulnérables. L’EFSA elle-même a reconnu la plupart des failles décrites dans notre rapport et laisse aux autorités nationales la responsabilité de prendre les mesures de gestion adéquates pour tenir compte de ces incertitudes », déclare Pauline Cervan, toxicologue chez Générations Futures.

« Nous demandons donc à l’Anses et au gouvernement de prendre leurs responsabilités, de reconnaître les limites des évaluations de risque et d’imposer des ZNT bien plus larges. Face à tant d’incertitudes sur les risques encourus par les riverains, le principe de précaution doit s’appliquer!« , conclut-elle.

Contacts presse 

Francois Veillerette (porte-parole) : francois@generations-futures.fr
Nadine Lauverjat (déléguée générale): nadine@generations-futures.fr

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